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Les enfants

Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits. Math. 18, 10.

..... Mépriser un enfant, c'est dire: "Ce n'est qu'un enfant! Il ne sait rien, on ne peut pas causer avec lui". - Ah quel dédain de l'ignorance mystérieuse et sacrée du premier âge! Quelle méconnaissance des privilèges sublimes échus à tout éducateur ! L'enfant ne sait rien ? Alors quelle mission est la vôtre, à vous-même. Comme l'esprit du Dieu créateur qui se mouvait à la surface du chaos, pour en faire jaillir la lumière, la couleur et la vie, ainsi votre âme, associée à l'ouvrier divin, doit couver cette âme enfantine pour y faire éclore mille et mille merveilles et d'indescriptibles trésors.

Etre seul, avec un petit enfant, devant le ciel qui s'empourpre à l'Occident, ou dans un jardin dont les fleurs s'entrouvrent, voilà une situation redoutable pour un homme. Elle ne l'est pas moins pour celui qui accompagne un enfant dans la rue bruyante et vicieuse où les murailles elles-mêmes, bariolées d'affiches, hurlent des mots impurs ou des mensonges cyniques. Et quand une mère joint les mains de son petit enfant pour lui enseigner à prier, sachez-le, si elle n'éprouve pas en même temps qu'un saint tremblement, une joie débordante et la triomphante certitude qu'elle reçoit du Très-Haut l'honneur suprême, cette mère ne venère pas, réellement, l'ignorance du petit enfant; il faut qu'elle aille elle-même à l'école du Fils de Dieu, qui a dit: "Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits, car les anges, dans les cieux, voient continuellement la face de mon Père".

Avouons-le, nous manquons souvent de respect pour les petits, pour les tout petits; on les considère un peu comme des jouets animés, comme une distraction nécessaire à la maison; on les plaisante perpétuellement; on s'amuse également de leurs joies, qui sont sérieuses, et de leurs peines qui sont intenses; bref, sans le soupçonner, on les méprise. Et ceux qui méprisent les petits, qui les dépouillent inconsciemment de leur dignité native, sont bien près de les scandaliser.

Sommes-nous de ceux qui ont scandalisé un petit ? Question terrible à poser, terrible à entendre. Avons-nous été, pour un enfant quelconque, une occasion de chute; car c'est là ce que signifie le mot scandale ? Avons-nous placé, devant des pieds enfantins, la pierre qui fait trébucher ?

Pour l'enfant vous le savez, toute grande personne est un oracle. "Il respire dans la confiance et dans l'amour; il croit, d'une foi pleine, que son père et sa mère savent tout; il ignore que l'on puisse tromper que l'on puisse faire un faux don; le rayon de son coeur s'élance droit au dehors, sans crainte et sans détour, et les impressions de la vie trouvent tout ouvert pour pénétrer (1)". Frères et soeurs ! comment avons-nous honoré cette indicible confiance, qui devrait nous rendre bons comme Dieu même, puisqu'elle nous traite comme le Père céleste veut être traité par nous ? Hélas ! Voit-on l'oiseau, quand sa nichée l'implore, verser du gravier dans ces becs avides ? Et pourtant, c'est là, parfois, notre crime. Combien de consciences enfantines ont été faussées par des parents, par des directeurs !

Avons-nous toujours surveillé nos paroles devant un enfant ? Il est des sujets qui ne doivent jamais, jamais, être effleurés devant les petits; d'autres, qui ne doivent être abordés qu'avec d'infinies précautions ou avec le plus profond sérieux. Mais, dans certaines familles, les aînés, sans mauvaise intention, traitent les cadets comme une quantité négligeable; et c'est à l'heure du repas en commun, qu'ils bavardent sur des questions qu'il faudrait, à tout prix, réserver à d'autres moments; par des allusions inconsidérées au dernier scandale, au dernier crime, ils ébranlent parfois le système nerveux des jeunes et compromettent leur sommeil.

Et d'ailleurs, dans les conversations les plus anodines que d'expressions vulgaires, que d'exagérations criantes, que d'interjections grossières, que de sous-entendus équivoques ! Et nos enfants écoutent, et nos enfants retiennent. Au surplus, rien ne leur échappe, ni la parole impatiente, ni la parole médisante, ni la parole rancuneuse, ni la parole mensongère, ni la parole malséante, ni la perpétuelle invocation du saint nom de Dieu dans le tourbillon des banalités courantes.

Après les paroles, les actes. Avons-nous toujours surveillé nos actions ? L'enfant nous a vus, peut-être frauder à l'octroi, à la poste ou au chemin de fer; il nous a surpris à dissimuler précipitamment des gravures que nous rougirions de lui soumettre; il sait que son maître, ou son frère aîné, tient sous clé des livres impurs ou impies; il voit ses supérieurs savourer des liqueurs, comme si le paradis était contenu dans un petit verre; il voit de plus forts, et de plus savants, maltraiter lâchement un animal sans défense. Et le désir instinctif, irraisonné, lui vient de nous imiter, alors que nous commettons des actes dangereux pour la bourse, pour la santé, l'intelligence ou l'âme. En définitive n'avons-nous jamais fait, devant un enfant, ce que cet enfant ne pourra pas faire lui-même sans marcher sur une voie glissante ?

