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La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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L'Empire sur soi-même

On me demanda un jour de prêter assistance à une famille de mon voisinage. Un petit garçon avait, dans un moment de colère, blessé sa mère à l'oeil avec des ciseaux. La soeur aînée avait voulu faire un lavage d'eau bouillante; pendant ce temps, l'enfant s'était approché et avait renversé sur lui la cuvette, mise semblait-il hors de sa portée. Ses brûlures pansées, il fut laissé seul un instant et en profita pour s'emparer d'une bouteille contenant un remède dangereux, qu'il commençait à boire.

Je me hâte d'ajouter que l'enfant guérit.

Ces faits ne montrent-ils pas que quelque chose manquait à cet enfant, dont une éducation intelligente aurait dû triompher?

Un autre jour étant au milieu d'une grande foule j'avais auprès de moi une femme avec un petit enfant qu'elle tenait par la main. Soudain il se fit une poussée, je fus presque soulevée par le flot et mes pensées se portèrent avec inquiétude sur la pauvre mère. Non loin d'elle cependant se tenait un homme qui comprit immédiatement la situation. «Arrière» cria-t-il, d'une voix de stentor qui domina le tumulte de la populace. Il y avait dans cette voix tant de calme, tant de puissance qu'un mouvement de recul se produisit aussitôt; l'homme prenant l'enfant dans ses bras conduisit la mère en lieu de sûreté.

D'où venait cette autorité?

Cet homme sut dominer la foule parce qu'il se dominait lui-même.

Mais, comment peut-on arriver à un tel empire sur soi-même?

Les premiers mouvements du nouveau-né sont spontanés, ils échappent à tout contrôle de sa part, mais il faut aussi vite que possible lui apprendre à éviter les mouvements inutiles et à plus forte raison ne pas les provoquer sous prétexte de l'amuser.

A ce point de vue, les habitudes de propreté exercent sur l'enfant une heureuse influence. Dès l'âge le plus tendre, le bébé doit être habitué à ne pas salir ses langes, non pas seulement pour faciliter le travail de la mère, mais pour qu'il apprenne à soumettre les besoins de son corps à une règle; ce résultat ne sera atteint qu'avec beaucoup de persévérance.

Pour développer chez l'enfant la patience et la persévérance, il est bon de lui procurer des jouets tels que blocs à bâtir, ou outils proportionnés à son âge.

Pour apprendre à son enfant à dominer ses penchants naturels, la mère doit lui enseigner la prévoyance, c'est-à dire, lui faire voir à l'avance le résultat de ses actions. Elle peut de cette manière le préserver de fautes graves.

Souvent le jeune employé qui vole son patron, se laisse aller à cet acte, parce qu'il ne regarde pas au delà du plaisir immédiat qui suivra la possession de l'or convoité. Il ne prévoit pas qu'il sera découvert et puni de son crime. Et la femme, qui fait tomber du comptoir les mètres de dentelle dont elle désire se parer, ne montre-t-elle pas aussi que sa vue intérieure est bornée, qu'elle est aveuglée sur les conséquences que peut avoir son larcin?

Ce n'est pas assez cependant de prévoir les conséquences de ses actions: il s'agit de se conduire d'après ses prévisions.

En d'autres termes, la mère doit enseigner à l'enfant la substitution des mobiles; elle doit lui apprendre à remplacer un désir inférieur par un désir plus élevé, le plaisir d'un moment par une satisfaction durable, une jouissance physique par une joie morale.

Une dame en visite remarqua un petit enfant qui ne parlait pas encore, mais qui tendait ses petits bras vers la cafetière brillante qui venait d'être déposée sur la table, remplie du breuvage bouillant, «Regardez» s'écria-t-elle, Bébé va se brûler. Le père sourit, ne craignez rien, dit-il, vous n'arriveriez pas, par persuasion ou par menace à lui faire toucher cette cafetière, lors même qu'elle ne contiendrait que de l'eau froide. Il l'a touchée une fois et cela suffit, il sait qu'elle brûle.

C'était un spectacle intéressant que celui des deux forces qui luttaient dans l'esprit de ce petit enfant. Cette surface brillante lui promettait tant de joie, qu'involontairement, ses mains se tendaient et s'approchaient de plus en plus pour la saisir; puis vint le souvenir de la douleur qu'elle lui avait occasionnée et la certitude de celle qu'il éprouverait en la touchant de nouveau, et à mesure que ce dernier sentiment dominait l'autre, les petits bras se détendaient, n'apprenait-il pas ainsi l'empire sur lui-même, la résistance à un acte à cause de ses conséquences?

Plus d'une mère, quand son petit enfant commence à pouvoir se transporter d'un lieu à un autre dans la maison, enlève tous les obstacles et a surtout soin de mettre hors de sa portée les choses qu'il pourrait casser ou gâter d'une manière quelconque.

