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Témoignage d'un fils

Ce n'est guère la coutume qu'un fils prenne la parole dans une occasion semblable, mais si je puis maîtriser suffisamment mon émotion, je dirai au moins, quelques mots.

C'est un grand honneur que d'être le fils d'une telle mère, et je ne pourrais assez la louer... En premier lieu, ma mère était une femme très sage; à quelques égards elle était plus sage que Salomon car elle savait élever ses enfants. J'ai beaucoup voyagé et j'ai vu un grand nombre de mères, mais je n'en ai pas rencontré une seule qui eût autant de tact qu'elle. Chaque fois que j'avais besoin d'un conseil sûr et solide, je m'adressais à elle. Elle eut neuf enfants; elle savait gagner leur coeur et pouvait faire d'eux ce qu'elle voulait. Ils lui étaient si attachés, que c'était pour chacun d'eux une calamité que d'avoir à quitter la maison; et une fois éloignés, leur plus grand désir était de retourner auprès de leur mère.

Mon père mourut en faisant faillite et les créanciers vinrent enlever tout ce que nous avions tout, même le bois à brûler. Le lendemain, il y avait une tempête de neige et ma mère n'ayant rien pour faire du feu, nous dit de rester au lit jusqu'à l'heure de l'école. Un instant après j'entendis quelqu'un qui fendait du bois, c'était mon oncle Sam. Il en avait apporté une petite provision et le soir même il nous faisait cadeau de la plus énorme charge de bois que j'aie jamais vue; je dus prendre deux paires de boeufs pour la traîner Je vous assure que j'ai toujours particulièrement aimé cet oncle pour cette bonne action. Ma mère aussi garda le souvenir des bontés qui lui furent témoignées en ces jours d'affliction. Lorsqu'il m'arrivait de blâmer telle ou telle personne, elle m'interrompait par ces mots : « Ne dis pas cela, mon enfant, cette personne a été bonne pour moi».

Ma soeur aînée m'a raconté que la première année après la mort de mon père, ma mère passait ses nuits dans les larmes, mais ses enfants ne s'en doutèrent jamais car elle était toujours gaie et sereine devant eux. Ses chagrins la conduisirent au Seigneur. Dès lors, tandis que toute la famille dormait, s'il m'arrivait d'être encore éveillé, je l'entendais prier dans sa chambre et quelques fois pleurer. Elle voulait être sûre que tous dormaient avant de laisser couler ses larmes.

Une autre chose était remarquable aussi chez ma mère. Personne n'a jamais pu découvrir chez elle une préférence pour l'un de ses enfants. Jamais, non plus, elle ne se plaignait d'eux ; mais lorsque cela était nécessaire, elle savait les punir. Ma mère m'a quelques fois châtié et je lui en suis reconnaissant. Elle m'envoyait dehors choisir moi-même une baguette. Je tâchais d'eu trouver une de bois mort; mais elle l'essayait et si la baguette se cassait je devais en aller chercher mie autre. Elle ne se pressait pas et ne me disait pas de me dépêcher parce qu'elle savait que pendant tout ce temps j'étais déjà puni. Je restais donc très longtemps dehors; quand je rentrais, elle me disait d'ôter mon habit, puis elle frappait. «Cela ne me fait pas mal, lui dis-je une fois, alors elle frappa plus fort et je me tus. Un autre jour elle me regarda et me dit : «Tu sais que j'aimerais mieux recevoir ces coups que de devoir te les donner ». Je vis des larmes dans ses yeux ; c'en était trop pour moi.

Je me rappelle que le premier ouvrage que je fis pour gagner quelque chose fut de conduire les vaches de notre voisin au pâturage de la montagne. Je recevais pour cela un sou par semaine que je n'aurais jamais pensé à garder pour moi ! Je le portais à ma mère qui le mettait dans la bourse commune. Lorsque Georges trouva de l'ouvrage, nous demandions qui trairait nos vaches à sa place. « Ce sera moi », répondit ma mère.

La Bible de famille était à peu près le seul volume que nous eussions dans la maison à la mort de mon père; c'est dans ce livre que ma mère nous a enseigné à lire. Si ma mère a été une bénédiction pour le monde, c'est parce qu'elle buvait à cette source. Tout nous vient de ce livre. Voici quelques versets qu'elle a soulignés. Prov. 31, 10 :

« Qui petit trouver une femme vertueuse, elle a bien plus de valeur que les perles. Le coeur de son mari a confiance en elle ». Ma mère a été veuve 54 ans et lorsqu'elle est morte, son amour pour son mari n'avait point changé. Je ne lui ai jamais entendu dire à son égard un mot qui ne fût parfaitement respectueux ; elle sut inculquer le respect filial à ses enfants.

