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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
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RETOURDes égards Ce sont les ornements de la vie familiale; ils lui communiquent une teinte de poésie. Inférieurs aux qualités morales proprement dites, ils n'exercent pas moins sur les rapports mutuels des membres de la famille et sur leur caractère une action lente et profonde. Leur présence colore l'existence, leur absence froisse. De là l'importance d'habituer nos enfants à avoir des égards; nous ne leur donnerons pas la première place dans nos préoccupations pédagogiques, nous ne voudrons pas exiger de nos enfants toutes les vertus à la fois, mais nous nous souviendrons que dans ce domaine comme dans d'autres on «prend des plis», et que nous pouvons peut-être sans beaucoup d'efforts, orienter nos enfants vers des habitudes qui auront une influence sur leur bonheur et celui des autres. Mais comment créer ces habitudes? Rien n'égale en éducation les leçons de choses. Que nos enfants voient donc leur père et leur mère avoir des égards l'un pour l'autre: pourquoi dans tant de ménages relègue-t-on les prévenances, les paroles gracieuses, les légers services, les actes d'urbanité, au temps des fiançailles et les voit-on disparaître à mesure que les années engendrent l'accoutumance conjugale? St Pierre recommande aux maris d'avoir «des égards» pour leurs femmes; les petits cadeaux, dit un proverbe, entretiennent l'amitié, les délicatesses de coeur, pourrait-on dire, entretiennent l'amour. Les parents de même ne sont pas dispensés d'avoir des égards pour leurs enfants; il ne s'agit pas là sans doute de les gâter par l'indulgence, de les affaiblir en flattant leurs aises ou leur amour-propre; mais pourquoi dans bien des cas écraser un sentiment, comprimer une aspiration, rudoyer ou brusquer son enfant, lui refuser parce qu'il est enfant ce qui lui est dû en tant qu'homme, ordonner sans aménité? Un être parce qu'il est jeune a-t-il moins besoin d'être respecté? Que notre tendresse pour eux sache donc nous inspirer à leur égard cette simple politesse qui a sa source dans le coeur, et qu'ils nous voient agir envers eux comme nous agissons envers d'autres. Nous mettrons ainsi du soleil dans leur vie, ce soleil qui réchauffe et épanouit. Qu'ils nous voient enfin nous-mêmes avoir des égards pour tous nos semblables: Si vis-à-vis de domestiques, d'employés, de compagnons de route en voyage, ils perçoivent de notre part paroles hautaines, timbre de voix cassant, injustice dans les détails de nos exigence ou de nos prétentions, renonçons d'emblée à leur enseigner les égards. Il n'y a pas dans le monde que les singes qui soient doués de l'esprit d'imitation. Cependant l'exemple ne suffira pas: il devra appuyer la parole. Nous rendrons attentifs nos enfants aux égards qu'ils doivent: à nous mêmes tout d'abord; nous réprimerons les entrées bruyantes et sans gêne dans la salle de famille, les interruptions, une façon arrogante ou naïvement égoïste de prendre ses aises, nous ferons ôter la casquette ou poser le cigare; le père, en particulier n'admettra vis-à-vis de la mère, aucun manque d'égards: souvent les jeunes gens y sont facilements enclins; plus tard ils comprendront leur rôle, rôle chevaleresque de l'homme dont la tendresse et la force sont l'appui de celle qui lui a donné la vie; mais pour qu'il la respecte homme fait, il faut que jeune homme il ait appris à voir pratiquement en elle soit la femme soit surtout sa mère. Si facilement l'indépendance naissante, l'orgueil intellectuel, l'instinct de la prétendue supériorité masculine risquent de prédominer en lui sur l'affection sincère du coeur, et de lui faire occuper une position qui n'est pas la sienne; malheur au père indulgent et faible qui manquerait au devoir de réprimer toute atteinte par ses fils ou ses filles au respect qu'ils doivent à leur mère. Parfois la remise à l'ordre immédiate sera opportune; d'autres fois nous nous souviendrons du tact, de la grâce en même temps que de la fermeté avec laquelle Jésus s'adresse au pharisien Simon (Luc. 7, 44-46.) et dans un entretien après coup nous suivrons envers nos enfants la même marche. Nous exigerons de même des égards des frères vis-à-vis des soeurs; et dans «les filles» nous ne leur permettrons pas de commencer à mépriser «la femme». Nous exigerons des égards de la part des aînés, même vis-à-vis des cadets; nous les exigerons vis-à-vis des domestiques, en paroles et en actes. La présence dans le cercle de famille de parents âgés est un précieux secours pédagogique en créant pour nos enfants une obligation toute naturelle et volontiers subie de se gêner, de rendre service et de ne pas laisser libre cours à leur exubérance. Telle circonstance même, qui à beaucoup de points de vue constitue une douloureuse épreuve, la maladie d'un père, la présence d'un frère ou d'une soeur infirme, peut se révéler comme une source de bénédictions, en donnant l'occasion de penser aux autres et d'agir pour eux; elle développe les qualités du coeur. Eveillé ainsi dans les relations intimes de la famille, le sens des égards se portera peu à peu sur les autres relations sociales: nous userons de toute notre influence pour faire naître chez les jeunes le respect de la personne humaine en général, la considération pour les droits et les opinions des autres; nous nous montrerons les ennemis de l'esprit de parti en politique et en religion; et élargissant leur horizon nous les rendrons attentifs, à côté des égards individuels aux égards collectifs et sociaux dus par les hommes les uns aux autres. Nous nous efforcerons de pratiquer sous leurs yeux la parole de Jésus: «Tout ce que vous voulez que les hommes vous fassent, faites-le-leur aussi de même», nous le leur enseignerons et leur montrerons dans ce commandement la réalisation à la fois de la justice et de l'amour. Enfin dans ce domaine-là comme dans d'autres attendons beaucoup du temps et de l'expérience de la vie, tout en faisant ce qui est en notre pouvoir. Il y a, à mesure que nos enfants avancent en âge, des horizons qui s'ouvrent, des lumières qui s'allument et parfois, nous constaterons avec surprise tel progrès qui se réalise de soi-même pour ainsi dire, sur un point qui avait été de notre part l'objet d'efforts demeurés vains en apparence. |
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