
|
|
Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
L'éducation et l'habitude
Notre premier soin sera de discerner quelles sont les habitudes que l'on doit faire naître chez l'enfant...
«Rendons automatiques et habituelles aussitôt que possible autant d'actions utiles que nous le pourrons», dit W. James. Cette règle peut être considérée comme une des bases de toute éducation. L'habitude ayant pour effet de faciliter l'exécution d'un acte, le premier effort de l'éducateur consistera à transférer dans le domaine de l'habitude le plus grand nombre possible d'actes qui auparavant appartenaient à celui de l'attention. La réalisation de ces actes en deviendra plus facile. Ceci ne veut pas dire, comme on l'a prétendu, que l'éducation tienne tout entière dans la formation d'habitudes. Mais l'attention, instrument de l'adaptation, se trouvant ainsi libérée, pourra se porter sur d'autres activités pour lesquelles son concours est indispensable.
Une seconde règle est celle-ci: On apportera le plus grand soin à la surveillance des habitudes naissantes. Tout acte, on l'a vu, peut devenir le commencement d'une habitude. Tout acte nouveau de l'enfant nous pose donc ce problème: suis-je en face d'un simple accident ou d'une habitude qui surgit et peut déterminer fatalement la direction de toute une vie? Trop souvent la perspicacité des maîtres ou des parents est en défaut. Un enfant fait tomber un objet qui se brise. On le réprimande ces reproches sont sans profit; son geste était involontaire, ne couvrait rien qui les justifiât, rien comme commencement d'habitude. Expliquez soigneusement au petit maladroit la nature de sa faute, s'il ne la comprend pas déjà par lui-même; c'est tout ce que vous pouvez faire pour influer sur ses habitudes. D'autres actes, au contraire, en apparence anodins, peuvent porter en eux des germes néfastes et doivent être réprimés dès leur apparition. Comparez l'enfant qui, sans être privé de rien à la maison, entre chez le pâtissier pour acheter un gâteau et le petit écervelé qui, par curiosité, boit un verre de rhum. Malgré les apparences, le premier est, au fond de son âme, plus près que le second du chemin de l'ivrognerie.
Songeons toujours aux conséquences que peut avoir chaque acte de nos enfants comme commencement d'habitude...
Pour créer chez un enfant une habitude complexe, on commence, autant que possible, par lui inculquer les habitudes plus simples dont elle se compose. L'habitude étant d'autant plus facile à acquérir que l'acte est plus simple, on trouvera tout profit à appliquer cette troisième règle. Vous voulez habituer un enfant à l'ordre? Ne l'obligez pas à en mettre partout. Vous l'en dégouterez et il n'en mettra nulle part. Mais que, pour un ou deux objets familiers, on désigne un endroit immuable où ils doivent toujours être replacés. Que cette consigne particulière soit rigoureusement observée. Voilà une habitude élémentaire d'ordre. Lorsqu'elle aura fait son chemin, nous allons augmenter progressivement le nombre des objets dont la remise en ordre fait loi: l'enfant contracte ainsi peu a peu des habitudes spéciales d'ordre et, de fil en aiguille, il prend l'habitude de l'ordre. Au début, mettre sa chambre en ordre eut été une corvée; maintenant c'est un besoin.
L'acte auquel nous voulons habituer un enfant ne doit pas être exécuté de force. Evitons de l'imposer. Cette quatrième règle est essentielle. On la néglige trop souvent. Que le sujet soit toujours actif, non passif. En le contraignant à accomplir un acte, on l'en éloigne. Voyez comment ces belles habitudes de discipline et de tenue que l'école croit infuser à l'enfant s'évanouissent souvent dès que celui-ci la quitte. Créées par la contrainte, elles disparaissent avec elle...
Voici un enfant qui cache une faute; vous l'interrogez; accablé de preuves il avoue. Il y est contraint. Sa véracité a-t-elle progressé d'un pas? Non sans doute: il a été passif; il n'a pas agi, il s'est rendu. Mais qu'une tierce personne lui démontre sa culpabilité; qu'elle le persuade de venir à vous et de se confesser; c'est de lui-même qu'il va prendre cette décision et commencer la démarche: c'est lui qui fait le geste, qui reconnaît sa faute, sans que, de votre part, une pression l'y force. Sans doute il n'agit point tout-à-fait spontanément; la première impulsion lui a été donnée. Mais la suite se déroule en pleine liberté; et il y a initiative, activité personnelle. L'habitude y trouve son compte. Si la situation vient à se reproduire, l'aveu sera plus aisé; nous aurons fait un pas vers la véracité. Est-ce à dire qu'une éducation sans aucune contrainte soit possible? On l'a affirmé. C'est, croyons-nous, se payer d'optimisme ou d'illusion...
|
|
|