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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
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Auprès du Foyer

Les pages qui suivent sont extraites du vol. de Ch. Wagner, paru sous ce titre à la librairie Armand Colin, Paris.

Nos lectrices ont certainement appris la mort du pasteur Ch. Wagner, à Paris, le 12 mai dernier. C'est une belle intelligence qui vient de s'éteindre, une âme profondément religieuse, pure, enthousiaste, une âme de poète, et par la même une âme d'enfant. Nul comme lui n'a exalté la famille, nul n'a su décrire en termes plus émus la beauté d'un foyer où règne l'amour.


L'esprit de famille

L'esprit de famille est l'expression consciente et réfléchie de ce que nous appelons le lien du sang. Il a donc une base obscure, instinctive, avant de revêtir une forme raisonnée; il nous prend aux entrailles avant de parler à notre sentiment éclairé ou à notre intelligence.

.... Les sentiments de famille sont plus forts que la raison et la volonté, plus étendus que le domaine de la parole. Ils confinent aux profondeurs mystérieuses et sacrées, où les êtres se rattachent à l'essence éternelle, à la volonté même de Dieu....

L'esprit de famille ne détruit ni la valeur, ni la puissance de l'individualité. Mais il démontre à l'individu qu'il est membre d'un tout et le rend incapable de vivre comme s'il était seul ou absolument distinct de ceux qui l'entourent. Par l'esprit de famille nous comprenons que les autres sont un peu nous-même.... La loi du monde, la colonne de l'édifice, sans laquelle (du moins cela nous paraît évident) tout croulerait sur nos têtes, c'est le conflit des intérêts, la concurrence, le droit strict... L'esprit de famille renverse tout cela. Au lieu de tirer à lui, il donne; au lieu de vendre, il accorde; au lieu de se venger, il pardonne. Ici, le droit du plus fort consiste à protéger, porter, soigner les petits...

L'esprit de famille est une pierre d'attente de l'humanité future, de ce royaume idéal de justice, si éloigné de nos misères présentes, que, pour l'espérer encore, il faut avoir la foi qu'aucune résistance n'abat, et qui, pour user les obstacles les plus tenaces, compte sur les siècles sans limite. Le baiser maternel a sacré chaque homme citoyen de cette cité. En lui faisant le don gratuit de la vie et de toutes choses, la mère, au nom de l'humanité, dit à son enfant: «Souviens-toi, aime comme tu as été aimé. Donne, puisque tu as reçu.»

Deux font un

Deux font un, c'est la pierre angulaire de la maison. Quand un homme et une femme s'accordent pour s'appartenir et fonder un foyer, les lignes de leurs destinées se confondent. Leurs intérêts essentiels deviennent identiques....

Deux ne font qu'un; il faut se dire cela le matin en s'éveillant et se le répéter à propos de tous les menus incidents, comme de tous les événements graves de la journée....

Deux font un, surtout, devant les enfants. Quand les parents apparaissent à leurs enfants comme deux personnes opposées de vues, de volonté, de goût, de conception de l'existence, ils sont perdus et les enfants aussi. Il n'y a plus d'éducation possible....

Au contraire, quelle ressource lorsque deux font un et peuvent absolument compter l'un sur l'autre! N'importe ce qui arrive, ils le portent d'un même effort ils se disent: «Ta peine est ma peine....» Chacun est à son poste. Travailler ensemble, lutter ensemble, souffrir ensemble; ne jamais trouver porte close quand on a besoin d'apaisement, d'une bonne parole; marcher du même pas en vrais compagnons d'armes, comme cela rend la vie meilleure et le coeur plus ferme! A mesure qu'on avance on se sent mieux liés. Tout le passé commun vous serre l'un contre l'autre. Cet accord, connu une fois, il est la chose du monde à laquelle on tient le plus....

On s'aime alors pour les souffrances passées, pour les travaux communs, pour les rides du front où est écrite notre histoire, pour les fautes pardonnées, pour tous les souvenirs heureux ou tristes. On s'aime dans ses enfants et ses petits-enfants. Et avant tout cela, on s'aime encore parce qu'on a été jeune ensemble et parce qu'on se rappelle l'un à l'autre cette jeunesse.

J'estime que ceux qui ont ressenti cet amour, sur les sentiers changeants de la vie, ont reçu un trésor inestimable. Ils ont possédé ce qu'il y a de meilleur....

Paternité, maternité

Etre père, être mère, non plus seulement par la poussée des instincts et les lois naturelles, mais par la libre adhésion de l'âme; transformer en lien du coeur et de l'esprit le lien des fatalités extérieures, s'associer à l'intention qui a voulu que nous nous devions la vie les uns aux autres, c'est vivre dans les profondeurs, élargir son horizon, c'est presque participer, par une nouvelle naissance, à un degré supérieur de l'être....

L'attente de l'enfant est tout un monde de grâce et de recueillement salutaire. La mère ici a le plus de privilège: Dieu l'a faite gardienne de l'espérance. Qui vous dira tout ce qui se passe entre vous et ce cher hôte à qui vous préparez l'accueil?... Si jamais on en arrive à désespérer de l'humanité ou à la mépriser, le salut nous viendra de celles à qui parlent tout bas, en leurs longs et délicieux tête-à-tête, les petits messagers du bon Dieu qui doivent arriver demain....

