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Importance de la première éducation

L'éducation intellectuelle du premier âge ne peut encore consister que dans une préparation à l'exercice du raisonnement. Le secret à cet égard consiste à fixer dans l'esprit de l'enfant des perceptions fugitives; l'essentiel est qu'il recueille des faits qui se gravent dans sa mémoire, et qui puissent fournir un jour des points de comparaison à son jugement.

Mais pour recueillir ces faits, il faut qu'il y prête de l'attention. Le défaut d'attention et le vague qui en résulte dans la tête est l'obstacle que l'on rencontre le plus souvent quand on vient à s'occuper de l'enseignement; cet obstacle serait moins sujet à se présenter si les impressions qu'a commencé par recevoir le petit enfant avaient été nettes et distinctes.

Lors donc que son attention paraît captivée par quelque objet, on doit bien se garder de l'en distraire, car tout ce qui excite son intérêt, tout ce qui devient pour lui un sujet d'observations, sert à son développement.

Mais il faut craindre de redoubler l'intensité des sensations purement matérielles, se rappelant qu'on étourdit et stupéfie l'âme de l'enfant en ébranlant ses faibles organes. Le secouer violemment en le faisant sauter sur les genoux, frapper fortement devant lui sur une table on contre des vitres, c'est user de moyens rudes qui ne font cesser les cris de l'enfant qu'en paralysant son mouvement intérieur.

Le calme intérieur se produit au moyen du calme extérieur; il est donc nécessaire d'épargner des pleurs aux petits enfants. Peut-être les jeunes mères n'étudient-elles pas assez les moyens d'y réussir, et attribuent-elles au hasard bien des cris qui ne sont pas sans cause réelle.

Notre influence sur les dispositions des enfants est si précoce que nous en confondons souvent les effets avec ceux de leur constitution. Les habitudes sont sujettes à se former avec une promptitude singulière et les soins physiques régulièrement donnés en font déjà contracter. Deux évènements se sont-ils immédiatement succédé deux ou trois fois, le premier fait aussitôt naître chez l'enfant l'attente de celui doit le suivre, et il résulte de là une multitude de plaisirs et de peines dont nous sommes les auteurs pour lui. Il y a donc, dès les premiers temps, plus de résultat de l'éducation qu'on ne le pense, la part de la nature est difficile à déterminer.

Le plus sûr, pour une mère vigilante, c'est de supposer toujours que les pleurs sont motivés et, si elle en recherche la cause avec soin, elle trouve bien plus de douleurs fondées qu'elle ne l'imagine.

Un des moyens de les leur épargner sera de mettre, autant qu'il se pourra, de la régularité dans l'ordonnance de leur vie. Quand les mêmes impressions se succèderont dans le même ordre, à la longue les plus pénibles s'adouciront, et l'attente de celles qui sont agréables ne sera pas trompée. Les mécomptes sont extrémement pénibles aux enfants, c'est là une source de larmes amères. Ce sera par conséquent une attention salutaire d'éviter de les rendre témoins des préparatifs de leur repas. Le désir, aiguisé par la vue de l'objet qui doit l'apaiser, devient chez eux d'une vivacité douloureuse. La certitude que ce désir sera satisfait ne les calme point, et l'espérance est alors plutôt une peine qu'un plaisir pour eux.

Avec ces soins et d'autres pareils, on maintiendra chez l'enfant le calme de l'âme, bien immense et facile à perdre, mais le plus nécessaire peut-être à leur constitution morale encore si frêle et si indécise. Les nerfs une fois ébranlés sont longtemps à se remettre, la santé et le caractère s'altèrent également. De plus, il est tout un ordre de facultés, et les plus élevées, peut-être, qui ne croissent et ne mûrissent qu'à l'ombre tutélaire du repos, de la sérénité d'esprit.

La sérénité est un état où règne l'harmonie, où le coeur est en paix avec lui-même et avec tout ce qui l'entoure. Pourquoi cette disposition est-elle aujourd'hui si rare? Pour les grands ce serait une question très complexe: mais pour les enfants nous retrouverons facilement cette disposition dans leur premier âge si nous ne la troublons pas par notre conduite irréfléchie. Un enfant, chez lequel règne une douce sérénité semble bien aise de vivre; voir, respirer, remuer ses petits bras est déjà un bonheur pour lui. Il accueille la nature entière avec reconnaissance, il semble que cette âme nouvelle prenne l'essor et vole au-devant de ses bienfaits; laissons l'enfant se lier avec elle et, tant que son regard plein d'intelligence prouve que son esprit est occupé, ne rompons jamais le cours de ses idées. Gardons-nous de troubler son activité intérieure, elle est plus réelle et plus salutaire que celle qui lui vient de nous. Je crois que bien souvent on agite trop les enfants, l'ennui lui-même naît de l'excès des distractions, les situations calmes sont les seules qui se perpétuent indéfiniment. Plus un enfant a eu de sérénité, plus il en aura, mais il n'en est pas de même de la gaîté. Même avec les enfants qui l'aiment tant, la joie est une habitante passagère; il faut l'accueillir sans doute, mais une fois qu'elle est arrivée, on ne doit pas trop l'animer. Immodérée, elle traîne les pleurs à sa suite; elle ébranle trop fortement les fibres délicates, qui oscillent bientôt après dans le sens opposé.*

En conséquence, il vaut mieux occuper les petits enfants de choses que de personnes, car les choses sont des objets tranquilles qui ne cherchent pas à les agacer, et, avec elles ils font, sans y penser, de nombreuses expériences. Un enfant à six mois, à demi couché dans son berceau et jouant avec ses petites mains, est dans la situation la plus heureuse; il en est de même, à neuf ou dix mois, lorsque, assis sur un épais tapis, il s'amuse à disperser divers objets qu'il cherche à rattraper ensuite. Tandis qu'il joue ainsi, on peut reprendre ses occupations; un regard, quelques signes d'intelligence de loin en loin suffisent à lui dire qu'il est protégé, et sa sécurité est parfaite. Ne trompez jamais un tel sentiment; allez à lui, s'il vient à souffrir ou simplement s'il commence à s'ennuyer; mais en même temps cherchez à lui apprendre ce que c'est d'attendre. Si ce mot: «attends» a toujours exprimé une promesse sacrée, l'enfant comprendra que vous êtes décidé à le secourir, mais que vous avez des devoirs et qu'il doit recevoir vos soins avec reconnaissance mais non pas les exiger.


* Ce danger, car c'en est un, se présente lorsqu'on cherche trop fréquemment à faire sourire les bébés; ménageons leurs nerfs! Avis aux jeunes mères. Réd.









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