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La lutte pour la véracité (1)

L'enfant ou l'homme normal ne mentent pas pour mentir, mais parce qu'un motif les y conduit. Il n'y a pas de mensonge sans cause.

Cette cause est toujours la même: l'intervention d'un motif qui détermine un désaccord entre les impressions du moment et la manière dont on les exprime. Par exemple: J'ai votre crayon, mais je désire le garder, voilà l'impression du moment. Je ne l'ai pas vu, voilà l'expression qui est en désaccord avec cette impression.

Ce désaccord est le fondement de toute altération de la vérité. Il peut être conscient ou inconscient. Il en résulte deux catégories d'altération de la vérité qui réclament deux traitements très différents de la part de l'éducateur.

1. Mensonge inconscient. - Les défauts de la mémoire sont, chez l'enfant, un élément constant d'erreur. Ses souvenirs, même exacts, se confondent. Ce ne sont pas là, en fait, des mensonges.

Le mensonge inconscient par excellence est le mensonge d'imagination. Tout le monde sait combien il est fréquent chez les petits enfants. Ses conséquences sur le développement moral de l'enfant sont insignifiantes. Son seul danger réside dans les maladresses auxquelles il expose l'éducateur. Celui-ci, croyant s'attaquer au mensonge, risque de ne cornbattre que l'imagination.

Dans ce domaine, notre intervention peut devenir funeste au double point de vue mental et moral de l'enfant. Elle peut suggérer l'idée du mensonge à un esprit simplement imaginatif.

On consacrera donc un soin exceptionnel à discerner le mensonge d'imagination de la dissimulation. Quand la fantaisie de l' enfant nous obligera à ses affirmations, nous nous bornerons à lui montrer son erreur avec la plus stricte objectivité et à lui recommander de veiller à ce qu'il dit.

2. Mensonge conscient. - C'est le vrai mensonge, le mensonge intentionnel. Il ne se manifeste pas seulement par la parole; il emploie aussi bien le geste, l'attitude, un jeu de physionomie, le silence même.

Aussi longtemps que les instincts de l'enfant ne sont pas contrariés, il n'éprouve aucun besoin d'altérer la vérité. Un enfant qui demeurerait toujours indépendant n'aurait jamais l'occasion de mentir. Mais l'éducation intervient; elle introduit le principe du devoir. Ce devoir va se trouver maintes fois en conflit avec les mobiles naturels de l'enfant. Les deux éléments nécessaires au mensonge sont maintenant présents dans son esprit: d'une part l'impression de sa situation, la notion de ses désirs, ou de son acte, etc., de l'autre le déplaisir auquel il s'exposerait en exprimant la vérité.

Le premier de ces deux éléments ne peut être évité. On ne peut imaginer un enfant sans instincts ou une éducation qui ne tiendrait pas compte de ces instincts. Mais en intervenant, soyons prudents: Pour protéger la franchise d'un enfant faible, réduisons au minimum les ordres et les défenses.

Le second élément, l'idée du déplaisir qu'entraînerait l'aveu de la vérité, peut prendre diverses formes: honte d'avoir tort, crainte du blâme ou des punitions, vanité, crainte d'affliger.

Pour combattre ces divers motifs de mensonge, l'éducateur adoptera une attitude négative: il atténuera la peine de l'aveu par un accueil affectueux, il évitera un blâme dur ou blessant, etc. Mais il faut aussi recourir à une attitude positive: gagner la confiance de l'enfant. Pour la gagner, il faut la mériter en vouant à l'enfant une tendresse sans bornes et en la lui témoignant.

Cette double attitude constitue la méthode générale à observer à l'égard, non pas d'un menteur, mais d'un enfant dont la franchise est en danger. Mais, dira-t-on, exclure chez l'enfant tout motif de regret à la suite de sa faute, risque de supprimer le motif même de ne pas faiblir. Cette objection ne se justifie pas, aussi longtemps que le système sera appliqué sans exagération.


L'enfant trouvera aussi en lui-même des motifs de sincérité. Le premier et le plus efficace est le recours à la religion. La conscience que le regard de la Divinité pénètre constamment en lui est, pour l'enfant, un robuste soutien de la véracité.

