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La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Consacré

Madame B. resta veuve très jeune. Oh! que c'était déchirant, cette nouvelle existence, brisée, décolorée; qu'elle aurait voulu s'en aller aussi là-haut ! Mais il fallait vivre. Vivre pour les trois enfants qui se pressaient autour d'elle, tous des fils, pour lesquels il s'agissait maintenant d'être père et mère tout à la fois.

«Seigneur», s'écria-t-elle en se jetant à genoux devant le lit vide, le premier soir de son dépouillement, « il faut que tu viennes à mon aide. Moi, je ne saurai jamais m'en tirer, tu comprends. Je suis ignorante, craintive, presque encore une enfant aussi. Il vaut mieux que je te mette tout entre les mains. C'est ce que tu demandes des tiens; eh bien, je veux être à toi, et que mes fils le soient également. Je te les donne, Seigneur, élève-les toi-même, prend-les à ton service; je m'appuie sur ce que tu promets aux veuves et aux orphelins ».

Elle tint parole; sans compagnon de route, timide, isolée, elle se cramponna simplement et de plus en plus fermement, à Celui dans lequel son âme avait eu foi.

Les années s'écoulèrent et le puissant secours divin apparut clairement, lumineusement même. Oui, en vérité « toutes choses lui étaient données par-dessus». L'avenir des deux fils aînés se débrouilla, bien plus favorablement que la mère n'eut jamais osé l'espérer; de très bonne heure ils furent mis sur le chemin de devenir des hommes utiles et bénis. Restait le troisième, son Benjamin, un frêle blondin de douze ans. Quand le soir venait et qu'elle le bordait dans sa couchette, il mettait de côté son naturel un peu réservé, passablement peureux et très dépendant. Oh ! que la pauvre veuve aimait les délicieuses minutes où, les petits bras à son cou, il trouvait à lui dire des paroles si tendres, si douces qu'elles lui semblaient directement envoyées du ciel pour la fortifier.

«J'ai peur de trop l'aimer» murmurait-elle, et tout au fond sa conscience s'agitait, lui répétant: « Il est au Seigneur, il est au Seigneur ! » « Oui, oui, il est à Toi, » ajoutait-elle alors, et la paix se faisait dans son âme.

«Que veux-tu devenir un jour, Jean chéri », lui demandait-elle quelquefois. « Je ne sais pas, maman; ce que Dieu et toi vous voudrez; pourvu que vous soyez contents, tout le reste m'est bien égal ».

« Il aura de la peine à faire sa trouée » songeait-elle avec un soupir. Mais quelque chose arriva ce même été là. Un beau soir, dont elle mettait à profit les dernières lueurs pour ravauder une petite chaussette très usée, Jean fil brusquement irruption dans le jardinet. « Oh! maman, le missionnaire W. tiendra une réunion ici, dimanche prochain, toutes les écoles iront; que je me réjouis de l'entendre ! » Et en effet, trois jours plus tard, dans la plus grande salle de la localité, un homme en cheveux blancs parlait devant un nombreux auditoire; il parlait le langage entraînant de ceux qui sont convaincus et dont la vie prouve les paroles.

« Avez-vous donné votre avenir au Père Céleste? » demanda-t-il en terminant. « Y en a-t-il un parmi vous, chers jeunes amis, qui voudrait aller, plus tard, évangéliser ceux qui n'ont point d'espérance, les pauvres païens? »

Les enfants étaient bien suspendus à ses lèvres, mais aucun ne répondit, excepté là-bas, tout au fond, un garçonnet à l'air délicat et chétif, un blondin de huit à neuf ans peut-être, extérieurement, qui se dressa tout droit. Son visage enfantin brillait de la plus noble des résolutions, un vrai reflet du ciel était là, dans ses yeux bleus. «Alors, s'écria-t-il, étendant son petit bras mince, je veux devenir missionnaire !».

La voix avait pénétré partout, on se poussait du coude, on se retournait sur les bancs, tandis que l'enfant, toute sa timidité oubliée, restait debout, immobile , comme perdu dans la profondeur de sa consécration. Cependant, sur la galerie d'en face, une femme avait violemment tressailli. « Oh ! pas cela, pas celui-là », gémissait-elle. Mais, presque tout de suite, retombant en arrière : « C'est vrai qu'il est tien, Seigneur, et tu es notre maître ».

Alors, cette nuit-là, la mère connut dans toute son apreté l'agonie du sacrifice. Au matin la bataille avait été livrée entre le coeur naturel et le Seigneur du monde. Ce furent des heures d'indicible souffrance, mais quand l'aurore dora la crête des grands peupliers, Il avait vaincu, et le coeur de la mère s'était calmé.

« Pour toujours », Madame, me disait-elle, bien des années plus tard, avec un tranquille sourire, en me racontant ce qui précède. « Depuis ce jour-là tout le long de la vocation de Jean, je n'ai plus eu une minute de tourment. Si vous saviez comme j'avais craint surtout son départ : les derniers adieux, les derniers instants sur le bateau qui l'emporterait, à jamais loin de moi, probablement. Oh ! ce fils, je le chérissais, impossible de dire comment ! Mais, Madame, je restai sereine, heureuse jusqu'au bout. Et après, quand il fut parti, Jean, mais il était encore là; parce que tous les deux nous étions enveloppés dans un amour plus grand, dans celui de notre commun et bienaimé Sauveur. Comment aurais-je pu être autre chose que joyeuse?»

Il y a déjà bien des années que Jean sème pour son Maître, là-bas, sur la terre du sombre continent. Et Dieu fait lever le soleil et tomber la pluie bienfaisante sur ce grain qui a germé et qui promet déjà une merveilleuse moisson. Quant à Madame R., elle est maintenant entrée dans les parvis célestes, elle connaît dans toute sa plénitude l'amour divin qui déjà ici-bas l'avait si magnifiquement conduite, non pas elle seulement, mais aussi les enfants qu'elle avait consacrés.









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