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Encourager
Semblable à ce berger écossais, qui reconnaissait chacune de ses brebis à son défaut particulier: - tache sur le dos, oreille fendue, pied défectueux, - la mère, parlant de ses enfants, dira volontiers de l'un qu'il est violent ou discuteur, de l'autre qu'il est égoïste ou vantard.
Un garçon rentre-t-il bruyamment du collège, cela suffit pour qu'une pluie de reproches lui tombe dessus ! "Il n'est pire tapageur que toi !" lui dit-on. Tapageur! ce mot résonne sans cesse à ses oreilles. "Tapageur!" sera désormais son surnom. Tapageur! Il l'était peut-être sans le savoir, il le deviendra de fait.
N'est-ce-pas, en effet, d'un de ses défauts que l'enfant, dans la famille, tire le plus souvent son surnom? Dans la famille, disons-nous, car un étranger, s'avise-t-il de relever une de ces lacunes, la mère, semblable à une lionne, défend à outrance, et contre sa conscience parfois, celui de ses petits qu'on a voulu toucher.
L'enfant, qui s'entend toujours reprocher ses emportements sa paresse ou ses manques de droiture, s'engage dans la vie avec une réputation qu'il croit toute faite, à laquelle il n'y a rien à changer, et continue à se mettre en colère à flâner ou à mentir.
Un mot d'encouragement, à temps, eût ouvert son coeur et l'eût empêché de prendre ce pli.
Voyez plutôt; un jour, il se trouve seul, avec sa mère. Le moment est choisi. Il faut choisir ses moments.
- Alfred, dit la mère, je ne veux pas te laisser ignorer un fait qui a rempli mon coeur de joie. L'enfant reste muet.
- Depuis dimanche dernier, voici déjà huit jours, en t'observant de très près, il m'a semblé que tu ne t'es pas mis en colère une seule fois. Si tu as pu passer une semaine de la sorte, ne crois-tu pas que Dieu peut t'aider à en passer une seconde, puis une troisième, et t'amener à ne plus jamais t'emporter ?
L'enfant rougit de plaisir. Son coeur est dilaté au contact de cet élixir réconfortant qui s'appelle: "encourager l'enfant". Sa conscience, éveillée du même coup, lui rappelle une impertinence qu'il a dite loin de la présence de sa mère.
- Tu n'a pas tout vu, dit-il, je me suis fâché contre mon maître, j'ai manqué d'enfoncer le plancher de ma classe tant j'ai frappé du pied !
- Pourquoi cela ?
- Parce qu'il fallait sortir de la classe, mes camarades et moi, par ordre alphabétique et que, par mon nom, j'étais le dernier.
- Tu as eu tort; tu feras des excuses à ton maître, demain; néanmoins, je constate un progrès, un petit progrès. Habituellement tu t'emportes plusieurs fois par jour, et tu ne l'as fait qu'une fois cette semaine. Tu es monté au lieu de descendre. Oh ! il fait beau monter! Rappelle-toi le glorieux spectacle que nous avons contemplé l'autre jour sur la montagne; la nature resplendissait de beauté sous les rayons lumineux du soleil!
Et quel air vivifiant sur les sommets!
A l'enfant doux, patient, humble et vrai, le soleil de la bonne conscience! . . .
La mère prend-elle à tâche de constater chaque progrès, chez son fils ou chez sa fille; jour par jour, surveille-t-elle, encourage-t-elle, reprend-elle ? - mais, encourage-t-elle surtout? - elle aura trouvé le secret de ce ministère qui opère les merveilles. Elle aura ouvert le coeur de l'enfant. Elle lui aura montré que ce désir secret, caché peut-être dans les replis obscurs de son être moral, ce reste de l'image de Dieu, qui le pousse vers le bien, elle a su le découvrir.
Dès lors, la sève fortifiante de l'encouragement pénétrera sa volonté. Il voudra bien faire, il aimera bien faire, il commencera à mieux faire.
Un enfant fait sous vos yeux, avec peu de succès, un travail d'école. Vous lui dites:
- Cela ne va pas, réussiras-tu jamais? Je n'ai jamais vu un garçon faire ses devoirs aussi mal que toi, etc.
Il y a neuf chances sur dix que l'enfant se décourage, et qu'en effet il ne réussisse pas.
Le lendemain il fera moins bien, le surlendemain très mal; la semaine suivante il ne fera pas sa tâche, mentira pour cacher sa faute à son maître; celui-ci le punira, et l'élève, ne croyant plus qu'il y a espoir de mieux faire, descendra tout doucement, un à un, les degrés de cette échelle qui s'appelle "le découragement" et qui conduit au péché et à la ruine.<7i>
Nos rues pullulent d'hommes et de jeunes gens, de situations sociales d'ailleurs très différentes, traînant avec eux une mauvaise conscience, découragés, livrés au péché, et auxquels il n'a manqué qu'une chose: une main amie qui leur fît une virile caresse à l'âge de quinze ou seize ans, ou un oeil exercé qui sût découvrir les bonnes intentions, les aspirations vers le bien, inconscientes peut-être, cachées au fond de leur être moral.
A l'enfant que nous venons de citer, dites au contraire:
"Ce n'est pas tout à fait bien ce que tu fais là; c'est pourtant moins mal que le devoir de l'autre jour; il y a chez toi de l'étoffe pour réussir, encore un peu de peine, un regard en haut, un cri vers ton Dieu, et tu auras triomphé de cette difficulté", vous avez évité ainsi la dégringolade du garçon; du même coup vous avez soufflé en lui une vigueur nouvelle, vous avez mis en action ses désirs vers le bien et vous avez contribué au développement de sa conscience.
On a souvent confondu ces deux mots:
Encourager et flatter.
Non, encourager ce n'est pas flatter.
Les parents flatteurs ne réussiront jamais. Ils moissonneront avec larmes ce qu'ils auront semé. La flatterie n'ouvre pas le coeur, elle le fausse. Qui flatte cherche son intérêt, qui encourage cherche celui d'autrui.
La mère qui encourage pourra semer avec peine, mais elle moissonnera avec allégresse.
Oui, le ministère de l'encouragement opère des merveilles! Que chacun s'applique seulement à l'exercer avec patience, sagesse et discernement !
Ce ministère ouvre le coeur, parce qu'il se donne la peine d'aller le chercher là où il est.
Mieux elle sait encourager, mieux aussi la mère sait reprendre; et l'enfant qu'on encourage se laisse reprendre.
Reprendre, sans encourager, endurcit souvent et suscite parfois la révolte.
Encourager, sans reprendre, amollit, endort, énerve. Il faut encourager et reprendre, et mieux on saura encourager, moins on aura à reprendre.
Elevé à cette école, l'enfant apprend à son tour à encourager. Il recherche le bien plutôt que le mal chez ses camarades. Il devient bienveillant; il eût été soupçonneux.
(A suivre)
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