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La science maternelle. (Suite)

Nous éviterions aussi bien des chagrins aux enfants en ne leur reprochant pas si souvent de faire trop de questions. En cherchant à s'instruire ils ne font qu'obéir à l'instinct que Dieu leur a donné. C'est ce que comprennent des parents intelligents. Aussi, dans un de leurs bons moments disent-ils volontiers à leur enfant : « Quand tu voudras savoir quelque chose, ne crains pas de me le demander! » Mais il arrive que, si ces mêmes parents sont préoccupés, énervés ou de mauvaise humeur, les questions de l'enfant seront accueillies avec une impatience incompréhensible pour lui, qui n'a pas connaissance du changement d'humeur survenu chez son père ou sa mère. Aussi, quelle expression de surprise et de chagrin sur le petit visage lorsqu'à une question il a été répondu par cette brusque exclamation : « Que tu es bavard ! que les enfants sont désagréables ! Ne me tourmente pas continuellement! » Parfois même on leur parle plus rudement encore. Après quelques rebuffades de ce genre, l'enfant ainsi rabroué, se concentrera sur lui-même, désespérant de jamais découvrir quand il peut ou ne peut pas avoir la solution des questions dont son petit cerveau est rempli. N'oublions pas d'ailleurs, que le point de vue de l'enfant n'est pas celui des grandes personnes, il ne faut donc pas s'étonner que ses conclusions ne soient pas les mêmes. Souvent, il ne comprend même pas les mots dont on se sert, ce qui donne lieu parfois à des reproches injustes.

Si les enfants ne racontent pas leurs petites méprises et ne demandent pas qu'elles leur soient expliquées, c'est qu'ils sont très discrets et réservés quant à ce qui les concerne. Soit par timidité, soit par crainte, soit que leur esprit demeure dans une sorte de brouillard, il y a en eux un domaine de pensées et de sentiments où nul n'est admis, surtout nul de ceux qui s'occupent de leur éducation. C'est ce qu'il ne faut pas oublier; aussi est-il bon de traiter avec respect leurs demi-confidences et leurs petites objections quelque peu ridicules en apparence.

La grande erreur est de juger l'enfant en se plaçant au point de vue de l'adulte. Autant vaudrait juger la chenille d'après le papillon. Puis donc qu'ils ne peuvent s'empêcher d'être enfants et que nous ne pouvons nous empêcher d'être adultes, tout doit aller mal entre eux et nous jusqu'à ce que nous nous placions sur le même terrain qu'eux. Ce n'est pas l'enfant qui montera jusqu'à nous ; c'est nous qui devons descendre jusqu'à lui, nous mettre en quelque sorte à son niveau et regarder les choses comme lui-même les voit. C'est ce que la science maternelle nous enseigne à faire. Il faut arriver à considérer non pas comment tel ou tel événement de la vie de notre entant nous affecte nous-mêmes, mais quelle influence cet événement produit sur son esprit et sur son coeur.

L'activité incessante des enfants, par exemple, est nécessaire à leur développement physique. Mais souvent les grandes personnes, fatiguées par ce mouvement perpétuel, s'écrient avec impatience : « Tiens-toi tranquille ! » Or, condamner un enfant pétulant à l'immobilité est parfois une cruauté, parce que sa vivacité naturelle ne pouvant se donner essor, son système nerveux s'irrite, son caractère devient sombre et son esprit morose. Si cette énergie, au lieu d'être réprimée, est bien dirigée, l'enfant sera généralement de bonne humeur. C'est ce que comprendra très bien une mère qui sympathise avec son enfant; elle sera ingénieuse pour trouver les moyens d'utiliser ce besoin d'action. Elle remplira la vie de son enfant de petits devoirs faciles, en ayant soin qu'il ait toujours « quelque chose à faire », elle détournera son attention des choses défendues et l'attirera sur d'autres.

Votre garçon a envie d'enfoncer à coups de marteau des clous dans les meubles: donnez-lui des planches qu'il puisse clouer à son gré. Votre fillette a la manie de prendre vos ciseaux et de couper à tort et à travers dans les rideaux ou dans sa robe ; donnez-lui du papier de couleur que vous lui apprendrez à découper, lui faisant comprendre, sans la gronder, que c'est beaucoup plus raisonnable que de gâter ses vêtements.

