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L'éducation de la volonté par la discipline personnelle

Pour une mère, rien n'est plus doux que de voir son enfant heureux; il lui semble alors qu'elle a rempli tout son devoir. Cette joie est très légitime: une enfance heureuse rayonne en effet sur toute l'existence et a une importance très grande pour la formation du caractère et l'épanouissement de la personnalité.

Mais nous savons bien que cette préparation à la vie est insuffisante et qu'en favorisant trop complaisamment le bonheur actuel de nos enfants, nous risquons de compromettre leur bonheur futur. Nous avons en outre une conception plus haute de notre tâche maternelle et il ne nous suffit pas que notre enfant soit simplement bien portant et content de vivre. Pour rester envers lui à la fois fermes et bonnes, pour pouvoir nous réjouir avec lui de ses joies, ou l'en priver au besoin, il faut que nous nous rappelions toujours que dans l'enfant se cache l'homme de demain et que c'est pendant qu'il est encore enfant, pendant que nous exerçons sur lui une influence presque exclusive, que nous pouvons agir sur lui le plus efficacement. Il est donc très nécessaire que nous soyons nous-mêmes convaincues que nos enfants doivent être heureux non seulement pendant leur jeunesse, mais durant toute leur vie, et que notre tâche consiste à leur faciliter cette conquête d'un bonheur réel et permanent.

L'éducation ne crée pas la personnalité, mais elle peut l'épanouir, l'orienter et l'armer.

Comment pourrons-nous fortifier ce ressort intérieur qu'est la volonté ? Nous en apprécions toute l'inestimable valeur et c'est pour nous une préoccupation intime, qui se transforme parfois en angoisse, que de chercher par quels moyens nous rendrons nos fils et nos filles suffisamment forts en face des dangers qui les guettent et les guetteront avec toujours plus de perfidie.

Sans volonté, ils ressemblent au bateau à voiles, sensible à toutes les influences extérieures, à tous les caprices du vent. Pour pouvoir être comparés au vapeur qui fend les grandes eaux et obéit sans défaillance aux ordres du gouvernail, il leur faut une puissance intérieure, capable de résister aux courants du dehors. En un mot il faut que la volonté puisse réagir contre les circonstances; plus encore: il lui faut rendre l'homme indépendant non seulement des autres, mais surtout de lui-même.

Dans le tragique conflit entre les instincts et la raison, entre la matière et l'esprit - conflit qui se pose à toute conscience humaine - c'est la volonté qui fera pencher la balance.

Il importe donc que - tout jeune - l'enfant comprenne qu'il a à lutter, afin que lorsque le combat de la vie commencera véritablement pour lui, il se trouve déjà dans une attitude de combattant. C'est la discipline personnelle qui me semble être la meilleure éducatrice de la volonté, puisque sa pratique développe l'énergie et a pour résultat d'affranchir de nombreuses servitudes. Elle peut s'exercer dès la première enfance et la mère trouvera très fréquemment l'occasion de la faire pratiquer, si elle est elle-même convaincue de la possibilité de réagir contre ce qui risque de faire de son enfant un petit tyran.

J.-J. Rousseau a dit avec raison que "l'éducation de l'homme commence à sa naissance". Que d'habitudes peuvent déjà enchaîner un bébé, contractées par suite de la faiblesse d'une garde ou de la sollicitude mal éclairée des parents... On dira de lui: "Il ne veut pas rester couché; il ne veut pas s'endormir dans l'obscurité". Hélas ! pourquoi ne le veut-il pas?

Le caprice du bébé s'est moulé dans une habitude, laquelle est devenue une servitude. Sa volonté s'exerce mais au profit de ses instincts et s'il obtient par ses cris ce qu'il veut de sa mère, il est en réalité moins libre que s'il avait dû se soumettre à une volonté plus haute et plus éclairée que la sienne.

