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Enfants gâtés
«L'ennemi mortel de l'autorité et du respect, a dit un éminent écrivain, c'est l'enfant gâté. «Et, d'autre part, gâter un enfant, c'est manquer aussi tristement que possible au respect qui est dû à la dignité de sa nature et à l'intérêt que réclament ses destinées et son honneur. On rit quelquefois en parlant de ces enfants gâtés: je n'en ai jamais ri; jamais la vue d'un enfant gâté n'a pu m'arracher un sourire. Rien n'est moins plaisant... Que faites-vous toute la journée? disait-on à une jeune femme. Je m'occupe de gâter mes enfants, répondit-elle. Ce n'était là dans sa pensée qu'une saillie plus ou moins spirituelle, mais ce mot là était plus sérieux qu'elle ne le pensait... Les enfants sont si jeunes, dit-on; quel mal y a-t-il à les gâter un peu ? cela est sans conséquence, c'est l'affaire de quelques années. Non! c'est pour la Vie (Mr Dupanloup, l'«Enfant»).
Quel est le médecin qui n'a connu de ces petits hérissons malades, roulés en boule, ne présentant que des piquants à la douceur comme à la contrainte, et qui n'a mécontenté leur mère en ne les proclamant pas d'emblée des modèles de docilité et de bonne éducation ? Avec des enfants sans discipline, pas de traitement possible quand ils sont malades, pas d'hygiène non plus pour conserver leur santé. On leur donne ce qui leur plaît et non ce qui leur convient, et tout le monde sait que l'instinct de leur conservation ne leur est pas toujours un guide bien sûr. Quant à l'avenir on lui prépare des hommes impérieux, personnels, sans vigueur morale, c'est-à-dire de médiocres chefs de famille et de médiocres citoyens, ce qui est tout un.
De plus, on en fait des hommes malheureux. J.-J. Roussseau a développé ce dernier point de vue dans les lignes qui suivent:
«Savez-vous quel est le plus sûr moyen de rendre votre enfant misérable? C'est de l'accoutumer à tout obtenir, car ses désirs croissent incessamment par la facilité de les satisfaire; tôt ou tard, l'impuissance vous forcera d'en venir malgré vous au refus, et ce refus inaccoutumé lui donnera plus de tourment que la privation même de ce qu'il désire. D'abord, il voudra la canne que vous tenez; bientôt il voudra votre montre; ensuite il voudra l'oiseau qui vole il voudra l'étoile qu'il voit briller; il voudra tout ce qu'il verra. A moins d'être Dieu, comment le contenterez-vous ?
«C'est une disposition naturelle à l'homme de regarder comme sien tout ce qui est en son pouvoir. L'enfant donc qui n'a qu'à vouloir pour obtenir se croit le propriétaire de l'univers; il regarde tous les hommes comme ses esclaves; et, quand enfin l'on est forcé de lui refuser quelque chose, lui, croyant tout possible quand il commande, prend ce refus pour un acte de rébellion. Toutes les raisons qu'on lui donne, dans un âge incapable de raisonnement, ne sont à son gré que des prétextes; il voit partout de la mauvaise volonté; le sentiment d'une injustice prétendue aigrissant son naturel, il prend tout le monde en haine et, sans savoir jamais gré de la complaisance, il s'indigne de toute opposition.
«Comment concevrai-je qu'un enfant dominé par la colère et dévoré des passions les plus irascibles puisse jamais être heureux ? Heureux, lui ! c'est un despote; c'est à la fois le plus vil des esclaves et la plus misérable des créatures» (Emile liv. II).
L'enfant est clairvoyant et rusé; il sent à merveille qu'une concession est un échelon pour aller plus loin: il étend ses désirs quand une faiblesse le satisfait, il les restreint quand il rencontre un refus; n'en trouve-t-il pas, il va d'un bon pas dans cette voie, et quelques mois suffisent à peine pour qu'il ait parcouru la distance qui sépare les extrêmes frontières de ses convoitises enfantines: le gâteau d'un sou et la lune. Il vaudrait même mieux les arrêter dès le début et initier les enfants par une résistance raisonnable, à cette discipline de la volonté qui leur sera si nécessaire plus tard.
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