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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Conversations à table (suite)

Nos conversations à bâtons rompus mettent nos enfants au courrant du vrai fonds de nos pensées et de nos inclinations. A la fréquence avec laquelle nous revenons sur certains sujets, à l'animation de notre voix, ils distinguent, sans en avoir nettement conscience, de quel sentiment nous nous inspirons. Croit-on qu'il leur faille beaucoup de discernement pour découvrir quel cas nous faisons ou ne faisons pas de l'argent, de la figure, de la toilette? Quand nous racontons comment telle personne était mise, la couleur de sa robe, la forme de son chapeau, quand nous nous informons diligemment des dernières modes, du coût de certains costumes, nos petites filles concevront une haute idée de l'importance de ces fanfreluches. A la nouvelle d'une mort, nous enquérons-nous avidement de ce que laisse le défunt, du sort de ses biens, et à la nouvelle d'un mariage, de la dot que donne le père, ou de ce que gagne le fiancé ? Nous apitoyons-nous sur les embarras de tout ce qui ne vit pas dans l'aisance ? on croira, dans le cercle des petits qui nous entourent, que l'argent est affaire de premier ordre. On se figurera qu'être riche, c'est avoir beaucoup de mérites, et que la pauvreté ne laisse pas que d'être honteuse. Ces questions, au contraire, sont-elles rarement touchées parmi nous, nous entend-on peser gens et choses à la balance du vrai mérite, de la valeur morale ? Nos enfants apprendront à regarder moins à l'apparence, au succès extérieur, aux avantages matériels; leur conscience sera mise en éveil, leurs notions même du beau, du bien et du vrai s'élèveront; ils pardonneront moins facilement à tout ce qui brille, ils réserveront leur estime pour d'autres personne que celles qui font honneur aux modistes, aux maître de danse, aux entrepreneurs d'affaires et de mariages. Une notable partie de cette éducation se fait aux repas.

Il n'y a pas jusqu'à nos gestes, notre langage, nos plaisanteries que nous ne transmettions à nos enfants. Comme c'est à table qu'ils nous voient de plus près et le plus longuement, ils adoptent presque involontairement nos expressions, nos familiarités, nos libertés. Un homme peu loyal est taxé par nous de gredin: va pour gredin ! nos enfants nous serviront ce mot à satiété. Ils nous entendent tempêter parce que le rôti est brûlé ou, au contraire, la viande trop saignante; ils n'auront pas assez de mépris pour l'auteur maladroit de ces délits.

Ces risques s'aggravent lorsque de la plaisanterie pour ainsi dire perpétuelle, du ton habituellement ironique, nous glissons sur la pente de la moquerie. Gare à ces maisons où l'on vous habille le prochain de la belle manière, jugeant, critiquant, tournant en ridicule. Le pli se prend, les choses saintes elles-mêmes n'échappent pas au crible de la raillerie. On citait, il y a quelques années, l'exemple d'un père de famille croyant, qui avait fait de ses enfants autant d'incrédules par la manière dont il parlait des cultes; il contrefaisait les prédicateurs, il mettait en pièces leurs discours, il relevait avec art tel mot malheureux, telle image risquée. Comment veut-on que les enfants prennent goût et intérêt aux services religieux, lorsqu'à table, à la table même du dimanche, ils entendent disséquer le sermon et déprécier les divers détails du culte, depuis la voix du chantre jusqu'au jeu de l'organiste ? Nos enfants seront-ils tentés après cela de soupirer après les parvis de l'Eternel et se réjouiront-ils d'aller chanter ses louanges ?

Une double prudence est requise, lorsque des convives du dehors viennent s'asseoir à notre table de famille. Tel, en effet, qui s'observe en temps ordinaire, s'émancipe avec des hôtes, il veut leur tenir tête par ses traits d'esprit, il veut exciter leur gaieté, il oublie momentanément les jeunes oreilles qui ne perdent pas une parole. La table, si précieuse pour instruire et est dangereuse à cause de l'excitation naturelle qu'engendrent ses plaisirs. On se grise aisément de sa parole, on en dit plus qu'on ne voulait, on se laisse aisément piquer par quelque mauvaise mouche. C'est à ces repas publics ou demi-publics que se lâchent des jugements qu'on regrette sans oser les rétracter.

Nous sommes loin d'avoir dit tout le prix du silence. Tant de choses ne devraient pas être mentionnées devant les enfants ! Qu'ont-ils besoin de connaître ces histoires scandaleuses qui font "causer toute une ville", et qui, en attendant plongent des familles dans la tristesse, la honte et le désespoir ! Qu'ont-ils affaire de nous entendre juger et condamner les parents de leurs amis, et d'être mis au courant des antécédents fâcheux de gens nouvellement arrivés dans le voisinage ! Les oeuvres chrétiennes, ou simplement humanitaires, qui ont trait aux questions de moeurs, ne comportent pas la libre discussion à table.

Un apôtre rappelle qu'il est certaines choses dont il n'est pas bienséant de parler, et le Maître nous recommande avec un amour spécial ces petits dont les anges contemplent la face du Père qui est aux cieux. Voulons-nous souiller, ternir seulement ces âmes relativement pures ? Heureuses les familles où les enfants grandissent dans une sainte ignorance du mal, jusqu' au jour où la prudence elle-même commande de les renseigner.