Dans ce monde obscur et brutal, où toute beauté vraie est une beauté cachée, dans la foule qui vous ignore, au foyer même où parfois on ne semble pas vous remarquer, jeunes mères à qui Dieu confie ceux auxquels il confiera Demain, je ne vous rencontre jamais sans entendre d'invisibles voix murmurer, sur votre passage, cet hommage éternel qui de la mère du Sauveur s'étend à toutes les mères:

Mais si vous êtes saluées, mères heureuses, il faut penser plus encore à celles qui sont dans la peine, et aux pauvres petits sur qui l'on pleure d'avance. La question humaine, résumée dans toute sa tristesse, c'est une mère attendant dans le dénuement et pour qui l'espérance se transforme en angoisse. De quoi le vêtirons-nous, avec quoi le couvrirons-nous? Comment sera-t-il accueilli?... Oh! combien la vie est dure, et l'avenir noir pour certains, les déshérités de la fortune, de la santé et pour les déshérités du bonheur, quand le logis est froid, la bourse vide, ou que les coeurs sont désunis! Nous avons vu la lumière, mais voici l'ombre. Il n'y en a pas de plus froide et de plus effrayante dans la création. Eux qui sont assis dans la chaude lumière ne doivent jamais perdre de vue cette ombre! Si la maternité est sacrée, si elle imprime à nos fronts un signe céleste,... ne commencera-t-elle pas par attendrir nos coeurs? A travers nos émotions, devinons celles des autres. Que la maternité heureuse ait souvenir de la maternité malheureuse! Les pères et les mères s'entendent et fraternisent par les entrailles d'un bout du monde à l'autre. Quelque chose nous est commun qui triomphe de toutes les barrières, de tous les schismes. Et voici, l'enfant attendu, avant même d'entrer dans le monde visible, de s'encadrer dans un milieu social, de recevoir une éducation et de subir une empreinte, nous recommande cet autre enfant, arrivant comme lui, et qui peut-être n'aura pas où reposer sa tête. Si nous savions écouter cette voix discrète qui s'élève du centre même de notre être, elle nous enseignerait la plus pure tendresse, et le faible, le pauvre, celui qui s'apprête à échouer sur nos rivages comme un naufrage, trouverait en naissant de mains pour le porter, le couvrir et le réchauffer. Tous les jours les parents font connaissance au cimetière avec d'autres parents venus visiter de petites tombes, où pleurent parfois de si grandes peines. C'est la fraternité dans les larmes et dans la mort. J'en appelle de mes voeux une autre, celle de la vie, d'avant la vie devrait-on dire. Pour l'amour de l'enfant attendu, on veut une terre meilleure, des moeurs moins souillées, des coeurs moins durs; on désirerait, pour lui, aplanir les routes, adoucir les pentes, apaiser les colères. Pas de souhait plus légitime. Transformons-le en actes. Pratiquons la sainte cohésion de la famille humaine. Tendons une main secourable aux mères qui attendent dans les larmes.

Ainsi nous préparerons le chemin aux arrivants et leur permettrons de s'aimer mieux que nous. Et, donnant à cette pensée une extension plus grande, j'ajoute: que cet hôte attendu nous rapproche de Dieu et nous rapproche des hommes, de tous les hommes. Puisqu'il va venir, pardonnons à ceux qui nous offensent, sourions à ceux qui nous font grise mine, mettons de la lumière dans nos yeux et de la chaleur à notre foyer. Ceux que Dieu nous envoie ne doivent pas tomber au milieu du désordre, des disputes et des visages assombris ou courroucés.

Parents et enfants

Notre influence éducatrice est déterminée par ce qui prédomine en nous. On communique moins aux enfants ce que l'on dit que ce que l'on est. Si notre démarche morale est incertaine, nous avons beau indiquer le droit chemin, l'enfant qui nous donne la main, marchera comme nous en chancelant. L'éducation des enfants commence donc par nous-mêmes. Pour guider autrui, il faut être ferme et y voir clair....

L'autorité est une libre puissance d'âme ou bien elle n'est rien. On ne la possède pas par le fait même qu'on est père ou mère. Elle n'appartient qu'à celui qui s'en est rendu digne.

L'autorité consiste à donner par son attitude, son allure, tout ce qu'on fait et tout ce qu'on dit, une impression de réalité, de vérité, de droiture, à faire en un mot apercevoir à travers sa conduite les lois mêmes de la vie.... L'autorité familiale ne s'exerce pas de préférence au moment où vous donnez un avis et une direction; c'est par une contagion perpétuelle du contact moral, de l'activité, de l'existence entière. Nos enfants nous voient vivre: à supposer que nous ne disions rien, c'est dans ce qu'ils voient de notre vie, démêlent de nos motifs et de nos intentions, perçoivent confusément de notre fonds moral, que consiste notre autorité....