La mère, quelque peu initiée à la science maternelle, emploiera le moins possible cette petite phrase : « Ne fais pas cela », sachant que toute défense provoque et développe chez l'enfant le désir de désobéir. Une dame se plaignait un jour à une directrice de salle d'asile du caractère opiniâtre de son petit garçon qui ne savait dire autre chose que : «Je ne veux pas. » Après quelques questions posées à la mère, la directrice comprit que celle-ci s'y prenait mal avec l'enfant. Elle en fut convaincue lorsqu'ayant accompagné cette dame à la maison, elle l'entendit continuellement dire à son enfant : « Finis donc, Jacques, ne fais pas cela ! ne te remue pas tant ! ne fais pas ce bruit ! ne touche pas ce livre ! ne frappe pas cette porte ! etc. » Quand une mère exige l'obéissance sur tant de points, comment s'étonner que l'enfant exaspéré réponde sur un ton de révolte un : « Je ne veux pas ! » bien accentué?

Puis, il est dans la nature humaine que nous devenions volontiers ce que l'on nous fait. Si l'on dit constamment à un enfant qu'il est méchant, il finira par accepter cette réputation et deviendra de plus en plus désagréable. Je raisonnais un jour avec un jeune garçon au sujet d'une désobéissance particulièrement grave dont il s'était rendu coupable. «Oh ! Répondit-il, une désobéissance de plus ou de moins importe peu, puisque je suis toujours méchant ! »

Je n'avais jamais entendu des paroles plus tristes et significatives sortir de la bouche d'un enfant, et je voudrais supplier les mères de bien réfléchir avant de donner à leurs enfants une réputation qu'ils peuvent prendre tellement au sérieux. Bien plus, je voudrais que la louange prit, autant que possible, la place du blâme. Ce serait une bien meilleure méthode.

J'ai connu un petit garçon qui avait l'habitude de frapper les portes. Sa mère et sa bonne l'avaient souvent grondé et puni à ce sujet sans rien obtenir de lui. Enfin la mère consulta une amie qui connaissait un peu les enfants. Celle-ci lui conseilla de ne plus faire de remarques à son fils quand il frapperait une porte mais de le louer quand, par hasard, il la fermerait doucement et de ne faire alors aucune allusion au bruit qu'il faisait généralement. La mère adopta cette méthode, et à sa grande surprise, elle vit que l'enfant, enchanté d'être une fois approuvé, perdit sa mauvaise habitude en peu de temps.

Je me rappelle aussi qu'autrefois, l'un de mes enfants avait de fréquents accès de colère ou de mauvaise humeur. Je croyais alors qu'il n'y avait qu'à gronder et à punir l'enfant pour le corriger. Cependant, j'eus la bonne inspiration d'essayer un jour la méthode contraire. Une fois qu'il était bien disposé, je saisis cette occasion pour lui dire : « Quel bon garçon ! comme il est doux et aimable aujourd'hui! comme j'en suis heureuse ! » Quelquefois même, quand il était maussade, je mettais mes bras autour de son cou et lui disais combien je l'aimais et quel trésor il était pour moi ; le mauvais esprit fut vaincu, et bientôt mon petit garçon changea complètement.

J'ai grande confiance dans la louange pratiquée judicieusement comme élément d'éducation. Les enfants en effet, sont toujours portés à faire une chose pour laquelle ils ont reçu des marques d'approbation.

De plus, je pense que leur caractère dépendra beaucoup de la manière dont on leur présente le bien. Nous désirons que nos enfants soient vrais, bons, fidèles, polis, dévoués, courageux. Pour leur faire acquérir ces vertus, si les défauts contraires se manifestent en eux, il nous arrive souvent de chercher à les combattre par des reproches, des moqueries, ou des châtiments corporels. Nous ne nous apercevons pas que de cette manière, nous créons entre l'enfant et nous un véritable antagonisme. En effet, d'un côté, nous supposons qu'il aime à faire le mal, qu'il le préfère au bien et le commet de propos délibéré; d'autre part, l'enfant suppose que sa mère a du plaisir à le contrarier, à gâter ses joies par de continuelles réprimandes. Il en vient à regarder ses méfaits comme autant de victoires sur la puissance qui le tyrannise. Il jouit de faire ce qu'on lui défend; témoin ce petit garçon qui disait à son camarade : « Coupons-nous les doigts avec ce couteau. » - «Pourquoi? » dit l'autre.- «Parce que maman m'a dit de ne pas le faire. » Le pauvre petit pensait que ce devait être une chose agréable, puisque sa mère la lui avait défendue.