Mais, en faisant grande la part d'un sage silence dans l'éducation, nous ferons plus grande encore la part de l'éducation positive, que nous pouvons poursuivre, aux repas de famille, par le tour de la conversation. A côté des choses à ne pas raconter, il y en a tant à raconter. Mettons d'abord nos enfants au courant de ce qui nous concerne, de ce que nous faisons, des gens que nous voyons, des affaires auxquelles nous sommes mêlés, de ce que nous avons appris et qui peut se répéter. On vit, dans quelques maisons, à côté les uns des autres, non les uns avec les autres, faute de savoir ou vouloir délier sa langue. L'habitude de raconter l'emploi de son temps se communique aux enfants; ceux-ci, piqués d'émulation, parleront de leurs jeux, de leurs projets, de leurs camarades, des propos qui s'échangent et des événements qui se passent en classe; les parents seront ainsi tenus au courant de leurs faits et gestes sans enquête directe.

Profitons de ces courts instants passés en famille pour exprimer notre approbation, notre admiration de tout ce que nous apprenons on constatons de beau, d'édifiant. Il se perd tant de nobles traits de conduite qui pourraient relever le moral des gens. Au lieu de ces pointes cousues de médisances qui font la substance de trop de conversations, que ne donnons-nous plus de publicité autour de nous à ces vies de devoir assidu, de Iongue patience, d'héroïque dévouement qui se cachent dans l'ombre !

A table plus qu'ailleurs nous pouvons énoncer nos réserves, proposer nos éloges, atténuer les accusations courantes, renouveler l'atmosphère morale que respirent nos enfants. Quelques propos semés en passant peuvent purifier l'air chargé de préjugés, de faux rapports et de méfiances. On ne nous suivra pas sur-le-champ, mais nous n'aurons pas plaidé en vain la cause des absents, si souvent à travers de sombres lunettes...

Parlons aussi, à table, de nos lectures. Nous avons lu des pages qui nous ont révoltés par leur injustice, dégoutés par les tableaux qu'elles peignaient. Le sens du respect a été froissé chez nous. Disons-le, chemin faisant, sans toujours nommer les plumes coupables. Que nos enfants sachent que nous n'avons pas pour le vice ou la malice une inépuisable indulgence, et qu'ils s'inspirent, à notre contact, de ces haines vigoureuses qui conviennent aux âmes bien nées. Nous avons au contraire, été intéressés, saisis par quelque lecture d'un ordre supérieur, s'agit-il même d'ouvrages d'imagination: rendons à tout seigneur tout honneur, signalons aux nôtres, recommandons les articles, les livres qui nous ont fait du bien ou sainement récréés. Ne privons pas nos enfants de nos impressions; qu'ils aient envie de puiser, après nous, à ces sources de belles pensées. Tout ce qui est à moi doit être à mes enfants: n'hériteront-ils que de mon argent, et pas de mon caractère, ni de mes préférences?

Comme chrétiens, notre responsabilité s'étend plus loin. Les oeuvres qui se poursuivent, soit dans le pays, soit au loin, au nom du Seigneur Jésus, et pour la gloire de notre Dieu sont légion. Nous souscrivons, nous lisons les rapports, nous figurons dans les comités ou parmi les collecteurs: est-ce tout ? jamais un mot à table sur les missions chez les peuples païens, ni sur les missionnaires, leurs sacrifices et leurs travaux ! Jamais un mot sur les oeuvres de mission intérieure, les efforts tentés pour le relèvement des pécheresses ou des buveurs ! On ne se douterait pas, d'après nos conversations, qu'il y ait chez nous des écoles du dimanche, des unions chrétiennes, des sociétés d'utilité publique et de secours mutuels!

Avec plus de foi, nous considérerons que les récits faits aux repas sont souvent des graines qui tombent dans de fraîches imaginations et y lèvent lentement, mais sûrement. L'avenir du règne de Dieu vaut bien l'avenir de la France ou de l'Amérique: faudra-t-il que les nouvelles de ce règne figurent aux dépêches télégraphiques pour que nous en parlions en famille ?

Nous parlons de graines: entre autres idées que nous pouvons semer en passant, suggérons, sinon à nos enfants, du moins devant nos enfants embarrassés de choisir une vocation, quelques emplois qu'ils pourraient faire de leur vie. On se plaint dans nos pays de langue française de la rareté des vocations de diaconesses: à qui la faute, si ce n'est en partie aux parents qui redoutent pour leurs filles ces belles carrières de dévouement et n'en font aucune mention ? Ou si l'on y fait illusion, c'est sur un ton de regret, en s'apitoyant ! Les jeunes hommes ne songent pas à servir le pays, la commune, l'Eglise ! n'est-ce pas parce que vous, mères, vous les avez élevés dans du coton et que vous continuez à les envelopper de votre tendresse craintive comme d'une ouate moelleuse où ils achèvent de s'endormir: Parlez-leur donc le langage du devoir et du véritable amour maternel, dites vos voeux dans vos réunions de famille. Perdrez-vous vos fils, quand ils seront occupés, utiles, recherchés ?

Nos propos de table ! ... Quand nos enfants en feraient collection, comme on a fait collection de ceux de Luther, serait-ce pour leur édification ? C'est le cas de rappeler l'exhortation de l'apôtre: Que nos discours soient assaisonnés du sel de la grâce...Nos enfants boivent nos paroles: est-ce à la santé de leur âme? La question nous paraît digne d'être mûrement examinée.









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