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Cultiver les bons germes

Dans nos jardins d'enfants, nous trouvons sans cesse l'occasion de discerner les premiers mouvements de la volonté consciente, de la guider, de la fortifier, de rendre sensible à l'enfant son instinct de perfectionnement et de cultiver ses bons germes.

Ils sont si frêles et si menus, ces germes, qu'ils passent la plupart du temps inaperçus, bien qu'on puisse les découvrir dans mille petits incidents quotidiens....

Voici quelques-unes de mes observations: Adam, âgé de 4 ans, est physiquement et intellectuellement normal, mais non au point de vue moral, car sa volonté n'est absolument pas disciplinée. Il fait ce qui lui passe par la tête, ne connaît pas d'autorité, ignore la pitié, paraît n'avoir aucune notion du bien et du mal. Aussi faut-il le surveiller de plus près que les autres enfants. Dans le jardin où tous peuvent s'ébattre en liberté, je suis obligée de ne pas le quitter des yeux, de peur qu'il ne fasse du mal à quelque enfant. Il ignore le repentir. Les punitions le mettent hors de lui. En conséquence, je le fais beaucoup agir. Il cueille des feuilles, porte des pierres, charrie du sable; en général, je ne lui permets pas de jouer avec les autres. Je lui permets de m'aider, ce dont il est très fier. Je ne puis le laisser sarcler, car ce n'est pas l'instinct d'activité, mais l'instinct de destruction qui s'en donne alors à coeur joie.

Un jour d'automne, comme il m'aidait à planter des oignons de fleurs, en creusant des trous, il rencontre un ver de terre. Il pousse un cri de joie sauvage et le saisit pour l'arracher brutalement: «Oh ! un ver, un ver ! Adam tuer le ver.» Vite, je prends sa menotte. Que faire ? Lui donner une tape ? Défendre ? C'aurait été tout au plus un succès d'un instant. «Tu vois, Adam, lui dis-je d'un ton joyeux, le ver habite dans la terre; c'est sa maison; son père et sa mère habitent là aussi; laisse-le tranquille.» Cette remarque arrêta net l'impulsion mauvaise. Adam serra bien un peu plus fort le ver dans sa petite main, mais seulement pour l'enfoncer plus profondément.

En même temps, il répétait presque tendrement: «Pauvre petit ver, va chez ton père, va chez ta mère.» Le «pauvre petit ver» a dû certainement y arriver en bouillie, mais je ne m'en réjouis pas moins sincèrement; c'était le premier acte de pitié du petit garçon. Il n'y avait plus qu'à bâtir sur cette base.

Au printemps suivant, comme nous parlions des plantes à oignon, des petites curieuses qui veulent savoir les premières s'il fait déjà chaud, je dis à Adam :

«Tu te rappelles les petites plantes qui étaient si bien emmaillotées pour l'hiver? Tu m'as aidée à les planter.

- Oui, dit-il d'un ton important, on les a plantées dans mon carré, là où habite mon ver.»

Réponse de bon augure. Elle prouve que l'histoire du ver avait fait bonne impression.

J'envoyai Adam tout seul regarder avec précaution les pousses nouvelles. Il n'en a pas détruit une seule....

Dans ce cas, il est vrai, on ne peut guère affirmer que l'enfant ait eu conscience de sa volonté de bien faire, opposée à l'intention mauvaise précédente. Mais n'était-ce point un grand progrès déjà, que son propre mouvement l'eût poussé à réprimer sa cruauté instinctive? Vouloir, c'est au fond, choisir dans le chaos de nos instincts et de nos désirs.

Werner, 4 ans et demi, suit mon cours Froebel. Quand on vient le chercher, il accueille sa bonne par des coups de pied, et celle-ci me déclare que c'est la coutume de Werner quand il est en colère.

«N'est-ce pas, Werner, ton papa donne aussi des coups de pied à ta maman», dis-je, comme pour l'excuser. Werner, indigné et menaçant: «Répète encore ça. Mon papa, faire ça !

