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Jeu et Travail

La nature fait bien ce qu'elle fait, et la façon dont elle s'y prend pour faire d'un enfant un adulte doit être le guide des pédagogues.

Elle a créé chez l'enfant des besoins, des désirs, correspondant aux nécessités de son développement, et tout ce qui est capable de satisfaire ces besoins, de réaliser ces désirs, présente un attrait particulier. L'accomplissement même de ces activités éducatrices est le jeu; même lorsque l'imitation intervient, c'est toujours sous forme de jeu ou à propos de jeu.

Nous avons là les éléments fondamentaux d'une pédagogie qui est, je crois, la vraie. Elle consiste à n'exercer une activité chez l'enfant qu'autant que celui-ci en ressent le besoin naturel, ou qu'après avoir habilement créé ce besoin, s'il n'est pas instinctif, de telle sorte que l'objet de cette activité captive l'enfant, suscite chez celui-ci le désir de l'acquérir, et que cette activité elle-même possède le caractère de jeu. Une éducation respectueuse des lois du développement naturel de l'enfant - la seule efficace - doit donc être attrayante: la matière à enseigner doit intéresser l'élève, et l'activité qu'il déploiera pour l'acquérir, le travail qu'il accomplira pour l'assimiler et s'en rendre maître, revêtira alors tout natutellement la forme du jeu.

Je sais qu'en disant cela, je serai accusé de bouleverser tous les vieux et sacro-saints principes pédagogiques. Rendre l'école attrayante! Que la jeunesse prenne plaisir à ce qu'on lui enseigne! Mais tout l'enseignement ne serait plus qu'un amusement! On ne prendrait plus rien au sérieux! Il est nécessaire que l'enfant s'entraîne à l'effort.

Il est nécessaire que l'enfant s'entraîne à l'effort! C'est de toutes ces protestations, la seule qui vaille la peine d'être relevée. Oui, sans doute, l'enfant doit être mis à même de faire un effort. Mais encore ne faut-il pas, sous prétexte de l'y entraîner, l'en dégoûter ou l'en rendre incapable pour toujours.

Une distinction est ici nécessaire: ne confondons pas l'enseignement de l'effort avec l'enseignement par l'effort. Il n'est pas du tout évident que celui-ci réalisera celui-là. Ce n'est pas en faisant accomplir à un enfant des efforts intempestifs qu'on développera sa faculté de faire effort plus tard dans la vie, pas plus que ce n'est en faisant manger du bifteck à un nourrisson qu'on l'entraînera à avoir solide appétit et robuste estomac quand il sera grand...

Si l'apprentissage de l'effort ne résulte pas tout uniment des efforts imposés à l'école, il est certain, cependant que, chez la plupart des écoliers, l'étude exige un certain effort: l'enseignement doit souvent se faire par l'effort.

La notion même de travail implique, en effet, l'idée d'une résistance à vaincre. Mais il ne découle nullement de cette circonstance que le jeu ne doive être le principe même de l'éducation et de l'instruction. Au contraire, loin d'en être amoindri, l'effort que réclamera un travail difficile sera d'autant plus vigoureux et victorieux que ce travail revêtira une forme attrayante...

Cette nécessité de rendre attrayante l'éducation et l'instruction a été soulignée par tous les pédagogues dignes de ce nom, mais elle est encore parfaitement méconnue dans la pratique journalière des écoles. Le système scolaire actuel doit être à cet égard révolution, ainsi que les idées de beaucoup de parents qui le soutiennent tacitement par leurs exigences irréfléchies.

L'erreur capitale que l'on commet en voulant que l'enfant fasse effort par simple amour du devoir, c'est d'oublier que l'enfant n'est pas un homme...

«C'est très bien tout cela, nous dira-t-on. N'empêche que jeu et travail sont deux choses fort différentes; elles sont même le contraire l'une de l'autre. Et l'école est faite pour travailler et non pas pour jouer.» Est-ce bien sûr? L'école n'est-elle pas faite surtout pour développer, pour enseigner à travaiIler, pour faire acquérir certaines techniques ? Et le jeu ne serait-il pas la meilleure introduction à l'art du travail? Il n'y a pas entre jeu et travail, surtout chez l'enfant, l'opposition radicale que l'on croit généralement.