Les parents ont un très bon moyen de mettre en relief leur dignité et d'y ramener l'attention distraite des enfants. C'est de se traiter entre eux avec beaucoup d'égards. Ils peuvent être sûrs que les enfants suivront leur exemple, surtout s'ils n'ont rien vu d'autre depuis l'âge le plus tendre. Le ton qui règne préalablement entre le père et la mère est destiné à se répandre parmi les enfants.... Je considère comme une des plus tristes leçons de la vie de famille, et un de ses pires châtiments, de s'entendre dire par ses enfants des paroles malsonnantes qui ne sont que l'écho de nos propres voix.

Me permettra-t-on de parler ici des mauvais tours que nous jouent nos nerfs dans l'oeuvre éducatrice? Cela équivaut presque à parler de corde dans la maison d'un pendu: car les nerfs, aujourd'hui, c'est le mal universel. J'aurai ce courage pourtant de crier: à l'ennemi! L'autorité et la dignité ont pour figure extérieure le calme, la juste mesure. Aussitôt que les nerfs s'en mêlent, le calme s'en va, et de mesure il n'en est plus question.... Des nerfs en éducation, il n'en faut pas! Quand nos nerfs nous prennent, le moment est venu de nous cacher, ou tout au moins de nous taire. Hélas ! c'est celui que choisissent tant de gens pour parler, avertir, sermonner, corriger leurs enfants.

.... Pêle-mêle, alors, tout y passe. Ils déversent sur la tête de l'enfant un flot de paroles. Ce n'est plus la douce rosée qui rafraîchit et fertilise: c'est l'averse diluvienne. Sous une telle averse, peut-on en vouloir au patient d'ouvrir son parapluie? S'il ne faisait que cela, le mal serait réparable; mais souvent il s'insurge, il riposte et alors naît, provoqué par notre propre intempérance de langage, ce quelque chose de lamentable qui s'appelle une discussion entre parents et enfants.

C'est au sein du calme, à tête reposée, que l'éducation demande à se faire. Elle a de grandes analogies avec la culture des champs. Ne semons pas quand souffle la tempête, quand passent les tourbillons de neige. Notre graine serait emportée. Je crains que notre éducation actuelle ne soit trop entachée d'irritation et d'inquiétude. Nous manquons de tranquillité d'âme et notre vie extérieure est dépourvue de cette paix qui permet aux fruits de mûrir. Il faut réagir contre la conspiration des influences énervantes, trépidantes; établir, à force d'énergie et de résolution, le calme dans son coeur et sa maison, en renouveler constamment la provision, et quand le courage ou la fermeté nous trahissent, chercher notre puissance plus haut. L'éducation la plus sûre, l'autorité la plus incontestée sont celles qui ont leur source dans les principes supérieurs qui dominent la vie, abritant aussi bien la tête des pères que celles des enfants. Le semeur a besoin de croire au Dieu du lendemain. L'éducateur aussi. C'est là qu'est la sécurité, le calme, l'immuable puissance. Appuyons-nous sur elle, pour ne pas offrir une trop fragile résistance à la jeunesse qui s'appuie sur nous.

Confiance

Si l'obéissance répond à l'autorité, c'est à la bonté que la confiance répond. Obtenir l'obéissance, éveiller la confiance: toute l'éducation est là. Que nos enfants nous honorent et nous craignent; mais que jamais ils n'aient peur de nous ouvrir leur coeur. Surtout ne leur donnons pas lieu de douter de nous ! C'est un malheur de ne plus croire en Dieu: c'est un malheur presque aussi grand de ne plus pouvoir croire en son père et en sa mère....

L'autorité forcément se modifie. Si elle veut élever l'enfant pour la liberté, il est nécessaire qu'elle devienne de moins en moins pesante, se fasse presque invisible en s'effaçant. La confiance, au contraire doit rester. Que de parents ne comprennent pas cela! Excellents pour élever un nourrisson ou guider des enfants très jeunes, ils continuent à les traiter de même à tous les âges. Ils leur enlèvent l'initiative, étouffent leurs aspirations au germe, et tout en se cramponnant à une autorité qui s'évanouit laissent se perdre une confiance qu'ils pourraient maintenir. Non seulement il faut nous résigner à voir la volonté et l'énergie personnelle de nos enfants s'affirmer, mais il faut saluer avec joie tous les signes des caractères naissants et laisser, autant que la sagesse le comporte, franc jeu à l'esprit d'entreprise et d'indépendance. N'empêchons pas l'homme de se former dans l'enfant.

L'hospitalité

Cet être collectif qu'on appelle la famille peut être animé d'un esprit égoïste ou d'un esprit fraternel... Recevons-nous les uns les autres, simplement, cordialement. Sortir de chez soi, coudoyer d'autres familles et d'autres destinées, c'est élargir ses vues, mettre en commun ses ressources morales, se réconforter, réconforter autrui. L'hospitalité est une des plus puissantes alliées de l'éducation de la jeunesse. Peu importe votre position sociale, si vous avez des enfants, recevez chez vous les enfants d'autrui... Les caractères se forment par le frottement, souvent par le choc.









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