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La valeur de l'argent
L'argent a une valeur: c'est indiscutable. Le commerce ne se faisant plus par échanges c'est l'argent qui doit fournir aux nécessités de la vie et à tout ce qui correspond à nos besoins et à nos désirs. L'enfant peut le comprendre : il en voit journellement l'application, soit que le luxe ou le bien-être règne dans la maison, soit que la plus stricte économie règle en quelque sorte les bouchées de pain ou les vêtements qu'on lui accorde.
Mais cette valeur de l'argent a peu d'importance pour l'enfant. Pourvu qu'il ne souffre pas, peu lui importe ce que coûtent les choses; insouciant à cet égard, il demande volontiers à sa mère des sous pour acheter des billes; ou, s'il est gourmand, pour acheter des friandises. Il s'étonne ou s'irrite si on les lui refuse, et sa persévérance est telle que si sa mère, à bout d'arguments, lui montre sa bourse vide, il répliquera sans hésiter: "dis, mère, tu me donneras des sous quand tu en auras?"
Mais l'argent possède une valeur morale qui peut être un moyen précieux d'éducation. L'argent est le fruit du travail et qui dit travail dit peine. Du haut en bas de l'échelle sociale, il a été acquis ou il s'acquiert au prix de la souffrance. Le travail intellectuel active les fonctions du cerveau et use cet organe; le travail manuel voûte les épaules de l'ouvrier et souvent blanchit avant l'âge les cheveux de la mère de famille. Son action est quelquefois pire : je connais une ouvrière dont les mains sont toutes déformées par un travail de pliage, toujours le même, qu'elle accomplit depuis plus de quinze ans. Il n'existe pas une seule manière honnête de gagner de l'argent qui ne corresponde à une déperdition de force chez l'individu, et c'est ce qu'il faut de bonne heure faire comprendre à l'enfant, surtout à l'enfant de la classe laborieuse. Il faut que pour lui l'argent représente les fatigues journalières de son père et les sacrifices de sa mère ; il doit voir en lui des yeux précieux et tendrement aimés rougis par les veilles et souvent par les larmes de l'angoisse. La mère ne doit-elle pas payer le loyer de cette chambre où dorment les petits enfants? Pourra-t-elle acheter des vêtements chauds pour l'hiver qui s'approche?
Chez l'enfant, le coeur n'est pas faussé par des sophismes qui plus tard, tarissent la source des sentiments les plus élevés, et c'est en parlant à son coeur que la mère pourra déraciner cet égoïsme inconscient qui ne se préoccupe que de lui-même.
La grande valeur, la valeur morale de l'argent est ici dans le fait qu'il est le fruit de l'amour des parents qui, au prix de tous les sacrifices, veulent assurer l'avenir de leurs enfants. Dès lors, l'emploi de l'argent doit être conforme à ce grand but. Mais que voyons-nous dans la plupart des familles? Une indulgence extrême pour les caprices, pour la gourmandise, pour la vanité, pour les plaisirs d'un ordre inférieur chez les enfants. Telle femme qui se refusera un vêtement indispensable, ou privera son mari du morceau de viande dont il aurait besoin, accordera à son fils de l'argent de poche souvent fort mal dépensé. Elle cèdera aux instances de sa fille et lui achètera tel article de toilette, pure affaire de vanité. Aussi la gourmandise, la vanité, l'amour du plaisir - innocent dans le jeune âge grossier et coupable plus tard - sont-ils les traits qui dominent chez les enfants, même dans les familles honnêtes, quelquefois au sein des familles chrétiennes.
Mais, prenez-y garde ! par votre indulgence extrême, vous détruisez l'influence morale que donne une vie de labeur et de dévouement ! Le respect et la reconnaissance se perdent et font place au mécontentement avec ses exigences de plus en plus impérieuses. En frustrant l'enfant de sa part de lutte et de renoncement en vue du bien de la famille, vous lui enlevez la préparation nécessaire au grand combat de la vie. Il faut pour que l'éducation de vos enfants soit digne de ce nom, qu'ils soient de bonne heure initiés à vos difficultés de chaque jour ; que vos soucis deviennent les leurs ; que leurs faibles efforts soient ajoutés à votre travail et leurs petits renoncements à vos sacrifices. Une si grande récompense sera le fruit d'une telle conduite qu'il vaut la peine d'essayer.
Demandez à Dieu la force de dire "non" à toute demande qui aurait pour but de favoriser la gourmandise, la vanité, l'amour des plaisirs. Notre argent mieux employé apportera plus de bien-être à tous et, chose plus importante, nos enfants apprendront la grande leçon du précepte évangélique: "Nul de nous ne vit pour soi-même."
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