N'existe-t-il pas des travaux que l'on exécute avec plaisir? Et ne serait-il pas fort bon d'apprendre aux enfants à ne pas considérer le travail comme une peine, comme un châtiment du Destin?

Qu'est ce donc qui distingue du jeu le travail agréable et intéressant? Est-ce l'effort qu'il exige? Non, car dans le jeu, l'individu fait effort mieux que nulle part ailleurs...

On ne saurait donc tracer entre le jeu et le travail une frontière absolue. Jeu et travail ne sont que les pôles d'une même ligne, le long de laquelle on passe de l'un à l'autre par une gradation insensible.

Pour fixer cette idée, M. Claparède suppose une ligne courbe, marquée de dix points. La branche gauche figure le domaine du jeu, la branche droite, celui du travail.

1er point à gauche. - Jeu du petit enfant sans aucun but conscient: Réalisation immédiate d'un besoin d'activité.

2me point. - Jeu ayant un but qui n'est qu'un prétexte à activité; on joue à cache-cache. Mais on ne cherche pas pour trouver. On feint le désir de découvrir l'objet pour se donner le plaisir de le chercher.

3me point. - Activités faciles, qui ne sont ni jeu ni travail. Occupations: Collections de timbres, d'insectes, broderies, cartonnages, etc.

4me point. - Activités ayant pour but un amusement, mais qui n'ont en elles-mêmes rien d'amusant. Exemples: Jeux impliquant certaines règles que l'on s'oblige à suivre; apprendre un rôle pour une comédie, le but est attrayant, mais la mémorisation du rôle ne l'est pas en soi.

5me point. - Jeux supérieurs, qui ne se distinguent du travail que parce qu'ils sont librement accomplis: tout ce qui se rapporte à l'art ou à la science. L'activité elle-même est aussi agréable que le but poursuivi.

Nous arrivons maintenant à la portion de la courbe qui correspond au travail. Changement d'attitude dû au fait que l'activité est maintenant subordonnée aux nécessités extérieures.

6me point. - Travail supérieur. L'exécution est aussi intéressante que le but poursuivi (artistes, savants). Ce cas se confond presque avec le précédent.

7me point. - Travail ayant un but en lui-même: Un pêcheur qui lance son filet pour se nourrir; un cultivateur qui soigne ses légumes; un prisonnier qui travaille à son évasion; le mathématicien qui poursuit la solution d'un problème. Dans tous ces cas, chaque effort rapproche du but.

8me point. - Travail ayant un but en dehors de lui-même: Le travail professionnel qui a pour but le gain n'a pas d'attrait par lui-même (Il peut toujours, heureusement, être transformé en un travail d'ordre supérieur. L'ouvrier, l'employé, l'architecte, le banquier, trouvent à leur travail un véritable plaisir s'ils s'intéressent au résultat immédiat de ce qu'ils font).

9me point. - Le travail obligatoire devient corvée, lorsque le travailleur ne peut plus le transformer en une tâche intéressante.

10me point. - Le travail sans intérêt par lui-même n'est plus même soutenu par l'espoir d'un gain ou d'une satisfaction, il doit être effectué en l'absence de tout motif et devient le travail forcé. Travailler pour travailler sans savoir pourquoi on travaille.


Par une série de transitions insensibles, nous venons de passer des formes les plus faciles du jeu aux types les plus ardus du travail...

Pendant les premières années de sa vie, l'enfant suit assez bien cette évolution, mais ensuite, à l'école, il est transporté sans transition dans le domaine du travail forcé!... En faisant travailler l'élève sans qu'il en ressente intérieurement le désir ou le besoin on l'habitue, si j'ose m'exprimer ainsi, à ne travailler que du bout du cerveau, comme on ne touche que du bout des doigts les choses qui vous répugnent. L'enfant avait l'habitude de se mettre tout entier à ce qu'il faisait et tout à coup on le place dans des situations qui ne font aucun appel à ses énergies. Et pourtant, l'enfant possède des trésors d'énergie; il suffit de ne pas lui ravir la clef qui permet de se les approprier. Cette clef, c'est l'intérêt.









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