Allons plus loin. En ce qui regarde "la seule chose nécessaire", quelle a été notre attitude ? Les enfants qui nous connaissent, ont-ils en effet, l'impression que nous la considérons comme la seule nécessaire ? Ne nous trouvent-ils pas plus indulgents pour un mensonge, que pour un vase brisé ? Hélas ! oui, nous pardonnerons facilement un manque de charité, mais nous serons inexorables pour un accroc à la tenture du salon; une tache au vêtement nous troublera plus qu'une tache à la conscience. On nous verra moins préoccupés de l'instruction religieuse, que d'une composition en dessin ou d'un examen de calcul.

Nous enseignerons nous-même le maintien à notre enfant, mais nous ne lui apprendrons pas à feuilleter sa Bible; avec lui, nous vocaliserons, mais nous ne prierons pas avec lui. Quand ce candidat au christianisme, touché peut-être, le dimanche par les appels de l'Evangile, sentait naître en son coeur l'enthousiasme pour Jésus-Christ, et le désir d'attacher ses destinées à celles de ce triomphateur, la généreuse ardeur de notre enfant n'a-t-elle pas été refroidie par l'atmosphère de la famille ? N'a-t-il pas entendu des remarques profanes sur la prédication qu'il avait reçue comme un message du ciel ? N'a-t-il pas senti, vaguement, que ses parents ou ses maîtres étaient les ennemis secrets de la vie chrétienne, simplement, courageusement chrétienne ? N'a-t-il pas craint de provoquer, au foyer domestique l'étonnement, et même la contradiction, en donnant libre cours aux aspirations de son âme en éveil ? Que de vocations de pasteur, de missionnaire, de diaconesse, broyées délibérément dans l'oeuf ?

Or, si nous avons scandalisé un petit, voici ce que Jésus pense de nous: "Il vaudrait mieux pour nous, avoir été jetés au fond de la mer, avec une meule de moulin au cou".

Oui, il vaudrait mieux nous débattre dans les flots amers et mourir, tout seuls, la bouche pleine d'eau, en poussant des cris étouffés, il vaudrait mieux pour nous être noyés par une main criminelle et disparaître sous l'océan noir avec une pierre sur la poitrine, il vaudrait mieux expirer dans une pareille agonie, que de faire périr, implacablement l'âme d'un seul de ces petits.

Or, c'est là le forfait auquel risquent d'être entraînés ceux qui méprisent les enfants, c'est-à-dire, qui ne respectent pas leur ignorance, et ceux qui scandalisent les enfants, c'est-à-dire, qui ne respectent pas leur confiance. Mais le Christ veut, au contraire, que nous compatissions à la faiblesse de ces petits, et que nous les protégions perpétuellement contre eux-mêmes, (car ils n'ont aucune expérience) - contre nous-mêmes, (car nous sommes mauvais) - et contre toutes les puissances malfaisantes qui sont déchaînées dans l'univers. Pour préserver leur âme, il faut tout oser, il faut tout sacrifier. Pour que ces petits se développent dans la lumière, à l'abri du mal, il faut renoncer, au besoin, à tous les rêves de notre orgueil, à toutes les espérances caressées par un amour étroit ou aveugle, il faut fouler aux pieds usages, fortune, préjugés d'éducation, ambitions permises, et tenter, pour sauver la personnalité en danger, ce que tenterait un bon berger en faveur d'un agneau en détresse.

Ecoutez Jésus: "Si le berger trouve sa brebis égarée, elle lui cause plus de joie que les quatre-vingt-dix-neuf qui ne se sont pas égarées. De même, ce n'est pas la volonté de votre Père, qui est dans les cieux, qu'il se perde un seul de ces petits ?" Comprenez-vous, maintenant, l'insistance du Maître: "Gardez-vous de mépriser un seul de ces petits ?"

Encore une fois, les mépriser, c'est dédaigner leur ignorance, ou scandaliser leur confiance, ou écraser leur impuissance, pratiquer l'infanticide spirituel. Seigneur, aie pitié de nous !


Nous ne terminerons pas sur une pensée de tristesse mais d'espérance. En effet, pour nous-mêmes, pour les nôtres, pour nos familles, nos églises, notre nation, le salut est lié à une condition élémentaire: discerner la grandeur des petits. Ils sont si grands qu'il faut apprendre à les contempler auprès de Dieu, quand nous pleurons sur une éducation interrompue (en apparence) par la mort. Ils sont si grands, qu'il faut apprendre à les reconnaître, à les aimer et à les respecter dans l'homme fait, à espérer en leur faveur, quand même l'adulte n'aurait pas tenu la promesse de ses jeunes années. Enfin, il faut apprendre à retrouver l'enfant dans notre propre âme; et si nous gémissons comme éducateurs, de nos erreurs et de nos fautes, il nous faut croire au recommencement possible, au mystère de la nouvelle naissance, et nous emparer avec joie de ces paroles évangéliques: "Pour entrer dans le Royaume des Cieux, devenez comme les petits enfants !" Ah ! certes, ils sont grands, grands comme le Fils de Dieu.

Ecoutez, Jésus prit un petit enfant et dit: "Quiconque reçoit en mon nom un de ces petits, me reçoit moi-même; et quiconque me reçoit, reçoit celui qui m'a envoyé".

Y avez-vous songé, vous, parents ! quand un nouvel enfant apparaissait à votre foyer - vous, maîtres ! quand un enfant inconnu entrait dans votre école - vous, passants ! quand un petit enfant pleurait sur votre chemin ?

Quiconque reçoit un petit enfant au nom du Christ, le reçoit lui-même... que dis-je ? il reçoit l'Eternel.


(1)Gratry Méditations V.









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