Une dame regardait un jour avec effroi son bébé s'avancer vers la table où était dressé un joli service à thé. La nappe qui pendait tout autour était à proximité de l'enfant qui naturellement jetait un oeil de convoitise sur ce joujou qu'il pourrait tirer à lui.

Vais-je enlever toutes mes jolies tasses? se disait-elle, pour les empêcher d'être brisées; ou bien n'y a-t-il pas là une leçon que bébé doit apprendre? Après avoir réfléchi un moment, elle retira sa porcelaine et ne laissa sur la table que la nappe qui pendait et une timbale remplie d'eau.

Bébé s'avança et tira de toute ses forces ce qu'il regardait comme un jouet fait pour lui. Soudain, il reçut comme un déluge d'eau qui l'inonda.

Naturellement, il cria, plus de peur que de mal; désormais la crainte de tout accident avait disparu. La table pouvait se charger des choses les plus fragiles sans être menacée par les mains du petit destructeur.

Toutes les fois que nous pouvons suivre l'exemple de cette mère et provoquer une punition naturelle comme conséquence d'une action mauvaise ou d'une petite sottise, nous donnons à notre enfant une idée de cause et d'effet, et une leçon d'empire sur lui-même.

Dans la première période de sa vie, l'enfant doit être contraint par la mère, mais de telle manière qu'il apprenne à se vaincre lui-même.

Un petit garçon persistait à venir à table avec ses mains et sa figure sales, quoiqu'il fût chaque fois renvoyé pour les laver. Un jour qu'il se présentait sans avoir accompli cette opération, la mère lui dit: Comment oses-tu venir à table avec des mains et une figure malpropres, quand je te renvoie pour cela presque tous les jours?

«Tu sais, maman, répondit l'enfant, je pensais que peut-être tu oublierais!»

Il nous faut compter avec cette tendance de l'enfant. Il espérera toujours que nous pouvons oublier, surtout s'il nous est arrivé, ne fût-ce qu'une seule fois, de manquer à notre parole.

J'entendis un jour mon fils causer avec un de ses camarades, et je considère ce qu'il dit alors comme le plus grand compliment que j'aie jamais reçu.

Le camarade insinuait: Peut-être ta maman oubliera-t-elle cette fois-ci?

Maman n'oublie jamais, répondit mon garçon.

Une petite fille qui était assez heureuse pour avoir une mère dont la parole était inflexible, fût un jour questionnée par une de ses compagnes qui lui demanda: N'as-tu pas tourmenté ta maman pour obtenir cette permission? La fillette la regarda tout étonnée. Elle ne savait pas ce que tourmenter voulait dire.

Dans ce grand effort, nous devons apporter à nos enfants toute l'aide dont nous sommes capables. Il n'en est pas de plus efficace que l'exemple du père et de la mère.

L'autre jour, je vis une mère dont le petit enfant était tombé, le relever avec colère et lui appliquer un soufflet sur chaque joue. Comment une telle mère peut-elle développer chez son enfant la domination sur ses mauvais penchants?

Cet empire sur soi-même est d'autant plus appréciable si l'esprit est naturellement vif, impressionnable, impulsif. Dans l'école que je fréquentais, nous avions un professeur de caractère violent, il fallait peu de chose pour exciter sa colère, nous le voyions trembler, pâlir; puis il nous tournait le dos et regardait par la fenêtre; au bout de quelques instants, il revenait vers nous et reprenait tranquillement son travail. Le voir se dominer ainsi était une merveilleuse leçon pour ses élèves.

La famille, l'école, la société, les amis: tous devraient être des aides dans ce grand combat, mais par-dessus tous la mère est la force dirigeante, le secours constant.
Pour employer le langage des garçons, c'est elle qui tient la raquette et conduit la balle de la vie dans le chemin que l'enfant doit parcourir.

Trop souvent, il arrive que les parents mettent des obstacles sur le chemin. Ils donnent aux enfants une place prépondérante, ils semblent ignorer que l'esprit de subordination est ce qui leur convient. On doit leur enseigner l'ordre, la ponctualité, l'esprit de suite, non seulement à cause de la valeur de ces bonnes habitudes, mais surtout parce qu'elles exercent la volonté, une volonté sage se substituant aux impulsions naturelles qui les poussent en sens contraire.

Qu'est-ce donc en réalité que il empire sur soi-même?

Parmi les définitions des philosophes païens ou chrétiens nous n'en trouvons pas de meilleure que celle de cette petite fille à laquelle on avait recommandé de se souvenir du texte du sermon pour le rapporter à la maison. La prédication était sur ces paroles: «Je tiens mon corps assujetti»; mais lorsque la fillette fut interrogée, elle répondit naïvement: Je tiens mon âme en haut.









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