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Comment amener nos enfants au sentiment de l'humiliation?
L'éducation de nos enfants repose sur l'éducation de nous-mêmes; car il faut qu'ils sentent vivre en nous les sentiments que nous désirons leur inspirer. C'est ainsi que nous n'éveillerons leur conscience que s'ils voient journellement que nous obéissons à la nôtre. Que jamais ils ne puissent se dire: «Les obligations morales qu'on impose sont valables tant qu'on est petit; mais les grandes personnes s'en affranchissent». Si donc nous désirons les voir s'humilier, ils ne doivent pas croire que nous-mêmes nous nous dispensons de l'humiliation. Nous reconnaîtrons ouvertement devant eux que nous pouvons pécher et que, comme tous les hommes, nous avons besoin du pardon. Nous ne le reconnaîtrons pas seulement en général, mais si dans tel cas particulier nous avons en leur présence commis une faute (impatience, médisance ou autre), nous nous en accuserons et le regretterons devant eux sans mauvaise honte. Il ne faut pas qu'ils puissent trouver leur conscience supérieure à la nôtre, parce qu'elle condamnera une chose que notre conduite semblera légitimer, ce qui risque de fausser leur sens moral. Reconnaître ses fautes n'est jamais une petitesse: par là, au contraire, se manifeste la sincérité de la vie morale. Nous ne pouvons pas exiger que nos enfants s'humilient s'ils ne nous voient pas le faire (par exemple en cas de tort de leur père vis-à-vis de leur mère, ou vice-versa).
On en revient toujours à ce principe, «être dans le vrai», les parents sont des hommes et comme tels, ils sont exposés à pécher, c'est là un fait qui s'impose; ils sont des chrétiens, et comme tels, ils condamnent leur péché et rompent avec lui; c'est là l'attitude qui leur convient. Cette attitude d'humilité, bien loin d'ébranler la confiance que nos enfants ont en nous développera en eux le sérieux moral et les encouragera dans leurs luttes.
La question se complique lorsqu'il y a eu de notre part erreur ou tort vis-à-vis des enfants eux-mêmes. Distinguons l'erreur et le tort: les parents doivent être les représentants de la vérité, il ne doit donc y avoir en eux aucun compromis avec l'erreur, si donc nous nous sommes trompés dans une enquête, dans une accusation ou une punition, reconnaissons-le toujours, car il n'y a rien de plus dangereux, de plus révoltant, de plus apte à fausser le jugement, que de se refuser à reconnaître la vérité.
Si des parents ont eu un tort vis-à-vis d'un enfant, doivent-ils lui en demander pardon? peut-être cette expression est-elle trop forte, nous ne leur devons pas compte de notre conduite, mais reconnaître notre tort, nous en accuser et leur en témoigner du regret, nous le devons. Faisons-le franchement, virilement, carrément, mais brièvement. Ne discutons pas notre conduite avec l'enfant ou le jeune homme, et ne lui permettons pas d'abuser de la situation: notre humiliation doit lui manifester notre absolue volonté du vrai et du bien, mais il n'a pas à en conclure à une supériorité de lui sur nous; s'il prenait cette attitude, maintenons notre position et réprimons d'un mot cette usurpation.
Et maintenant, comment amènerons-nous nos enfants à s'humilier de leurs fautes?
«L'humiliation, disait une femme chrétienne, est la voie royale»; elle est la condition du relèvement et du progrès; que de développements spirituels ont été arrêtés parce que l'humiliation a manqué, ou ont suivi une marche anormale parce qu'elle était absente à la base. Par l'humiliation, l'homme coupable se replace dans le vrai, par elle se rétablit la justice. Nous devons donc désirer qu'elle ne demeure pas étrangère à nos enfants; mais elle ne peut être imposée du dehors, nous pouvons projeter la lumière sur la conscience, le Saint-Esprit seul crée l'humiliation.
Aussi n'est-il pas possible de faire dépendre notre conduite vis-à-vis de nos enfants fautifs de leur humiliation: si elle ne se produit pas par l'aveu et le repentir, nous rétablirons la justice par la loi; puis la réprimande ou la punition passée, nous reprendrons franchement les relations normales avec eux: si leur faute consiste en un tort vis-à-vis d'un tiers, il pourra être bon d'obliger un jeune enfant à demander pardon; ce pourra n'être qu'une forme, sans doute, mais qui ne sera pas sans fruit.
Nous chercherons cependant à éveiller l'humiliation: un entretien dans le calme, une fois les passions éteintes, y réussira peut-être. Si le tort a été envers nous et que l'enfant ne semble pas s'en douter, il se pourra que nous jugions à propos d'observer une attitude de froideur à son égard; mais n'en abusons pas; que ce soit non pas une punition, mais un moyen d'éveiller l'attention, de provoquer une question qui nous donnera lieu d'exposer le cas particulier; prolonger cette attitude créerait une situation impossible et nous conduirait à une impasse. D'ailleurs, ainsi que le développe M. St-Marc de Girardin dans son étude sur Rousseau, il est dangereux, en éducation, de se servir de la sensibilité comme de principal moteur; y faire appel sera une force; abuser de cette corde deviendrait une faiblesse.
Parfois un enfant cherche à échapper à l'humiliation par des tentatives extérieures de réconciliation; à nous d'avoir du tact; parfois nous accepterons ces avances lorsque nous discernerons un véritable mouvement de conscience qu'on cache sous de la timidité; et une réponse sentie, un baiser, rétabliront réellement l'ordre; d'autres fois, nous ne laisserons pas notre enfant se donner le change à lui-même, et là où le repentir n'a pas rétabli la justice, nous ne voudrons pas de la paix.
Il est dur à l'homme de dire: «J'ai péché»; cela est dur à l'enfant; cela est particulièrement difficile à certaines natures. Ce qui est impossible à l'homme est possible à Dieu; c'est Lui, non pas nous, qui produira l'humiliation dans le coeur de nos enfants. C'est «de Lui que descend toute grâce excellente et tout don parfait» (et quelle grâce n'est pas la contrition du coeur?) Agissons donc par la prière; après avoir extérieurement exercé l'action, revêtu l'attitude, prononcé les paroles que nous jugions nécessaires, recueillons nous dans le secret et, nous étant dépouillés de la confiance en nos propres forces, adressons-nous à Celui dont l'Esprit s'insinue dans les coeurs... et souvent alors nous verrons se produire chez nos bien-aimés enfants des victoires inattendues de la conscience qui nous remueront, nous consoleront, nous réjouiront profondément et qui renouvelleront en nous pour l'avenir, le courage, la confiance, la lumière directrice.
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