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La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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Votre fils

Il commence à devenir grand, Jacques, il a quinze ans. Vraiment il y aurait déjà quinze ans que sa mère l'a vu pour la première fois, couché tout à côté d'elle dans un petit berceau aux rideaux bleus relevés en arrière? Oh ! qu'elle était heureuse et fière de son fils; il lui semblait que jamais mère n'en avait mis au monde un pareil ! Elle ne l'oubliera pas, ce jour là, dût-elle vivre cent ans. Que de souffrances il avait amenées avec lui ; mais quelle joie aussi, quel bonheur, quelle indicible félicité!

Maintenant les années ont passé , toutes pleines de beaucoup de choses : de soleil, et d'orages surtout. Aujourd'hui il y a une fameuse différence entre le tout petit être d'alors et le beau grand garçon qui se tient si droit et que les passants regardent avec plaisir, quand il va au temple, le dimanche matin, à côté, de sa mère.

Le pasteur indique le cantique qu'ils chantent ensemble du même recueil. C'est une de leurs joies de la semaine. Jacques n'avait guère que cinq à six ans quand sa mère découvrit qu'il possédait une voix juste et vibrante. Alors elle lui a enseigné des cantiques. « C'est des trésors pour plus lard, ces choses-là», dit-elle.

Pourtant, les derniers dimanches il leur a semblé que ça n'allait plus si bien qu'à l'ordinaire. Dans le haut, les notes de Jacques font : craaac, tout comme si elles se tordaient dans l'autre sens. Et après il en reste passablement enroué.

Oui, décidément, il devient grand garçon ; maman se le dit avec un soupir. Que ce sera bientôt là le jour où il partira hors du nid. Et alors, elle n'aura plus de petits enfants, maman ; la vie sera changée pour elle.

Oh ! qu'elle en profite vite encore, pendant les quelques courtes années qui lui restent; qu'elle jouisse un peu plus de ce bonheur-là.

Mère, voulez-vous me permettre quelques avis?

Plus d'impatience, n'est-ce pas? Quand il est gauche, maladroit, ayez donc pitié. Vous l'avez été aussi, vous, disgracieuse, malhabile. Ne vous souvient-il pas du temps où l'on plaisantait sur vous, dans la vieille maison grise où vous avez grandi?

Eh bien ! avec votre Jacques, c'est tout simplement la même chose, excepté qu'en plus il a les forces superflues, fréquentes à cet âge chez les garçons, et qu'il les dépense à droite, à gauche, partout où il ne faudrait pas. Vous n'auriez pas dû tant le gronder, avant hier, quand il a cassé votre corbeille à fleurs. Ils sont très sensibles, les garçons, et ces paroles sèches, un peu méprisantes, l'ont blessé plus que vous ne vous en doutez.

Il est certes bien positif que la corbeille ne valait pas le chagrin de votre enfant; ça n'a pas le même prix, ces deux choses là. Soyez plus indulgente une autre fois. D'ailleurs vous l'avez déjà regrettée, votre colère. Quand vous étiez agenouillée pour prier pour Jacques, vous en aviez un gros chagrin, n'est-ce pas ?

Il y a encore d'autres choses dont je veux vous parler. Il commence à faire attention à vos paroles, à vos manières, à votre toilette même. Oh ! Gardez-vous de le laisser devenir le moins du monde honteux de sa mère, ce serait terrible ! Surveillez-vous beaucoup.

Et si vous avez possédé sa confiance, tâchez de toutes vos forces de la conserver aujourd'hui. Il est à une heure de crise, votre fils, à une heure décisive de sa vie. Son avenir dépend fort de ce qu'aura été cette seizième année. Hélas ! déjà le monde commence à lui rendre difficile de rester pur et brave. Les périls se multiplient. Observez-le, et vous verrez distinctement comme ça bouillonne, comme ça travaille dans son petit coeur. Quel chaos à mettre au clair!

Et dans sa tête les questions fermentent aussi. La politique commence à l'intriguer, les dogmes sociaux l'intéressent, il s'indigne des injustices d'ici-bas. Peu à peu ses yeux s'ouvrent, il voit le monde d'une façon toute nouvelle, il brûle pour le bien, s'enthousiasme de chaque action héroïque. Quant à ce qui est lâche, vil et faux, cela le remplit de dégoût, d'horreur même.

Hier quand, à dîner il discourait sur les doctrines de la liberté, parlant bien plus haut que son père et que vous; non sans une toute petite teinte de pédanterie, peut-être, mais si sincèrement, vous l'avez regardé, votre Jacques, et quelque chose vous a serré à la gorge. Il vous semblait être la pauvre poule au bord de l'étang, qui voit s'éloigner son canard et qui reste en arrière.

Que vous souffririez de rester en arrière! Votre autorité, vous en feriez encore bravement le sacrifice. Voilà des mois que vous voyez plus clairement l'urgence qu'il y a de lâcher les rênes, la nécessité d'accorder une latitude, d'user même parfois d'une vaste et sage indulgence. Bref de lui laisser se pétrir une individualité bien à lui. Mais le voir se développer dans un sens imprévu, accentuant une toute nouvelle «intellectualité», ça vous est singulièrement pénible.

Hélas ! mère, ne vous abusez pas. Lui ne peut demeurer plus longtemps blotti sous votre aile; il a pris son essor, et ne fera que monter.

Pour rester avec lui, près de lui, pour qu'il vous cherche et qu'il vous trouve quand l'heure de l'affliction sonnera (et elle sonnera ! ) c'est à vous, mère, à grandir, vous élever, à mûrir virilement. C'est là l'unique moyen. Et, plus tard, les beaux jours reviendront. Non pas les tendres heures du matin, la journée rétrograde-t-elle jamais? Vous ne bercerez plus dans vos bras le doux trésor de votre jeunesse. Mais, midi a ses beautés et le soir ses charmes.

Oh ! mère, il sera comme vous l'aurez fait, votre fils!

Si donc vous l'aimez ... quel blasphème : puisque vous l'aimez d'un amour si grand, si intense, si poignant, c'est à vous de vous donner. Nulle bénédiction sans sacrifice,
vous le savez bien.

Il faut au travers de l'enfant, vous consacrer à Christ, à ce Christ Sauveur du monde qui est le Roi de tous. Et donnez-lui toujours à nouveau votre fils, ne désirant, ne sollicitant pour lui ni succès, ni fortune ni bonheur terrestre. Seulement la grâce et le salut éternel. Le reste viendra par-dessus.

Et, sanctifiée tous les jours davantage, vous triompherez des tempêtes et serez gardée dans la paix inexprimable qui est un avant-goût du Ciel. Enfin, là Haut, un jour, vous direz avec une béatitude pour laquelle les langues humaines n'ont point de paroles : Me voici, Seigneur, avec les enfants que tu m'as donnés.









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