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Nos servantes

Il me semble que la manière dont nous traitons nos domestiques influence, de bonne heure et profondément, nos enfants, et c'est pourquoi il ne sera peut-être pas déplacé d'en parler une fois.

Nous connaissons toutes de ces vieilles et dévouées servantes qui, selon l'étymologie du mot, font vraiment partie de la maison; les «fammli» qui étaient assimilées à la famille et qui, par leur dévouement, se faisaient aimer comme un membre de celle-ci, sont de plus en plus rares.

Nous avons, je crois, un peu trop l'habitude de classer les bonnes en deux catégories: celles qui font notre affaire, et celles qui ne la font pas. Nous ne nous préoccupons guère du reste.

N'avons-nous réellement pas de reproches à nous faire, quant à la façon dont nous traitons nos domestiques?... Et pourquoi ce mépris, ce dédain, envers les servantes dont nous avons un tel besoin, nous le savons bien? Ne manquons-nous pas souvent de bonté à leur égard, et cependant, il nous faudrait tout au moins les considérer comme des êtres humains et chercher à gagner leur affection.

L'enfant est à tout jamais influencé par la façon dont il voit traiter la bonne. En effet, dès qu'il commence à raisonner et à se fair une conscience, dès qu'il pose en lui-même les bases du juste et de l'injuste, la présence constante de la bonne lui impose cette constatation fondamentale, la première, la plus naturelle et la plus grave: les gens ne sont pas tous pareils, il y en a qui commandent et d'autres qui obéissent.

Cette constatation faite, l'enfant observe d'autant plus avidement que, sous certains rapports, il se sent comparable à la bonne, lui qui doit obéir tout comme elle. Et il juge de la quantité de bienveillance, de générosité, d'indulgence, dûes aux gens qu'on emploie, à ceux qui ne sont pas de la famille, aux gens moins bien habillés, moins beaux, moins riches, moins savants que l'on ne l'est soi-même. D'après la manière dont nous traitons notre bonne, l'enfant apprend d'instinct la valeur de l'être humain en général et de la femme en particulier. Cette impression première demeurera, malgré toutes les leçons de morale et les enseignements philosophiques qui pourront suivre.

Les observations de l'enfant auront des conséquences souvent imprévues; il arrivera, par exemple, qu'il prendra secrètement parti pour sa bonne grondée par sa mère. Ou bien, il trouvera que c'est «bien fait», si elle est blâmée et si elle pleure.

Il nous semble donc indispensable, dans l'intérêt des parents et des enfants, aussi bien que dans celui des domestiques, que ces derniers soient heureux chez nous.

Puisqu'il n'y a de la supériorité que dans la bonté, et puisque nous voulons que nos enfants acquièrent cette supériorité et la constatent en nous, soyons bons et indulgents afin de ne pas déchoir dans leur estime. En toute occasion, devant l'enfant qui, tout en jouant, écoute et observe, faisons preuve d'un esprit large, éclairé et juste. Nous avons des sentiments d'équité: soyons donc polis avec la bonne comme avec n'importe qui, puisqu'elle est une personne comme une autre. Pourquoi serait-elle, par exemple, toujours privée de dessert ou d'autres douceurs? Elle fait des travaux pénibles: il faut l'en estimer davantage, car plus la besogne est vulgaire, plus elle a de mérite.

La bonne n'est pas chez elle, n'abusons donc pas de notre pouvoir, observons la juste mesure - chose, hélas! bien difficile! - Soyons quelquefois l'amie de notre bonne; sachons lui adresser en dehors de son service, quelques paroles réconfortantes; n'épargnons pas les encouragements et montrons-lui notre reconnaissance et notre satisfaction, quand elles sont méritées. Mettons-nous un peu plus souvent à la place de la bonne, qui travaille toujours sans répit, et nous deviendrons plus indulgentes. Ayons un peu plus d'amour pour celles qui, toutes jeunes, mangent le pain amer de la domesticité, sans connaître peut-être une amitié vraie, ni goûter une caresse ou un de ces témoignages d'affection qui épanouissent le coeur.

Conseillons à notre bonne de résister aux mauvaises sollicitations qui viennent aussi bien du dedans que du dehors; apprenons-lui qu'il y a une part inévitable d'épreuves dans toutes les situations; consolons-la, réconfortons-la, en un mot aimons-la.

Un grand poète, Lamartine, n'a pas dédaigné de consacrer un de ses chefs-d'-oeuvres à l'histoire d'une servante, Geneviève. Voici la prière que récite son héroïne, aux heures de détresse:

«Nous sommes de toutes les maisons, et les maisons peuvent nous fermer leurs portes; nous sommes de toutes les familles et toutes les familles peuvent nous rejeter; nous élevons les enfants comme s'ils étaient à nous et quand nous les avons élevés, ils ne nous reconnaissent plus pour leurs mères; nous épargnons le bien de nos maîtres, et le bien que nous avons épargné s'en va à d'autres qu'à nous. Le maître meurt et nous n'avons pas même le droit d'être en deuil.

Parentes sans parents, filles sans mères, mères sans enfants, coeurs qui se donnent sans être reçus, voilà le sort des servantes!

Dieu accordez-moi de connaître les devoirs, les peines et les consolations de mon état, et après avoir été ici-bas une bonne servante des hommes, d'être là-haut une heureuse servante du Maître divin et parfait.»

On n'écrit plus ainsi, on ne pense plus ainsi, et c'est regrettable!









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