Toutefois, l'intervention du motif religieux dans l'éducation de la véracité n'est pas exempte de risque; il pourra arriver que l'enfant, dans sa faiblesse, mente malgré tout. Alors, peu à peu, le sentiment de la surveillance divine s'efface devant l'habitude du mensonge impuni, ce qui est bien un des états les plus graves du délabrement moral..

Le simple sentiment du devoir, quoique peu puissant au jeune âge, peut aussi produire ses effets, surtout par la conviction de l'utilité d'une bonne conduite, de la satisfaction que l'on retire du devoir accompli et du bien-être qui en résulte.

La franchise ainsi obtenue deviendra une habitude; or, dans la lutte morale, l'habitude est le bouclier. Peu à peu, ces habitudes de véracité seront le mobile unique de l'action courante. C'est là l'idéal.

Mais il existe, hélas, de ces enfants que l'on a appelés des anormaux moraux. Pour eux, le mensonge semble vraiment être un instinct. Chez eux, la nature affective, étant plus faible, a été plus rapidement faussée par une éducation mal comprise. Alors il ne s'agit plus de sauver une nature en péril, mais bien de reconstruire ce qui a été détruit . Seul un régime serré, fondé sur la connaissance psychologique, en viendra à bout.

Chez l'enfant menteur, deux faits doivent retenir notre attention: D'une part, le mensonge se présente comme une habitude; d'autre part, il est accompagné d'instincts ennemis de l'éducation. Cette double constatation indique la méthode à suivre.

Il semblerait que l'on doive s'attaquer avant tout à la source du mal, aux mauvais penchants qui entraînent l'enfant à mal faire, puis à mentir pour se disculper. Sans doute devra-t-on y consacrer le plus grand soin, mais en pratique on n'arrivera pas Ioin dans cette direction. La première démarche est la rééducation de la sincérité. Le mensonge étant devenu habitude, c'est comme habitude qu'il doit être combattu. Il faut que cette habitude, faute d'entretien, s'atrophie et disparaisse.

L'entreprise est longue et difficile, mais réalisable. Elle consiste à garder vis-à-vis des assertions de l'enfant une réserve complète. Evitez, dans la conversation, dans la vie de tous les jours, de lui montrer que vous le croyez ou que vous ne le croyez pas. Evitez, pendant cette période, les épanchements et les confidences; ce sont autant d'occasions de mensonge et de comédie. Avec les meilleures intentions, l'enfant veut vous ouvrir son coeur; puis, au dernier moment, la porte du coeur s'entre-baillant à peine, ne laisse passer que le quart de la vérité, encerclée de mensonges. Eludez, d'une manière générale, toute conversation qui, en amenant l'enfant à affirmer, vous oblige à prendre position.

Cette attitude de réserve est extrêmement difficile et pénible. Elle peut creuser un fossé entre l'éducateur et l'enfant. Veillez à ce que ce dernier s'en aperçoive le moins possible; car, on ne le répètera jamais trop, la défiance engendre la dissimulation. Au contraire, mettez tous les moyens en oeuvre pour gagner sa confiance et son affection, pour préparer l'heure à laquelle il se rapprochera de vous. Les mois peuvent succéder aux mois, les années aux années avant que sonne cette heure. Ceci est encore un des côtés pénibles de cette cure morale.

Pendant toute la durée du traitement, observons discrètement l'enfant pour mesurer ses progrès. Ils seront le guide de notre propre conduite. Plus les chutes constatées s'espaceront, plus, en accentuant notre tendresse, nous pourrons affermir sa confiance, jusqu'au jour où, dans le conflit entre ces deux mobiles: entre son habitude affaiblie, d'une part, sa confiance et son affection grandissante, de l'autre, le second triomphera.

Alors, peu à peu, soutenu par le sentiment plus ou moins confus du bien-être que lui a procuré l'aveu de la vérité, l'enfant se maintiendra automatiquement dans la voie de la franchise.

Beaucoup de prudence, beaucoup de tendresse, telles sont les armes dont l'éducation doit faire usage d'heure en heure dans cette lutte pour la véracité, souvent douloureuse, et toujours difficile.


(1) Extrait d'un article publié par la revue l'Education, de 1915, p. 10.









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