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(Sans titre)
Comment voulez-vous qu'on ne lise pas ce dont tout le monde parle ?
Le désir de lire ce qu'on lit partout, ce qui est affiché partout sur les murs de la ville, conduit souvent aux mauvaises lectures, cela est manifeste. On pourrait suivre une autre voie. Votre vanité vous conduit à lire des choses mauvaises parce que l'on en parle. Mettez votre point d'honneur (je n'en appelle pas à une morale plus élevée que cela), mettez votre point d'honneur à pouvoir dire des choses vraiment mauvaises: «Je ne les connais pas». Si un livre est décidément mauvais, ne l'achetez pas. Ne le demandez pas dans un cabinet littéraire. Si un recueil périodique se permet des libertés trop grandes avec la morale, fermez-lui votre porte.
Qu'est-ce qu'un mauvais livre? Il y a dans la réponse à cette question quelque chose de très relatif. Tel livre fera du mal à Pierre et pas à Paul, telle lecture sera déplorable pour Françoise et inocente pour Jeannette. Au point de vue physiologique qu'est-ce qu'un mauvais aliment? Telle nourriture est nuisible à l'un et ne l'est pas à l'autre, selon la diversité des organisations physiques. Il en est de même pour la lecture; un livre est bon ou mauvais selon la diversité des natures intellectuelles et morales et du degré de culture des individus. Mais s'il y a des aliments bons ou mauvais selon les individus, il est des substances vénéneuses qui sont mauvaises, pour tout le monde. Il n'est bon pour personne d'avaler de l'arsenic, à moins qu'on ne le prenne à doses homéopathiques. De même il est des livres mauvais au jugement de tous les gens honnêtes. Désignons-les: Ceux qui dessèchent le coeur, qui arrivent par exemple à persuader que le monde est uniquement composé d'égoïstes. Ceux qui troublent la conscience en abolissant la distinction entre le bien et le mal en faisant entendre que toutes les passions sont légitimes, et qu'il est loisible de s'y abandonner. Ceux qui souillent l'imagination, finissent par pervertir les sens. C'est une chose bien funeste que la souillure de l'imagination. Combien d'hommes, rendus sérieux par les années, regrettent amèrement des lectures faites dans leur jeunesse, qui ont laissé dans leur esprit des traces impures, des images funestes qui les poursuivent...
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