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La science maternelle
Etre mère est la plus belle de toutes les vocations. Aucune autre vocation ne donne autant d'influence ou de puissance. Les mères tiennent en leurs mains la destinée des nations, car c'est à elles qu'incombe la tâche dé former les générations de l'avenir.
Froebel dit que la prospérité d'un pays dépend des mères bien plus que des hommes d'Etat ou des législateurs et il ajoute : «Faites donc l'éducation des mères». Tout penseur, et celui surtout qui étudie les grands problèmes sociaux, ne peut qu'applaudir à cette conclusion. « Faites l'éducation de nos mères », crient les enfants de l'avenir à la génération actuelle; et cet appel commence à être entendu. Cependant rien ou presque rien n'a encore été fait pour rendre les mères capables de s'acquitter de la tâche solennelle qui leur incombe. Tous ceux qui accomplissent une tâche importante en ce monde y sont mieux préparés, que la plupart des mères ne le sont, pour accomplir la leur.
Mais heureusement nous voyons surgir maintenant une nouvelle science que nous nommerons la science maternelle. Et quoi ! diront quelques-uns, la mère qui reçoit son mandat directement de Dieu, a-t-elle besoin d'une science quelconque pour la remplir? - Certainement. Qu'est-ce qu'une science? Webster a donné cette définition: «C'est une connaissance qui repose sur des faits et des principes». Si, dans ce sens, il n'y a point encore de science maternelle, il est temps que cette lacune soit comblée.
S'il vaut la peine de dépenser sa vie pour le relèvement d'un être dégradé, n'est-il pas plus important encore d'empêcher de tomber dans l'abîme ceux qui ont été préservés jusqu'ici! Cette oeuvre préventive, c'est celle de la mère. C'est elle qui par son influence jette les fondements de la vie future dans le coeur de ses enfants, qui est appelée à réaliser en eux le plan de Dieu. Quel privilège, mais aussi quelle responsabilité d'avoir à conduire dans le bon chemin un être immortel qui commence le voyage de la vie! Toute l'ambition d'une mère sera toujours d'avoir une intelligence bien claire de sa haute responsabilité en même temps que la sagesse pour bien élever ses enfants.
La science maternelle n'est autre chose que le déveIloppement de cette sagesse et de cette connaissance. C'est cette science qui apprendra à la mère comment elle peut devenir une mère véritable. C'est ce comment qui est la grande difficulté. La plupart des mères ont, Dieu soit loué, l'instinct maternel, mais ce qui leur manque souvent c'est une perception nette des principes qui doivent les diriger. Elles voient clairement les résultats qu'il faut obtenir, mais ne savent comment les atteindre. Exposer les principes qui doivent servir à former des mères intelligentes autant que tendres, tel est le but de ces quelques pages.
Avant d'aller plus loin, il est entendu que je ne m'adresse pas seulement aux mères, mais à toute femme qui a, en quelque degré, charge de la jeunesse, qu'elle s'appelle bonne, institutrice, monitrice, directrice d'orphelinat, etc. Nous savons en effet, qu'une femme qui a donné le jour à un enfant n'est pas, de ce fait, devenue mère dans le sens le plus élevé du mot. La société protectrice de l'enfance abandonnée en aurait long à raconter sur ce sujet. D'un autre côté il y a des centaines de mères spirituelles qui n'ont jamais eu le privilège d'êter mères au sens propre du mot; elles n'en possèdent pas moins tous les instincts maternels. Les unes aussi bien que les autres ont besoin d'être développées, d'être instruites pour l'accomplissement de leur devoir sacré.
Je ne puis trop le répéter : l'enfant est ce que nous le faisons.
A Sparte, lorsqu'un garçon commettait un crime, c'était le père qui était puni. Et dans nos sociétés modernes, si la stricte justice régnait tant soit peu, des milliers de parents seraient enfermés à la place de leurs enfants dans les prisons ou les maisons de discipline. Pour parler plus familièrement, plus d'une mère ou d'une bonne mériterait d'être mise au coin au lieu du petit enfant. En examinant les choses de près, on arrive à la conviction que le plus souvent la méchanceté des enfants est provoquée directement ou indirectement par les personnes qui s'occupent d'eux. Leurs révoltes n'ont parfois d'autres causes que des actes d'injustice, des manques d'égards ou peut-être l'emploi de l'ironie qu'on ne leur épargne pas et ils sont punis, les pauvres petits, pour une méchanceté que nous avons nous-mêmes suscitée.
