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Devant les enfants
Il arrive souvent que, sans en venir aux querelles, les époux tombent avec le temps dans la fâcheuse habitude de ne pas observer assez dans leurs rapports réciproques les règles de la stricte politesse, peut-être même des convenances. En dépit de leur bonne éducation, ils se laissent parfois entraîner dans l'intimité, à des paroles trop vives, même à des apostrophes irritées. L'enfant qui assiste à de pareilles scènes, ou les entrevoit, ne saurait en aucune façon tenir compte de ce que l'intimité conjugale d'un passé déjà long apporte d'apaisement et d'adoucissement à ce conflit parfois plus apparent que réel. Il en demeure effaré, confondu, stupéfait. Suivant qu'il est porté à prendre parti dans son coeur pour son père ou pour sa mère, l'autre apparaît comme un monstre exécrable et indigne de pardon. Il pousse à l'extrême tout ce qu'il entend et tout ce qu'il voit; souvent il lui reste de ces scènes si légèrement engagées et si promptement oubliées par ses parents, de profondes rancunes, des ressentiments durables que le temps lui-même ne parviendra pas toujours à effacer tout-à-fait.
Il arrive en plus d'une occasion, que l'un des époux prend pour témoin de ses peines et pour confident de ses griefs la jeune fille déjà grande ou le jeune homme devenu adolescent. En pareil cas c'est le fils qui entend le mari se plaindre de sa mère, tandis que la fille entend la mère se plaindre du mari. Cet oubli de tous les devoirs, cette violation de tous les principes sur lesquels repose la famille, ont quelque chose de tellement odieux qu'on ne saurait ici admettre de préméditation. Le plus souvent c'est un moment d'oubli, un élan d'effusion qui entraînent à ces regrettables ouvertures. Il n'en est pas moins vrai qu'une fois le premier mot prononcé, une fois cette attitude prise, le mal devient à peu près irréparable; le bonheur du ménage se trouve irrémédiablement compromis! L'époux aurait supporté bien des injustices, tant qu'il en serait demeuré la seule victime et le seul témoin . . . , mais comment veut-on qu'il se résigne à perdre l'estime et peut-être la tendresse de sa fille bien-aimée. Il lui faudra donc subir cette humiliation et cet outrage d'avoir à rougir devant sa propre enfant. Il n'est pas moins triste de voir le mari raconter à son fils ses peines conjugales. Ces terribles aveux ne se font pas d'ordinaire sous la forme de récits et d'épanchements. Le plus souvent c'est une allusion, qui échappe dans un moment de colère; c'est un fait, qu'on rappelle et qu'on indique en passant; c'est une accusation vague qu'on porte. A cette ouverture, le fils reste d'ordinaire silencieux. Ce père imprudent ne voit pas que le jeune homme, tout en blâmant sa mère dont on lui ôte le respect, ne porte pas dans son for intérieur un jugement moins sévère contre son père qui ose lui parler ainsi. C'est surtout dans les familles qu'il faut regarder au lendemain de toutes les actions. Un père et une mère doivent donc prendre pour règle absolue de ne jamais rien laisser transparaître de leur griefs devant leurs enfants, même arrivés à l'adolescence. Le respect devient plus nécessaire encore, lorsque l'âge les dispense de l'obéissance enfantine. Il faut que cette femme, si elle a souffert, emporte avec elle le secret de sa douleur; si ce mari a eu à se plaindre, c'est le fils qui, dans le monde entier, doit rester le dernier à le savoir.
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