
|
|
Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
(Sans titre)
Parmi les choses qui ne s'apprennent pas au collège je nommerai d'abord l'affection. S'il me fallait indiquer l'origine de ce ton sec et déplaisant qui nous choque chez beaucoup d'enfants aujourd'hui, je n'hésiterais pas à dire qu'ils ont été entièrement abandonnés à l'éducation publique; en d'autres termes, qu'ils n'ont pas été élevés. Ils sont tranchants, ce sont de petits hommes, ils ont un certain esprit, ils font des mots, et on les cite, leur prétendue naïveté est elle-même tournée à l'effet; ne leur demandez pas la vraie candeur, ils en sont à cent lieues...
L'artificiel nous envahit. Pourquoi? Parce que nous ne sommes pas «élevés». Si le monde s'empare de nous à treize ou quatorze ans, si l'abri de la maison paternelle nous fait défaut, nous ne pouvons pas, cela est évident, échapper à la fausse distinction, c'est-à-dire à ce qu'il y a de moins distingué ici-bas. Pour arriver au vrai comme il faut, pour échapper au banal, au factice, nous avons besoin d'une famille.
La famille est l'asile du naturel. Là, habite la grande sincérité, parce que là habitent les grandes affections. Là s'épanouissent les vrais enfants, là se déploie le ravissant spectacle des adolescences naïves, ardentes, ouvertes aux nobles ambitions; là déborde la vie. C'est tout simple, le coeur s'est ouvert, l'enfant qui a une famille a appris la tendresse. La tendresse s'apprend. Livré à lui-même l'enfant ne deviendrait rien moins qu'aimable; égoïste, occupé de soi, il serait bientôt ou brutal ou roide. Ah! ne lui ôtez pas les caresses de sa mère! Des caresses, cela fait tant de bien! Il est si doux de se sentir aimé! Vous avez vu les fleurs s'ouvrir à la chaleur du printemps; il doit y avoir de même un printemps de la vie, un printemps avec ses fleurs, avec sa tiède atmosphère qui fond les glaces et fait circuler la sève.
C'est ainsi que s'ouvre l'âme de nos enfants; ils s'habituent à la tendresse, à l'expansion. Une habitude c'est quelque chose. Nos meilleurs sentiments se transforment en habitudes, en nécessités premières, en instincts, et ils n'en valent pas moins pour cela; nous ne faisons tout à fait bien que ce que nous sommes arrivés à faire sans effort et pour ainsi dire sans y penser.
Heureux enfants qu'on aime et qui aiment, qu'on caresse et qui caressent, qui pensent simplement, sentent simplement, qui n'ont pas perdu la candeur de leur âge! Ils entrent dans la vie par la porte dorée, et c'est la bonne, c'est celle des enfants. Malgré les afflictions que Dieu place déjà peut-être sur leur chemin, ils ont à leur portée un trésor de naïves félicités, leur joie resplendit à travers leurs larmes. Et comme ils sont gardés! L'enfant qui a appris la tendresse peut aller à l'école, au collège, il y mènera la famille avec lui, son coeur ne cessera pas de battre pour elle. Cela ne le préservera pas de toutes les fautes, j'en conviens, mais cela le préservera des fautes sèchement accomplies, des fautes sans repentir. Il sera exposé à la tentation, non à la dégradation.....
Plaignons ces enfants qui n'ont eu ni père, ni mère et dont le coeur ne s'est pas mis à battre auprès d'autres coeurs. Ce qu'on leur a enlevé, rien ne le leur rendra jamais, la marque ineffaçable sera là jusqu'à leur dernier jour. Dieu a voulu qu'il y eut du duvet dans tous les nids; le jeune oiseau a besoin de se sentir abrité dans cette douce retraite sous l'aile de sa mère; cela ne l'empêchera pas de s'élancer un jour, hardi, puissant, dévorant de son vol l'espace et défiant la tempête. Il peut y avoir des nids et du duvet dans les plus humbles demeures. C'est encore ici une des formes de cette égalité chrétienne que nous retrouvons partout sur notre chemin et dont la famille est la personnification. Je sais telle famille d'ouvriers où les enfants sont élevés, comme ils ne le sont pas certes dans la plupart des palais. Ils suivent l'école en veste de bure, qu'importe, à leur retour au logis ils trouvent chaque soir des bras ouverts, du bonheur, de fermes et tendres directions, une Bible qu'on médite avec respect, la prière commune de la famille, et cette prière du lit que la mère murmure en les embrassant. L'instruction varie avec nos ressources, l'éducation ne varie pas. Dieu n'a pas permis un tel privilège.....
Il n'est que trop certain, hélas, que l'éducation ne survit pas à la famille; sous ce rapport, la pauvreté telle qu'elle existe dans certains centres industriels est un fait exceptionnel (1), horrible, qui appelle une puissante réaction. Si l'on n'y prend garde, la famille achèvera d'y sombrer, et il n'y restera rien qui ait forme humaine. Cela donne le frisson.
Mais à part ce cas unique, cet attentat social dont personne ne peut se dire innocent, que je dénonce ici, qu'il faut dénoncer partout et toujours, jusqu'à ce qu'il ait cessé, il demeure certain que l'éducation, qui est un devoir pour tous, est en même temps un devoir praticable pour tous... L'esprit de famille ne s'acquiert qu'au foyer, et ceux qui l'ont ne s'avancent pas désarmés au milieu du monde... Il a l'esprit de famille, celui dont le coeur est attaché à la maison paternelle par d'indestructibles liens. Elle l'attire, il se préoccupe de tout ce qui s'y passe, il ne se trouve nulle part aussi heureux. Quand on me dit d'un jeune homme qu'il a la passion de vivre au milieu des siens, je me sens prévenu en sa faveur. Tant d'autres s'ennuient au logis! Tant d'autres ne s'amusent qu'à la condition de le quitter! Des soirées, des parties de plaisir, le théâtre, les voyages, ce qu'on voudra pourvu que ce soit pas le logis...
(1) Hélas de nos jours ce n'est plus exceptionnel! (Réd.).
|
|
|