Les grandes personnes semblent s'attendre à ce que les enfants supportent avec patience et douceur des procédés qu'elles ne supporteraient pas elles-mêmes. Elles s'imaginent que les enfants n'ont ni sentiments ni droits qu'il faille respecter. C'est une grave erreur. C'est pourquoi je pense que le premier principe qu'il faut poser à la base même de la science maternelle est celui de la sympathie. La mère doit se mettre réellement à la place de ses enfants et à leur point de vue ; il est impossible sans cela d'être juste ou sage à leur égard. Nous oublions que les enfants ne deviennent pas des êtres humains mais qu'ils sont nés tels, et qu'ils participent au caractère de l'humanité. Remarquons encore que, les enfants, comme enfants, n'ont ni aide ni protection ; le pouvoir qui les domine est absolu. Souvent les parents, les domestiques, les instituteurs abusent de cette autorité et traitent les enfants sans justice, sans bonté, sans amour. Leur conduite jugée par des témoins impartiaux serait certainement condamnée.
«Fais aux autres ce que tu veux qu'ils te fassent», voilà le principe par excellence pour agir d'une manière juste envers les enfants. Les adultes n'aiment pas à être trouvés en faute en public, ils n'aiment pas qu'on tourne en ridicule certains traits de leur physionomie ou certaines faiblesses de leur tempérament, ils n'aiment pas à être constamment surveillés et repris; ils n'aiment pas, en un mot, qu'on se conduise envers eux sans égards et sans respect; et cependant ils ne prennent que trop souvent avantage de leur position d'autorité pour traiter les enfants d'une manière injuste, violant ainsi la règle d'or que le Seigneur nous a donnée.
Prenons la moquerie, par exemple. Comme les grandes personnes craignent le ridicule! quelle mortification c'est pour elles d'y être exposées ! On supporte plutôt un affront qu'un sarcasme. Cependant, c'est cette souffrance que nous infligeons le plus souvent à nos enfants. En société ou à table, l'enfant fait une remarque, emploie une phrase ou un mot que les grandes personnes trouvent absurde, aussitôt elles partent d'un éclat de rire et le pauvre enfant, mortifié et honteux, s'arrête, tout interdit, trop heureux s'il n'est pas grondé pour avoir dit une sottise. Cependant ces mêmes personnes auront bien soin de passer sous silence maintes preuves d'ignorance ou d'erreurs de jugement pour épargner « leurs amis », mais « nos enfants » sont censés n'avoir aucune sensibilité.
J'ai entendu parler d'une institutrice américaine dont l'école était renommée par son ordre parfait et qui réussisait mieux que d'autres auprès des enfants indisciplinés. Une dame lui demandait un jour le secret de son succès. « Je n'ai aucun secret, répondit-elle, seulement je suis polie envers mes élèves, aussi polie envers eux qu'envers mes amis, et le résultat est qu'ils deviennent polis eux-mêmes. » Pour mieux savoir à quoi s'en tenir, la dame avisant un groupe d'enfants dans un coin de la classe, interpella un jeune garçon àl'oeil éveillé: « Aimez-vous votre école? » lui demanda-t-elle. «Oh oui ! Répondit-il, c'est l'école la meilleure de la ville, et nous avons la maîtresse la plus gentille de toutes. » Plusieurs signes d'assentiment sortirent du petit groupe, et un autre enfant ajouta : « Notre maîtresse ne nous tourmente pas comme font les autres, elle dit toujours : «s'il vous plaît» et «merci» et on ne peut pas être grossier, ni s'empêcher de faire les choses, quand la maîtresse vous le demande ainsi.» Avec l'instinct naturel à l'enfance, ce garçon avait découvert un des princpes fondamentaux de la nature humaine et avait compris le secret d'une vraie puissance. Ah ! si la même courtoisie régnait toujours dans nos demeures, que de révoltes seraient épargnées, que de scènes d'entêtement de part et d'autre seraient bannies du foyer domestique !
Un autre principe à observer dans nos rapports avec l'enfant, c'est le respect de son droit de propriété. Il faudrait qu'il comprît bien que ce qu'il possède lui appartient réellement. Malheureusement il n'en est pas toujours ainsi. Quelquefois une grande personne désire un objet appartenant à l'enfant, soit pour elle-même, soit pour un autre enfant, et par des cajoleries ou des gronderies, force le légitime propriétaire à céder l'objet. Peut-être même, le lui prend-elle sans plus de cérémonie et sans lui demander la permission. Aucune grande personne ne supporterait d'être traitée de celle manière ; pourquoi l'enfant le serait-il ? Reconnaître son droit de propriété, c'est lui apprendre à le reconnaître chez les autres, et beaucoup de querelles entre frères et soeurs sont ainsi évitées!
(A suivre).
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