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Punitions
C'est l'heure du jeu réglé: les frimousses s'éveillent et tout le monde considère avec attention les préparatifs: le passe-boule qu'on installe en équilibre, les balles de couleur qu'on sort de leurs boîtes. Tout le monde est sage, de cette sagesse que rêvent les institutrices dont les leçons n'ont pas hélas! l'attrait passionnant d'un jeu de boule.
Les enfants se succèdent un peu au hasard, mais généralement en alternant: un garçon, une fille; ce qui me permet de faire des réflexions intéressantes. Les bambins lèvent la main souvent pour être appelés; et j'entends l'institutrice qui dirige les jeux, dire à l'un d'eux: «Toi, un tel, tu n'iras pas jouer, tu n'es pas sage!» J'ai les enfants sous les yeux, je ne les quitte pas du regard depuis le commencement de ma visite, car c'est en suivant le jeu de leur physionomie que je cherche à trouver ce que valent les leçons qu'on leur fait. Aucun de ces petits (il y en a vingt-deux seulement) ne m'a paru se distinguer par plus ou moins de discipline; ils ont tous bougé un peu, et croyez bien que pas un n'a ri, je les ai trouvés très sages. Je veux dire très captivés par l'exercice. Qu'a donc fait le pauvre petit qui est si cruellement puni? Car c'est une grosse punition que de ne pas bouger de sa place depuis trois quarts d'heure qu'on est assis, et une bien plus grande encore de ne pas aller jeter la balle dans le passe-boule.
A la fin de l'exercice, je demande qu'on me montre le coupable et qu'on me dise quel crime il a commis pour justifier la punition que je trouve dure: «Mais, Madame, ce qu'il a fait? Il n'est pas sage, il bouge tout le temps». Et comme je ne parais pas trouver le crime bien noir, Mme la Directrice, qui veut excuser l'institutrice, ajoute: «Il est léger, il n'a pas d'applicacation» (il a, ne l'oubliez pas, chères lectrice, cinq ans quatre mois, le pauvre!) Et comme je ne semble pas encore suffisamment convaincue, elle complète par ceci: «D'ailleurs c'est un de ces enfants que nous considérons comme anormaux». Evidemment... Il est anormal, ce petit; il ne veut pas être un soldat de plomb; il n'a pas son siège collé à son banc; il tourne la tête à gauche et à droite, et n'est pas tout yeux et tout oreilles quand on lui fait une leçon de langage sur la forme et les angles du tableau noir; anormal, le mioche qui n'est pas un petit saint et que deux années d'école maternelle n'ont pas réussi à figer; anormal parce qu'il a, dans le fond de son être des besoins obscurs de liberté!
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