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Expérience d'un père

Après les ténèbres vient la lumière, après les regrets amers, l'espoir qui fortifie le coeur et oriente à nouveau toute une vie !

Nos efforts semblent vains quand ils n'aboutissent qu'à un échec, mais de cet échec même surgira notre bien s'il nous ouvre les yeux sur l'erreur ou la faute qui l'a causé. Nous sommes seuls responsables si ces expériences ne nous rendent pas meilleurs et prêts à mieux faire. Par ce que nous aurons appris, il se pourra que des larmes d'un enfant naisse le sourire d'un autre.

L'automne avait fait place à l'hiver, il était temps de songer à chauffer la maison.

J'avais permis à mon superbe bambin de quatre ans et demi, de descendre avec moi dans la cave pour m'aider à allumer notre feu. Il tenait dans ses mains potelées quelques morceaux de bois qu'il devait jeter aux flammes sitôt qu'elles jailliraient. Je lui avais bien recommandé de ne pas s'approcher et de ne pas salir ses vêtements.

Allons ! dis-je en ouvrant la porte de la fournaise, jette vite ton bois sans cela la fumée sortira.

- C'était la première fois que l'enfant faisait ce travail et c'était d'autant plus excitant pour lui qu'il lui était à l'ordinaire absolument interdit de toucher le feu. Aussi, la vue des flammes qui éclairaient la cave d'une étrange lueur, lui fit-elle presque oublier ce qu'il avait à faire.

Vite, vite, dis-je, la porte est ouverte.

Il lança un morceau de bois, puis un second, celui-ci ne parvint pas au but sans mon secours.

Vite, vite, répétai-je encore.

Le troisième morceau ricocha puis retomba sur le sol. Pendant une seconde le pauvre petit ne sut que faire; il était tout troublé et je lui disais encore de se hâter ! Devait-il se baisser et ramasser le bois tombé ? Devait-il au contraire jeter au feu celui qu'il tenait ? La fumée aveuglante, le feu ronflant, mes ordres répétés, la rapidité avec laquelle il fallait agir, tout cela lui fit perdre la tête, il hésita, se pencha pour ramasser son morceau de bois et serrant contre sa poitrine celui qu'il tenait encore, il salit son vêtement.

Je fermai en hâte la porte de la fournaise et je lui dis brusquement:

Fais donc attention, tu salis tes vêtements, je t'ai prévenu que tu ne viendrais avec moi que si tu m'obéissais.

Il me regarda tout confus, l'air malheureux, laissa tomber à terre le morceau de bois qu'il serrait dans ses bras, puis, me tournant le dos, il s'élança dans l'escalier qu'il gravit en courant.

Dans l'angoisse qui m'étreignit alors, je sentis que j'avais demandé à cet enfant plus que je n'aurais pu exiger de moi-même ou de qui que ce fût.

Pendant que je restais saisi par ce brusque départ, j'entendis mon enfant éclater en sanglots déchirants. Il n'était cependant pas tombé, il ne s'était pas blessé; - non - c'était moi qui l'avait blessé, c'était moi qui avais failli !

Je le trouvai blotti, dans les bras de sa mère, la tête cachée sur l'épaule de celle-ci. J'adorais cet enfant. L'instruire était mon bonheur. J'aurais voulu lui épargner toute souffrance, mais j'ignorais combien sensible est le coeur des petits; je n'avais pas su le protéger contre moi-même.

Je lui avais posé des conditions qu'il ne pouvait remplir, et lui, il avait promis, dans toute l'innocence de son coeur, sans comprendre qu'il ne pourrait tenir sa promesse.

Je lui avais reproché d'être désobéissant alors qu'il n'était que faible, - d'être entêté et insouciant, alors qu'il n'était que troublé et que son plus grand désir était de bien faire !

- Dès lors les mois ont passé; l'automne est revenu. Ah ! que ne donnerais-je pour revoir ce cher petit être debout auprès de moi devant la fournaise, les mains pleines du bois qu'il voulait jeter dedans.