Il semble que les grandes personnes soient toujours tentées de dire « Non » à toutes les requêtes de l'enfant, sans même se donner la peine de les examiner; comme si tout ce qu'il désire était nécessairement mauvais. Ce «non» fréquemment répété, et souvent d'un ton d'impatience, exaspère l'enfant et provoque chez lui un esprit de mécontentement et de révolte. Si, au contraire, après réflexion, nous lui répondons un aimable « oui », nous lui prouvons que nous le comprenons, que nous sympathisons avec lui et que nous désirons lui être agréables. Et si, plus tard, nous étions obligés de revenir sur une permission accordée, il serait mieux disposé à écouter nos raisons et à s'y soumettre. Les enfants doivent sentir que leurs intérêts et ceux de leurs parents sont inséparables et ils doivent ainsi devenir nos alliés dans l'oeuvre de leur éducation au lieu d'être nos esclaves ou nos ennemis.

Le but constant de la mère doit être de tourner leurs désirs vers ce qui est bon. Elle devrait, autant que possible, passer sous silence le mal, s'efforcer d'en détourner les yeux de son enfant, et remplir son esprit de tout ce qui élève l'âme et la fait aspirer à un but noble et élevé. Un défaut est tout simplement le manque de quelque vertu ; à mesure que la vertu se développera, le défaut disparaîtra. Que la mère essaie donc de faire aimer le bien à son enfant au lieu de le contraindre à faire le bien, et elle aura, sur son caractère, une influence plus puissante et meilleure que par ce qu'on est convenu d'appeler une stricte discipline.

Nous ne voulons pas nier qu'il soit parfois nécessaire d'obliger un enfant à obéir sans comprendre, mais ce doit être l'exception, non la règle. En grandissant, l'enfant doit prendre l'habitude de faire le bien non seulement parce qu'on le lui commande, mais parce qu'il a la conviction intime que l'action commandée est bonne. Le désir intense qu'ont certains parents de voir leurs enfants pratiquer le bien, les entraîne souvent à ne pas considérer une chose beaucoup plus importante, à savoir que leurs enfants choisissent le bien. Ils se contentent d'une soumission extérieure aux dépens du développement moral et intérieur. Un enfant ne comprendra jamais comment il faut vouloir si la liberté de choisir ne lui est jamais accordée. Ceci explique tant de chutes déplorables au cours d'une vie dont l'enfance avait été sévèrement disciplinée.

On répétait souvent autrefois qu'il est très important de: «briser la volonté des enfants». Aujourd'hui, nous commençons à comprendre que la volonté est un des dons les plus précieux que Dieu ait fait à l'humanité et qu'elle ne doit pas plus être brisée que la pièce principale d'une machine. Vous frémissez quand votre enfant dit: «Je veux!» de ce ton de défi qui est pour vous le signal précurseur de la révolte; cependant le mal n'est pas dans les mots eux-mêmes. Prononcés à leur place et d'un ton convenable, ils représentent la plus haute condition morale que l'homme puisse atteindre, puisque la résignation elle-même n'est pas une vertu aussi noble que la résolution héroïque et la volonté bien déterminée.

Il y a une chose que je redoute plus pour les enfants que ce « je veux » de leur coeur insoumis; c'est qu'ils arrivent à perdre le pouvoir de le dire. Une volonté brisée ou même mutilée, affaiblie, qui laisse périr les plus nobles aspirations faute de vigueur pour les traduire en actes; voilà qui me semble plus désastreux que le bouillonnement d'un coeur volontaire et rebelle.

(A suivre)









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