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RETOURComment développer la force morale chez nos enfants Notre ambition c'est que nos enfants deviennent des personnalités fortes et fécondes. Pour cela nous voudrons développer en eux la force morale: nous voudrons faire des forts, non pour qu'ils dominent par leur force, mais pour qu'ils traversent victorieusement eux-mêmes les luttes de la vie et deviennent pour d'autres dans ces mêmes luttes des soutiens et des appuis. La force morale c'est la force par laquelle notre volonté, orientée vers le bien, est rendue capable de le réaliser. Intimément liée à la volonté, elle en est distincte. Elle est la volonté mise en action, ou plutôt notre force d'action mise au service d'une volonté vraiment éclairée et orientée vers le bien. Comment la développer chez nos enfants? Tout d'abord, nous chercherons à leur en faire comprendre la grandeur, à leur inspirer pour elle du respect, et à faire naître en eux le désir de la posséder: on n'acquiert que ce qu'on désire; pour cela nous leur montrerons la supériorité de la force morale sur la force physique, si estimée de nos jours; si celle-ci inspire la crainte, celle-là provoque le respect: profitant de leurs propres expériences au collège ou ailleurs, nous nous en servirons pour illustrer la parole des Proverbes (16, 32): «Celui qui domine son âme, est plus fort que celui qui prend des villes»; ils comprendront ainsi la beauté d'actes de courage moral, de persévérance dans un travail ardu, de pardon noblement accordé; élargissant leur horizon, il ne nous sera pas difficile de leur montrer dans l'histoire du monde l'action des forces morales surpassant celle des forces physiques ou intellectuelles. Nous leur signalerons le mal que souvent l'on a commis, ou laissé faire par absence de force morale, et nous leur inspirerons l'horreur de la lâcheté: nous leur ferons admirer ce que peut un seul homme, moralement fort, vis-à-vis des coalitions mauvaises. C'est déjà beaucoup d'entrevoir un idéal et d'aspirer à le réaliser, mais ce n'est pas suffisant. Où trouver la force pour cela? Les parents peuvent-ils la faire naître ou la développer chez leurs enfants? Il faudrait d'abord fortifier la santé! Tout se tient dans la nature humaine, car si on a vu triompher la force morale chez des êtres débiles (témoin Calvin ou Vinet), la faiblesse physique entraîne, en général, et plus spécialement chez les enfants, un affaiblissement de la volonté. Tout parent attentif et possédant quelque discernement, a pu le constater en mainte occasion. La comparaison générale des éducations anglaise et française vient à l'appui de notre thèse. Nous lutterons donc dans le domaine de l'hygiène physique contre tout ce qui affaiblit. Nous lutterons de même dans le domaine de l'hygiène morale: nous ne fatiguerons pas nos enfants par une règlementation trop minutieuse et trop serrée; traçons devant eux une ligne de conduite simple et mettons notre fermeté à les y maintenir; ne gaspillons pas leurs forces sur une multitude de détails. Mais le moyen par excellence pour développer la force morale, c'est de l'exercer: devrons-nous, pour cela, créer des occasions factices? Non: le travail inutile et sans but déprime, il ne fortifie pas. Ne singularisons pas non plus nos enfants, ne leur imposons pas, sous le simple prétexte de développer en eux l'indépendance à l'égard du «qu'en dira-t-on», des manières de se vêtir ou de se conduire qui provoquent les moqueries de leurs camarades. La force morale a trois adversaires: l'attrait du plaisir, la paresse et la crainte de l'opinion. Nous combattrons le premier en fortifiant la notion du devoir. Quant au second, nous ne dispenserons nos enfants d'aucun effort utile et ne dépassant pas leurs forces physiques; sachons reconnaître les difficultés, mais n'affaiblissons pas nos enfants en nous apitoyant trop sur eux, n'écoutons pas trop leurs plaintes. S'agit-il d'un devoir de collège ou d'un examen, aidons en faisant travailler et non en dispensant du travail; s'agit-il d'une déception ou d'une contrariété, ne nions pas la souffrance qu'ils en ressentent et montrons notre sympathie, mais ne nous effrayons pas pour eux de cette expérience. Tendons toujours une main virilement secourable; allégeons, facilitons l'effort sur des points secondaires mais maintenons-le avec fermeté sur le point principal. A l'égard de l'opinion publique, cette puissance si subtile qui cause tant de défaillances, nous leur inspirerons la pensée qu'il n'est nullement honteux d'appartenir à une minorité; ne sont-ce pas des minorités, parfois réduites à un seul homme, qui ont fait de grandes choses dans le monde; nous leur montrerons l'oscillation des foules et combien souvent elles couronnent dans la suite ce qu'elles ont honni tout d'abord. Les exemples ne nous manqueront pas et nous éveillerons en eux l'ambition de ressembler à ceux qui ont préféré le témoignage de leur conscience à la faveur de leur entourage. La conscience! Développer la conscience, tel est, en effet, le moyen fondamental, absolument indispensable, pour développer la force morale. Et la source du développement de la conscience, c'est l'action religieuse. Présentons donc à nos enfants la religion comme une force: montrons-leur que les hommes de Dieu ont été des hommes forts; la Bible nous en fournira de nombreux exemples: Joseph, David, Pierre; elle nous donne aussi les exemples d'hommes dont les faiblesses morales ont eu pour cause la séparation d'avec Dieu: Saül, Achab, Hérode, Pilate; aux exemples de la Bible, joignons ceux de l'histoire: Luther, les martyrs et, plus récemment, Oberlin, Miss Nightingale, Mme Butler, beaucoup de membres de la Société de la Croix-Bleue, etc. Si nos enfants arrivent à éprouver le besoin de la religion, par l'expérience personnelle de leur faiblesse, le chemin sera d'autant plus sûr: seulement prenons garde de prévenir cette expérience par nos propres prophéties; ne les décourageons pas d'avance de l'effort en leur annonçant leur incapacité: telle n'est pas la méthode de Jésus (Luc 18, 22; 10,37), il pousse à l'action, quitte à ce qu'en face d'elle l'homme se découvre incapable. Nous indiquerons comme dernière source du développement de la force morale, le contact avec d'autres forces morales, et tout d'abord avec la nôtre. Il faut que nous soyons des forces et qu'ils ne puissent pas découvrir de faiblesse morale acceptée dans notre vie; et si nous nous sommes laissés entraîner à quelque défaillance, sachons le reconnaître et nous en humilier devant eux: ils auront ainsi en nous des aides, semblables à eux, et l'exemple que, par la seule grâce de Dieu, nous pourrons peut-être leur donner, ne les écrasera pas. Montrons-leur enfin que l'exercice actuel de la force morale en prépare l'exercice futur; leur avenir moral sera ce qu'ils le font maintenant. S'ils veulent être forts plus tard, il faut qu'ils le soient dès leur jeunesse. |
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