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Semailles et moisson

Dans une villa, recouverte à profusion de lierre à larges feuilles et de délicat et odorant jasmin, vivaient un grand-père, une grand-mère et leur petite fille, l'unique enfant de leur unique enfant, morte, elle, au bout d'un an de mariage.

Trésor donc doublement précieux pour les deux vieillards, cela se comprend. Aussi en faisait-on le plus grand cas, le choyait-on au dernier degré. Rien n'était trop bon, ni trop beau, ni trop coûteux pour Paulette. Quant à des devoirs à remplir, on n'en exigeait point; pourvu qu'elle fut là, la petite idole, et qu'elle se laissât adorer. De sorte que, logiquement, voilà ce qui en advint: à mesure que la jeune fille croissait en stature elle diminuait en valeur morale.

Son institutrice, une personne éminemment sensée, en éprouvait un vif chagrin. Et un jour, vis-à-vis de ce devoir qui se dressait devant elle, péremptoire, elle s'en ouvrit à la vieille dame: "Pardonnez-moi, je vous prie, une grande liberté, mais l'avenir de Paulette me préoccupe sérieusement. Ne croyez-vous pas, chère Madame, que par cette vie à trois, tendre, douillette, capitonnée pour ainsi dire, sans aucun sacrifice ni aucun renoncement, vous la rendrez impropre à supporter les épreuves qui ne manqueront pas de l'assaillir ? Elle attendra naturellement de son existence future tout ce qu'elle a coutume d'en recevoir aujourd'hui, et le jour où les orages viendront elle souffrira terriblement".

Savez-vous quelle fut la réponse de l'aïeule ? Le fait est absolument authentique: "Cela m'est bien égal. Tout ce que je veux c'est que plus tard elle puisse dire: Mes grands parents ne m'ont jamais refusé quelque chose, ils m'ont rendue complètement heureuse."

L'institutrice soupira. Elle aurait pu répondre que Paulette ne l'était déjà plus, heureuse !

C'est tout bonnement monstrueux n'est-ce pas ? cette aïeule qui dans son aveugle amour, disons-le franchement, dans son égoïsme, ne demande pas ce qui adviendra de l'enfant, qui restera là après qu'elle n'y sera plus, elle; et qui y restera, funestement préjudiciée.

Hélas, que de parents qui en agissent de même!

Depuis la mère ouvrière, élevant sa fille en belle dame, sans pouvoir lui procurer cependant le beau monsieur qui sera à l'avenir le seul mari possible, jusqu'à la petite bourgeoise qui inculque à la sienne des prétentions stupéfiantes !

Ah ! mères, si vous saviez ! Toutes vous les chérissez, ces enfants que vous avez mis au monde, que vous avez élevés au prix de peines, de fatigues, de nuits sans sommeil, de soucis cuisants, inexprimables. Et vous donneriez votre sang pour les savoir heureux, pour leur faire la route facile tout du long. Mais dans votre aberration vous accomplissez juste le rebours de ce qu'il faudrait, vous les désarmez, vous garantissez avec sollicitude leur défaite.

Qu'il vaudrait mille fois mieux, non pas les affaiblir, les bourrer de prétentions, multiplier leurs besoins, mais les rendre viriles, oui, oui, les filles aussi, et modestes, et contentes de peu, et dégourdies.

Commencez donc au premier âge, ce n'est jamais trop tôt. Quand le bébé glisse ou tombe, ne vous précipitez pas, en grande alarme, à la mode des jeunes mères, toutes voiles déployées. Que d'importance cela lui donne, au bébé, comme il se persuade vite de s'être réellement blessé, comme il s'accoutumera à attendre le secours d'autrui pour se tirer d'embarras!

Restez donc tranquillement à votre place, souriez, d'un gai sourire, et dites: "Nous allons voir si coco se relevera bien tout seul ? Un, deux, trois... hourra ! Maintenant on vient vite embrasser maman". Et bébé, ainsi vigoureusenient encouragé dans son vertueux effort pour s'aider tout seul, en acquerra de la joyeuse humeur, de la crânerie, en deviendra plus "débrouillard."

Ne lui dénouez pas non plus trop vite les noeuds que ses petits doigts mal habiles sont si aptes à embrouiller; laissez-le d'abord essayer, lui; elle plutôt, car aujourd'hui nous avons surtout en vue les jeunes filles. Et avec une raison infinie, car si un garçon gauche est déjà fort à plaindre, combien plus encore sa soeur, empruntée, dépendante, exigeante, qui ne pourra qu'en voir de rudes plus tard, à son propre foyer. Le seul moyen de les cuirasser contre les dangers c'est d'en faire de bonne heure des femmes fortes, vaillantes, comme celle que vante le roi Salomon dans ce beau chapitre 31 des Proverbes.

