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Le travail donné de Dieu

- Je suis à bout de forces et de courage! Levée tôt, couchée tard, je travaille sans cesse et n'arrive jamais à faire tout mon travail. Il semble que Dieu m'entasse l'ouvrage sur les épaules! C'est sans doute pour mon bien qu'il agit ainsi et je tâcherai de ne plus me plaindre. Et la pauvre femme poussant un profond soupir laissa tomber son ouvrage sur ses genoux.

- Est-ce Dieu qui vous donne cet ouvrage ? demanda tante Jeanne.

- Que voulez-vous dire, ma tante ? Doutez-vous que ce soit le Seigneur, qui me l'envoie ?

- Oui j'en doute, répondit tante Jeanne. Je doute beaucoup que ce soit Dieu qui vous ait imposé tout ce que vous avez fait aujourd'hui. Je suis même bien persuadée que vous vous êtes vous-même imposé une bonne part de vos labeurs, précisément la part qui vous a le plus fatiguée.

- Moi ? jamais! s'écria Elisa, se redressant vivement.

- Voyons Elisa, ne vous fâchez pas. Vous êtes une femme de bon sens. Voyons votre travail d'aujourd'hui. Par quoi a-t-il commencé ?

- D' abord, j'ai déjeuné, puis j'ai enlevé le couvert, répondit Elisa, disposée à prêter l'oreille aux raisonnements, puis j'ai préparé les enfants pour l'école.

- Cela c'était sûrement de l'ouvrage envoyé par Dieu, interrompit tante Jeanne.

- Ensuite j'ai fait mes gâteaux pour demain... Est-ce que vous trouvez du mal à cela ?

Tante Jeanne secouait doucement la tête.

- De combien de sortes, Elisa ?

- De six sortes. Est-ce trop ?

- Deux, trois sortes au plus n'eussent-elles pas été suffisantes?

- Madame Bernard en avait six à son "thé" et je ne veux pas faire moins qu'elle, répondit Elisa.

De nouveau, tante Jeanne secoua la tête, mais le moment de donner son avis n'était pas encore venu.

- Je me suis occupée du dîner, continua Elisa, puis de desservir; ensuite il m'a fallu découdre la garniture de la robe de Marie; cela m'a pris jusqu'au souper; depuis, je n' ai pas cessé de travailler à la recoudre. Mes yeux maintenant me font souffrir aussi cruellement qu'un mal de dents et je suis si exténuée que je ne pourrai certainement pas m'endormir avant minuit.

- Ainsi, vous n'aurez pas la moitié du repos qui vous serait nécessaire pour le travail de demain. Mais cette robe n'aurait-elle pas pu aller telle quelle ? Elle me paraissait propre et convenable.

- A moi aussi, jusqu'à ce que j'eusse vu la robe neuve d'Anna. Après l'avoir vue j'ai compris que la garniture de la robe de Marie n'était plus à la mode; et je ne voudrais pas que Marie fût mal vêtue demain.

- Et c'est ce que vous appelez le travail donné de Dieu ? le fait de perdre votre temps et vos forces, à faire six sortes de gâteaux alors que deux auraient suffi et cela dans le seul but de ne être pas surpassée par Madame Bernard. Je n'appelle pas davantage oeuvre venant de Dieu le fait de vous abîmer les yeux et de perdre deux heures (qui auraient pu être des heures de repos) à découdre et à recoudre une garniture afin que quelque niaise petite fille ne déclare pas que la robe de Marie n'est plus à la mode. Non, ce n'est pas l'oeuvre de Dieu, preuve en est que cela vous a rendue nerveuse et injuste, cela vous a fait rudoyer Jean et envoyer Marie au lit toute en pleurs ! Voulez-vous savoir ce que j'entendais dire tout-à-l'heure à vos deux petites, tandis que j'étais assise dans ma chambre ? - "Oh! disait Catherine, je voudrais tant que maman nous prît sur ses genoux et nous embrassât longuement, comme fait la maman de Marguerite! - Moi aussi, a répondu Lili, mais maman a toujours tant à faire, tu sais; elle n'en a pas le temps . . . " Je vous assure, Elisa, que cela me faisait mal de penser que vous négligiez ainsi une partie du travail que Dieu vous a donné à faire, pour ces futilités dont vous venez de me parler. Une partie de ce travail est le soin à prendre de votre santé, car comment pourriez-vous être pour votre famille ce que vous devez si la fatigue et les nerfs ont le dessus ? Ne vaudrait-il pas mieux pour Marie que la garniture de sa robe ne fût pas à la dernière mode et que sa maman ne lui eût pas brisé le coeur par de dures paroles ? Vos enfants ne seraient-ils pas plus heureux d'avoir moins de gâteaux sur leur table, et que leur maman ne fût pas trop occupée et qu'elle pût les prendre sur ses genoux et leur donner de tendres baisers ? Si cela était nécessaire (et
cela ne le sera jamais), laissez plutôt la poussière s'accumuler sur vos meubles que vos enfants grandir sans maman! N'ouvrez pas de si grands yeux, Elisa. Vous êtes une excellente ménagère, mais non une bonne mère. Maintenant je vous prie de garder le silence pendant dix minutes. Vous êtes très fâchée en ce moment, mais quand vous aurez réfléchi à ce que je viens de dire, vous me remercierez car, je le répète, vous êtes une femme de bon sens, Elisa, et vous allez, dès ce soir, prendre rang parmi les meilleures mères de famille.

Les dix minutes n'étaient pas écoulées qu'Elisa se levait et quittait la chambre. Silencieusement elle se dirigea vers celle de ses filles: tout semblait tranquille, mais lorsqu'elle s'approcha d'un des lits, elle entendit un sanglot. Aussitôt elle s'agenouilla, prit Marie dans ses bras avec une tendresse qu'elle ne lui avait pas témoignée depuis les premiers pas du bébé. Seules elles surent ce qui se passa alors entre elles deux, mais si l'on versa de nouveau des larmes dans la petite chambre ce soir-là, ce furent des larmes de joie. Quant aux toutes petites qui s'étaient endormies dans les bras l'une de l'autre, elles ne sentirent pas les baisers si ardemment désirés; ce fut pour le lendemain.

Tante Jeanne somnolait dans son fauteuil lorsque Elisa rentra, mais elle se réveilla s'apercevant qu'Elisa était debout à ses côtés.

- Tante Jeanne, vous m'avez dit des choses sévères, mais non pas trop sévères. Mon cas était désespéré et j'avais besoin d'un remède radical. Vous avez eu raison, je vous remercie du fond du coeur. Bonne nuit !

Pendant quelques instants tante Jeanne demeura dans son fauteuil les mains jointes et les lèvres remuant comme si elle priait.

- Il me semblait vraiment que Dieu m'avait chargée de le dire, murmura-t-elle enfin. Je n'ai pas osé esquiver ce devoir quand même il était bien dur à remplir. Mais, maintenant je ne pourrai jamais être assez reconnaissante et assez heureuse de l'avoir accompli!









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