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Nos petits conteurs d'histoires
Il y a des enfants chez qui l'intelligence est précoce, l'imagination vive et originale. Il est quelquefois difficile de se conduire avec ces enfants-là. Supporter et surtout approuver leurs écarts serait fort dangereux et augmenterait le mal; car l'imagination sans le contrepoids du jugement et de l'expérience devient inévitablement cette «folle du logis» qui a été la cause de tant de fautes. Agir avec sévérité risquerait d'éteindre, de briser peut être cette faculté donnée de Dieu, laquelle bien dirigée, apporte des joies très pures et nous aide plus tard à supporter les épreuves de la vie.
Voici sur ce sujet l'expérience d'une mère chrétienne:
Quand ma fille était petite, elle nous étonnait souvent par ses saillies. Elle possédait surtout une imagination très vive qui la portait à exagérer, à inventer même, et cela de la meilleure foi du monde, car elle n'était pas menteuse; avouant facilement ses fautes, et répondant sans détours aux questions qui lui étaient adressées quoiqu'elle sût très bien qu'elle méritait d'être punie. Mais elle aimait à grossir les choses, à broder sur les faits; à en inventer d'autres qui lui semblaient plus jolis ou plus amusants. Si elle parlait d'un goûter d'enfants auquel elle avait été invitée, elle y ajoutait la nomenclature de gâteaux qui n'y avaient jamais paru. «Cette enfant voit des choses que nous ne voyons point», disait une dame de mes amies.
Un jour, elle n'avait pas plus de trois ans, comme je lui faisais chanter de petits cantiques, elle refusa d'en apprendre un, disant qu'elle le savait déjà. Qui te l'appris? - C'est le bon Dieu. - Le bon Dieu? quand cela? - Tu sais bien quand j'étais avec Lui dans le ciel avant que je vienne ici. Il m'aimait bien le bon Dieu! il me prenait sur ses genoux et il me caressait. Il m'a aussi appris à lire - mais tu ne sais pas lire? - si, je le sais, mais j'ai oublié.
Tout cela dit en me regardant avec ses yeux si purs, si francs que j'aurais dit volontiers comme mon amie: «Cette enfant voit des choses que nous ne voyons point».
Je ne pouvais cependant m'empêcher de trembler en songeant que ce penchant à l'invention ouvrait inévitablement une porte au mensonge. Aussi je priais Dieu de m'enseigner les moyens de diriger et de canaliser cette disposition si innocente encore, mais dont les effets pouvaient devenir funestes.
L'enfant venait d'atteindre sa cinquième année. Nous étions en hiver et une série de jours sombres et froids nous retenait à la maison. Un soir ma petite Rose, qui s'ennuyait un peu de cette réclusion, me demanda de lui raconter une histoire. - Un conte enfantin me revint en mémoire. C'était l'histoire d'une petite fille qui avait perdu sa maman et était devenue comme une mère pour ses jeunes frères et soeurs. Rose fut très touchée de ce récit et me demanda sérieusement: - Nous irons la voir, n'est-ce pas, maman? - Mais mon enfant, je ne la connais pas, je ne sais pas seulement si elle existe; c'est un conte qu'une dame a inventé pour amuser les enfants et les rendre sages. - Il est bien joli, ce conte, dit-elle.
Soir après soir, tant que dura le mauvais temps, je dus m'exécuter, alternant les histoires vraies et les contes inventés, et l'enfant me dit une fois, j'aime mieux «ce qui est arrivé».
Un beau jour, le soleil fit son apparition et après avoir habillé chaudement ma petite Rose, je l'envoyais faire deux ou trois tours de jardin, lui recommandant de marcher très vite. Elle partit en courant.
Une demi-heure après, elle revenait avec des yeux brillants, des joues rouges. T'es-tu bien amusée, lui demandai-je, comment as-tu trouvé le jardin? - Oh! pas beau du tout, il n'y a point de fleurs, presque pas de feuilles et les arbres ont des grandes branches noires qui sont bien laides. Heureusement, ajouta-t-elle en s'animant, sur les branches, il y avait beaucoup, beaucoup de petits oiseaux si jolis! Ils sautaient et chantaient tous ensemble et c'était très amusant. Je voulais en attraper un, mais il s'est envolé. - Où est l'histoire et où est le conte? lui dis-je en riant. - Oh! maman, tu sais, il n'y avait pas de petits oiseaux. Mais j'aurais tant aimé qu'il y en eût. Toi aussi, n'est-ce pas, alors, je les ai inventés pour t'amuser.
- Continue donc à inventer, ma chérie, répondis-je, mais quand tu me raconteras quelque chose, aie soin, si je te le demande, de me dire où est la vérité et où commence l'invention.
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