Mais maintenant il n'a plus besoin que je l'instruise, il n'a plus à craindre que je le réprimande injustement, ses chers petits pieds sont plus loin de moi que lorsque je les entendis grimper rapidement l'escalier pour me fuir et la voix alors entrecoupée par les larmes se joint maintenant à celle des myriades célestes.

Cinq années s'étaient écoulées; comme jadis un glacial vent d'automne s'était mis à souffler.

Veux-tu venir avec moi? dis-je à mon petit garçon; nous descendrons dans la cave et tu aideras papa à allumer le feu.

Mon joyeux gamin aux longues boucles dorées, sauta à bas de sa chaise en poussant des cris de joie à cette perspective si nouvelle et si amusante. L'expérience m'avait appris à ne réclamer de lui rien qu'il ne fût en mesure d'accomplir, et au lieu de lui faire faire des promesses, je me bornai à lui dire d'être prudent et à lui montrer comment il devrait faire pour ne pas salir ses vêtements.

Il avait quatre ans, tout comme en pareille occurence, son frère qu'il n'avait jamais connu. L'émotion me gagna. Réussirais-je là où quelques années auparavant, j'avais si lamentablement échoué ? Pendant cinq ans j'avais souhaité de faire revivre ce jour et de panser ce que j'avais blessé. Ce moment était-il enfin arrivé ?

Tout comme alors, le feu ronfflait dans la cheminée, et mon petit homme, debout, les mains pleines de bois, attendait. Etait-ce le passé qui ressuscitait ? Etait-ce un rêve ?

- Non c'était la réalité, et je sentais qu'en cet instant, grâce à l'expérience acquise, il fallait qu'aux larmes passées succédât une joie de longue durée.

Vite, - dis-je à l'enfant, jette le bois dans le feu pendant que la porte est ouverte. Bien dirigés, les morceaux tombèrent sans peine l'un après l'autre dans la fournaise. Tout à coup l'un d'eux, heurtant le bord de l'ouverture, manqua son but et tomba sur le sol.

- La scène d'autrefois se reproduisait avec une exactitude douloureuse. - L'enfant hésitait et pendant ce temps la fumée se précipitait dans la cave.

Je le pressai et je vis qu'il se troublait. Il se pencha, serrant le bois contre sa poitrine et salit son vêtement. Grâce à ce que j'avais appris avec son frère, je compris qu'il ne désoéissait pas mais qu'il faisait de son mieux. Il croyait m'aider; en réalité il faisait plus que cela !

Il ramassa, puis lança le bois, mais celui-ci retomba.

Ça ne fait rien, lui dis-je, ne te hâte pas trop, je fermerai la porte jusqu'à ce que tu sois tout à fait prêt. (Oh ! pourquoi n'avais-je pas su dire cela cinq ans auparavant !) Il essaya de nouveau et cette fois avec un succès qui nous remplit tous deux de joie.

Nous remontâmes l'escalier ensemble, sa petite main confiante, glissée dans la mienne, son visage souriant levé vers moi.

La voix qui frappa mon oreille en ce moment n'était plus celle qui, déchirante, avait autrefois blessé mon coeur, la voix de l'enfant qui me fuyait pour chercher ailleurs du réconfort, - c'était la douce musique d'une voix joyeuse qui me disait: Dis, papa, est-ce que je t'ai bien aidé ?

Certes, ce fut de toute mon âme que je lui répondis:

Oui mon cher petit homme, tu m'as beaucoup aidé

Alors la petite main quitta la mienne, j'entendis deux petits pieds agiles s'éloigner rapidement; l'enfant s'enfuyait vers sa mère non pour chercher auprès d'elle un refuge, mais pour être le premier à avoir la joie de lui dire qu'il m'avait bien aidé.

Peut-être, en cet instant les anges de Dieu lurent-ils dans mon coeur que ma reconnaissance allait aux deux petits frères, qui chacun à sa manière sans s'en être jamais douté, m'avaient donné une grande leçon.









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