«Elle se procure de la laine et du lin et travaille d'une main joyeuse. Sa lampe ne s'éteint point la nuit; elle met la main à la quenouille et ses doigts tiennent le fuseau ». C'est exactement ma mère. Elle faisait elle-même tous nos vêtements, tissait l'étoffe, filait le fil, raccommodait tous nos bas; et je ne l'ai jamais entendu se plaindre d'avoir tous ces travaux à accomplir. A ma connaissance, la lampe de la veuve Moody a brûlé 54 ans sur cette colline, dans cette même chambre. Nous lui avons construit une chambre plus confortable, mais elle ne s'y tenait pas souvent. Il n'y avait qu'une chambre où elle aimait à vivre : ses enfants y étaient nés, elle y avait eu son premier chagrin et c'était là que Dieu l'avait rencontrée. C'était là que ses enfants aimaient à la trouver, là qu'elle travaillait, luttait et pleurait.

« Elle tend la main au malheureux, elle tend la main à l'indigent». Ma mère n'a jamais renvoyé aucun pauvre; et pourtant il y eut un temps où nous n'avions pas toujours une miche de pain à notre disposition. Un jour, une personne affamée vint frapper à notre porte. « Enfants », nous dit ma mère, « vous couperai-je à chacun une tranche un peu plus mince pour en donner une à cette pauvre femme? » Nous approuvâmes tous. C'était ainsi qu'elle nous instruisait.

Elle permettait à nos petits amis d'aller et venir dans toute sa maison après avoir couru dans la neige et quand il était question pour nous d'aller jouer dans le voisinage avec nos camarades, elle nous disait : «Qui veut rester avec moi, je serai toute seule si vous partez. Pourquoi ne les invitez-vous pas plutôt à venir ici?» De cette manière elle gardait ses enfants autour d'elle et savait toujours où ils étaient. Le soir, sa porte n'était jamais fermée avant qu'elle ne les sût tous en sécurité dans leur lit. Rien de ce qui contribuait à leur bien ne lui paraissait trop pénible pour elle.

Comme la mère d'Annibal qui lui fit jurer sur l'autel de se venger de Rome, elle nous fit jurer vengeance contre l'eau-de-vie et tous les ennemis de la famille humaine ; dès lors nous les avons toujours combattus et nous le ferons jusqu'à notre dernier jour.

Je veux vous donner un texte qui était son credo ; il était très court. Quand il lui survenait quelque chose de pénible c'était son soutien : « Ma confiance est en Dieu ». Quand les voisins lui conseillaient d'envoyer au loin ses enfants, elle répondait : « Non, pas aussi longtemps que j'aurai mes deux mains ». - «Eh bien ! Répliquait-on, ils détendront de mauvais sujets; car on sait bien qu'une femme ne peut pas élever convenablement sept garçons ». Mais ma mère n'en continua pas moins sa pénible tâche et aucun de nous n'a mal tourné. Ah ! si toutes les mères étaient comme elle, si tous les enfants étaient élevés comme les siens, tribunaux et prisons deviendraient inutiles.

Je pense tellement à ma mère, que je ne puis en dire la moitié de ce que je voudrais. Ce cher visage! Il n'y en avait point de plus doux sur la terre. Pendant cinquante ans je suis toujours revenu auprès d'elle et c'était chaque fois un grand bonheur pour moi. Quand j'étais encore a 50 kilomètres de la maison, je commençais à m'agiter, je marchais tout le long du wagon, il me semblait que le train n'atteindrait jamais Northfield. Pendant 68 ans elle a vécu sur cette colline et lorsque j'arrivais tard le soir, je voyais toujours la lumière à la fenêtre de ma mère. Par la bonté du Seigneur je suis arrivé ici à temps pour qu'elle me reconnût. « Ma mère, me reconnaissez-vous ? » lui dis-je. - « Certainement», répondit-elle aussitôt. Tous ses enfants étaient autour d'elle au moment de son départ. J'appelai : « Ma mère, ma mère! » Point de réponse. Sans douleur, sans combat, elle s'était endormie. Et maintenant nous allons la déposer dans la tombe pour attendre Celui qui viendra avec la puissance de la résurrection.









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