Avant d'amener leurs enfants à se discipliner, les parents doivent s'imposer à eux-mêmes une discipline et ne rien faire en particulier qui soit contraire à ce qu'ils estiment être juste et bon pour leurs enfants. Cette attitude me paraît extrêmement importante, car pour poursuivre avec méthode une éducation, il faut savoir exactement ce que qu'on veut et vers quel but on s'oriente.

Passons à la pratique et cherchons de quelle manière nous pourrons discipliner nos enfants. J.-J. Rousseau a dit encore à ce propos un mot bien juste, quoique paradoxal: "La seule habitude qu'on doit laisser prendre à l'enfant, c'est de n'en contracter aucune". Ses caprices, ses tendances, ses goûts, risquent de devenir une tyrannie si on le laisse trop s'y complaire et, sans violenter la nature, il faut l'empêcher de dominer en souveraine. La gourmandise, le désordre, la paresse, l'amour du confort, la peur du ridicule, l'importance accordée à la toilette, fourniront aux parents de trop fréquentes occasions d'entrer en lutte avec les mauvais penchants naturels de leurs enfants.

Aussi longtemps que l'enfant est jeune, ce sont ses parents qui doivent lui imposer certaines disciplines, celles qui le feront le plus réagir contre son tempérament et ses défauts. Mais cette contrainte inévitable dans les premières années, risquerait à la longue de devenir dangereuse si elle ne se transforme pas petit à petit en discipline personnelle. Le jeune garçon ou la jeune fille doit être amené à se soumettre librement, par sa propre volonté, à certaines obligations dont le but sera de maîtriser son corps - sa "bête", - comme l'appelle de Maistre dans une de ses pages les plus spirituelles. Il y parviendra s'il a été habitué à considérer comme une humiliation la dépendance à l'égard des choses matérielles. Grâce à des luttes et à des victoires successives sur des points déterminés, il fera l'expérience de la suprématie du domaine de l'esprit sur celui de la matière. Ces expériences pourront être très insignifiantes en apparence: elles consisteront peut-être tout simplement dans la privation volontaire d'un mets affectionné, dans une méticuleuse régularité des heures de coucher et de lever, ou encore dans l'utilisation fréquente de la main gauche, moins habile que la droite.

Un excellent moyen éducatif que nous nous reprocherions de ne pas recommander en passant, est l' "Espoir", cette vaillante Société d'abstinence qui place l'enfant dans une attitude de combattant en face d'une tentation déterminée. Les parents trouveront en elle un précieux auxiliaire, parce qu'elle amène ses membres à s'abstenir de ce qui leur est nuisible, et parce qu'elle fortifie leur volonté et leur respect de la parole donnée.

D'ailleurs, pour acquérir de la discipline personnelle, l'occasion importe peu, car l'enfant saura toujours la trouver une fois qu'il aura compris qu'il peut vaincre une difficulté rencontrée en lui-même.

La joie inondera son coeur le jour où il aura surmonté un obstacle et détruit un ennemi de sa petite personnalité morale; cette joie du triomphe expérimenté aura sur lui une grande influence et elle agira en particulier sur sa conception philosophique de la vie. Elle stimulera ses énergies, elle le fera croire en la possibilité du triomphe du bien, elle entrouvrira devant lui les larges horizons des conquêtes morales.

N'oublions jamais qu'il n'y a aucune ressemblance entre une semence et l'arbre qui en sortira; même si elle se porte sur des choses puériles, l'expérience d'un enfant peut avoir des conséquences incalculables. Il n'y a rien de mesquin lorsque le but est grand et notre tâche de mères consiste à révéler à nos enfants la portée d'un effort persévérant dans la maîtrise de soi-même.

Que les belles paroles suivantes de Vinet nous aident à garder intacte la vision de ce que l'éducation doit être à notre époque.

"Quand ou a su dire non à soi-même, on peut le dire au monde entier. Quand on est fort contre soi-même, on est fort contre tous. Quand on a appris à se soumettre, on a appris à résister".









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