Quel contraste avec aujourd'hui. Ecoutez ce ton mignard: "Voyons, laisse ça, Marie, tu vas te gâter les mains; retourne à ton piano, à ta broderie, à tes plaisirs". Marie obéit volontiers; elle ne demande pas mieux. Et alors, pendant que la mère s'éreinte, les défauts de la fille se développent inévitablement. D'abord c'est la maladresse, puis vient le sentiment de son importance, la sotte vanité, ensuite l'égoïsme; et pour couronner la triste pyramide: le mécontentement, la mauvaise humeur, le dégoût. Voilà toute une existence compromise par cette folie maternelle que beaucoup nommeraient de l'amour.

Il y a à peine un mois, voici ce que je rencontrai sur mon chemin. Une veuve et sa fille unique, malheureuses ensemble autant qu'on peut être. "Et pourtant, Madame, croyez-moi donc, j'ai tout fait pour son bonheur", m'assurait la mère. "Je me suis privée, ne dépensant rien pour moi, passée de domestique pour lui payer les meilleurs professeurs. Sa chambre, regardez-la... ", et elle en ouvrit la porte. Un flot de soleil l'inondait, ce petit nid de jeune fille. C'était coquet, cossu, tout tendu de bleu, gracieux au-delà d'un rêve. "Et voilà la mienne", continua-t-elle, soulevant un rideau sombre et découvrant un réduit sévère et mesquin. "Quand une visite nous vient, je couche sur le canapé du salon", ajouta-t-elle encore avec un pâle sourire. "Mais Lili ne m'en sait pas gré; oh ! pas du tout". La voix se brisa dans un sanglot. Elle commençait à recueillir avec amertume les fruits malsains qu'elle avait elle-même semés, la malheureuse!

Qu'il y a loin de cette mère insensée, enseignant systématiquement l'égoïsme à sa fille, à la brave paysanne vaudoise dont le fils, unique aussi, étudiait à Lausanne la théologie, il y a quelque vingt ans. Quand arrivaient les vacances, il rendossait sans honte la veste de "milaine", ou de "grisette" suivant la saison, cousue par les mains fidèles de son excellente mère, et à son tour il se mettait à travailler pour elle. Pour aller au four banal il fallait d'abord suivre un petit chemin verdoyant; puis on traversait le village tout entier, on passait vers la fontaine où les cotillons de l'endroit font éternellement leur bout de causette. Mais Jean n'en avait cure, des yeux bleus ou bruns qui le suivaient malicieusement, ou respectueusement aussi, quelquefois. Quand sa brave femme de mère "faisait au four", pour rien au monde il ne l'aurait laissé s'échiner seule. C'était lui qui brouettait les grandes miches brun foncé, c'était lui encore qui transportait soigneusement, un sous chaque bras, les immenses gâteaux traditionnels; tandis que la mère trottinait à son côté, très légèrement chargée et les yeux brillants de bonheur. C'est qu'elle n'avait pas détruit la simplicité de son fils, qu'elle ne l'avait pas laissé se gonfler d'un faux mérite, qu'elle l'avait sainement élevé, quoi. Aussi est-il devenu un homme heureux, cet étudiant là, inutile de le certifier.

Ainsi, chères amies, pour le bonheur futur de vos enfants, de vos filles surtout, enseignez-leur à révérer et leurs parents et l'oeuvre que ceux-ci accomplissent. Répétez-leur souvent: "Il n'y a pas de sot métier, il n'y a que de sottes gens"; ou bien: "Tout travail honnête honore celui qui le fait", dictons populaires remplis de sagesse. Réduisez le plus possible leur besoin de toilette, d'élégance; moins elles seront exigeantes et difficiles, plus elles ont de chances de bonheur ici-bas. Moins elles auront de prétentions, plus elles sauront jouir. Et puis, sortez-les de leur "moi" de ce moi féroce, qui n'a jamais rendu personne heureux. Qu'elles apprennent à vivre pour le prochain, à s'oublier, à se donner, à suivre les traces de leur Sauveur. Ce n'est qu'alors, mères, que vous pourrez sans crainte lancer vos filles dans la bataille de la vie, elles seront réellement armées, elles vaincront.









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