
|
|
Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
Comment enseigner l'obéissance aux petits enfants
L'obéissance est une des plus grandes lois de nos societés civilisées. Il est bien connu qu'elle régit l'individu à tous les âges et dans toutes les positions de la vie. Tous doivent obéir: l'enfant à ses parents, le soldat à ses chefs, le fonctionnaire aux statuts de son administration, l'ouvrier, l'employé au patron qui les fait travailler, tous aux lois du pays et dans le domaine moral, à leur conscience et à Dieu. Ni Dieu, ni maître est une maxime absurde: c'est le cri des insensés qui ne comprennent pas que le voulant ou non, ils ont un maître ou des maîtres sur la terre, et que Dieu dans sa volonté suprême domine le cours de leur vie. «L'homme s'agite et Dieu le mène» (Bossuet).
Celui qui obéit avec peine, par force ou par crainte du châtiment est un esclave; celui qui refuse l'obéissance à qui elle est due est un révolté qui subira tôt ou tard la peine de sa rebellion.
Si, au contraire, l'obéissance est acceptée, consentie, volontaire, elle aboutit à la paix, à la sécurité, à la confiance, à la liberté; et lorsqu'elle marche de concert avec l'amour, elle devient une vertu qui enfante l'abnégation, le don de soi-même, le dévouement. C'est l'obéissance de Jésus à son Père qui a produit le sacrifice du Calvaire et, par Lui, le salut de l'humanité.
Il est donc bien important d'habituer la jeunesse à l'accomplissement de cette loi obligatoire et c'est aux parents surtout qu'appartient cette tâche. A quel âge de l'enfant doivent-ils commencer leur enseignement? Très vite, dès le berceau. L'influence de la mère existe aussitôt que son enfant regarde autour de lui et observe; aussitôt qu'il la reconnaît, comprend l'inflexion de sa voix, son sourire ou son air sérieux, son geste d'autorité ou de tendre approbation.
Bébé a 14 ou 15 mois: il trotte dans toute la maison, suivant la mère pas à pas. Les voici tous deux dans la cuisine. Furetant ça et là en quête d'amusements, il découvre un renfoncement où, retenues par une petite planche, sont entassées des pierres noires et brillantes: c'est le trou à charbon. Qui ne connaît l'attrait du trou à charbon? Bébé regarde, émerveillé, puis il plonge ses mains dans la poussière fine et luisante... Le résultat est facile à deviner: un petit ramoneur arrive tout rayonnant de joie vers maman pour se faire embrasser. Exclamations, gronderie, défense à Bébé de recommencer. Une eau chaude et savonneuse fait disparaître les traces de ce méfait; et comme on quitte la cuisine pour la salle à manger, il n'en est plus question. Le lendemain, la scène se renouvelle. Cette fois la jeune mère est perplexe. Bébé a désobéi, ne faut-il pas le punir? Mais il est si joyeux d'avoir trouvé cet amusement! Peut-être ne se souvient-il plus de la défense? A cet âge, la mémoire dort peut-être encore? Si cependant je pouvais l'éveiller ce serait un grand pas de fait. Elle se contente de regarder l'enfant d'un air fâché, refuse de le prendre sur ses genoux, et sans le laver avec cette bonne eau chaude où il barbotte avec tant de plaisir, elle dit: «Bébé n'est pas sage! Bébé sale! Bébé noir!» Le petit, tout étonné, s'en va dans un coin et boude. Sa mère qui l'observe sans en avoir l'air, l'entend dire en regardant ses mains et son tablier blanc tout taché! «Bébé sale, Bébé noir!» Un quart d'heure après, l'enfant était lavé et maman l'embrassait en disant: «Maintenant, mon bébé est propre!»
Elle attendait le lendemain avec impatience; quand il entra dans la cuisine, l'enfant avait un jouet dans les mains. Vite il le jeta à terre et se dirigea vers le trou à charbon; il regarda avec un air d'envie l'objet de son désir, puis, résolument, mettant ses mains derrière son dos, il dit: «Bébé sale ! Bébé noir!» et reprit le jouet délaissé.
La mémoire était donc éveillée et la volonté avait triomphé de la tentation. N'était-ce pas là une victoire? Ainsi pensait la mère et elle remerciait Dieu.
L'enfant atteignit l'âge de trois ans. C'était un beau petit garçon robuste et passablement volontaire; sa mère, douce et tendre, arrivait cependant à s'en faire obéir sans provoquer des scènes pénibles. Patiemment elle attendait le moment où, par un effort de volonté, l'enfant finissait toujours par céder et obéir.
Un jour d'hiver, Bébé, assis sur le tapis, près du feu, essayait de raccommoder la jambe cassée de son cheval de carton. Quelqu'un entra, puis ressortit, laissant la porte ouverte. «Bébé, va fermer la porte», dit la mère. Point de réponse. Au bout d'un instant: «Bébé, va fermer la porte, il fait froid, tu t'enrhumerais et tu tousserais comme le petit cousin.» - «-Bébé tousse pas», dit-il, sans lever la tête. Encore une pause. - «Bébé, maman a froid, ferme la porte, je te prie!» L'enfant regarda et dit: «Maman a froid?». - «Oui, parce que la porte est ouverte.» Le petit se leva d'un bon, poussa violemment la porte, puis revint vers elle et dit avec tendresse: «Maman n'a plus froid maintenant?» Un baiser fut sa récompense. Il a donc un coeur aimant, ce bambin! Maintenant, tout sera facile! pensait la mère, et dès lors ses ordres furent le plus souvent des appels comme ceux-ci: «Fais-moi ce plaisir. Je serais contente si tu voulais jouer plus doucement», ou bien «Maman a mal à la tête, et Bébé doit obéir tout de suite pour ne pas la fatiguer».
- Base fragile, dit un jour le père, qui ne constatait pas un grand progrès dans la sagesse de son fils.
En effet, le sentiment à lui seul n'était pas capable de vaincre cette nature indépendante. La mère le sentit bientôt et demanda à Dieu de l'éclairer. La réponse arriva de la manière suivante: Pierre n'était plus un bébé; à l'âge de six ans il fut envoyé à l'école. Il était sage, intelligent et aimait son maître.
Un jour, il revint de l'école avec une mine plus sérieuse que d'habitude, et comme sa mère le remerciait avec tendresse pour la petite commission dont elle l'avait chargé, il l'arrêta en disant: «Il ne faut plus me dire merci, parce que le maître a dit que l'obéissance aux parents était notre devoir.»
- Et qu'est-ce qu'un devoir? demanda la mère amusée?
- C'est faire ce qu'on vous dit, quand même ça vous ennuie, répondit l'enfant en soupirant (car sa petite conscience lui disait qu'il avait souvent résisté pour ce motif là) et ne jamais dire non à sa maman. Le maître a dit aussi que le bon Dieu le voulait.
Dieu! le devoir! ces grands mots, ces saintes idées qu'elle n'avait pas encore évoquées dans l'éducation de son petit enfant de peur de n'être pas comprise, c'était lui-même qui les prononçait et les lui présentait comme les plus puissants mobiles de sagesse et d'obéissance.
|
|
|