- Mais pourquoi fais-tu ça, si tu trouves que c'est si laid?»

Il réfléchit, perplexe. En partant, il me dit à l'oreille: «Je ne donnerai plus de coups de pied à Anna jusqu'à mercredi prochain. Tu pourras me demander». Je me fais confirmer cette noble résolution par une poignée de mains. Le mercredi suivant, Werner prend une mine très importante, et, comme je ne le questionne pas: «N'est-ce pas, Anna, que je ne t'ai pas donné de coups de pied une seule fois? Eh bien ! peut-être que je ne le ferai plus». Le brave bonhomme a tenu parole.

Ma collègue de la salle voisine me demande du papier à dessin. Nous employons à cet usage les déchets d'une maison de reliure. Joseph, 5 ans, m'aide à chercher dans la provision les feuilles les plus lisses. Me poussant le bras familièrement, il me dit d'un ton confidentiel: «Donne-lui les froissées.»

Manifestement, cet enfant se rendait compte que sa façon d'agir n'avait rien de noble. Un simple non aurait sans doute, à cette occasion, réprimé ce mouvement d'égoïsme, mais sans provoquer une conduite plus généreuse.

Il me conseillait donc de lui donner les feuilles froissées.

«Pourquoi ? Dis-je en le regardant.

- Eh bien ! nous garderons les feuilles lisses, fit-il, malin.

Aimes-tu mieux une feuille de papier a dessin lisse qu'une feuille froissée ?

- Oh! oui.

- Ecoute, Joseph; si nous donnons aux enfants de la demoiselle des feuilles lisses, ils seront bien contents, et puis toi aussi, parce que c'est toi qui leur donnes cette joie. Ça fera deux joies.»

Joseph me regarde, sceptique; je continue:

«Si c'est toi qui as une belle feuille, tu n'en seras pas tellement content, puisque tu penseras que les autres petits sont fâchés d'avoir de vilaines feuilles.»

La petite figure de Joseph exprima une lutte intérieure. Vite, je me levai. C'était à lui de prendre la décision.

«Mais j'ai à faire, lui dis-je, cherche toi-même le papier, celui que tu veux donner, et porte-le là-bas.»

J'envoyai vite à ma collègue un petit billet; je lui demandai de manifester un vif plaisir à chaque feuille de papier lisse.

Le choix de Joseph fut long. Il avait mêlé quelques feuilles froissées aux feuilles lisses, et, lorsque l'autre institutrice se montra enchantée d'avoir «tant de feuilles lisses», Joseph dit, un peu embarrassé:

«Peut-être qu'elles vous suffiront; nous en avons beaucoup plus des froissées que vous.»

Ce n'était qu'un petit succès, mais tout de même un succès, car, pour avoir pris lui-même une résolution, Joseph se trouvait disposé à ne plus obéir désormais uniquement à son égoïsme, à réfléchir et à choisir entre le bien et le mal.

Le bien ou le ma l! Et le mal est généralement fort attrayant. C'est pourquoi un enfant aussi jeune doit être guidé avec le plus grand soin.

Toute victoire du bien fortifie la volonté de bien faire. Mais tant qu'un enfant ne peut de lui-même distinguer entre le bien et le mal, entre la générosité et l'égoïsme, avant que le désir de bien agir se manifeste, tout enseignement de la morale est inutile.

L'enfant éprouve souvent le désir de bien faire sans savoir comment s'y prendre. Il faut alors l'aider délicatement, mais ensuite il importe de ne pas influer sur sa détermination....

Témoignons notre satisfaction dès l'apparition de cette volonté du bien, éveillons-la, soutenons-la, afin qu'elle ne s'égare point. Bien entendu, le développement des autres éléments de la conscience doit aller de pair avec celui de la volonté; ce ne doit pas être une culture intensive et exclusive.









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