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Frères et soeurs

Les familles nombreuses possèdent de grands privilèges et celles d'entre nos lectrices qui ont pu les connaître de près, n'hésiteront certainement pas à dire qu'elles constituent le milieu le plus propice pour une saine éducation. C'est là que garçons et filles grandissent pêle-mêle et font ensemble l'apprentissage de la vie; ils y partagent les joies et les tristesses de l'existence familiale et y reçoivent les mêmes enseignements et les mêmes exemples. Leurs tempéraments réagissent les uns sur les autres; les angles de leurs caractères, souvent un peu trop aigus, s'arrondissent et s'effacent et ils apprennent encore jeunes, et par conséquent plus aisément, les leçons de support mutuel et de sacrifice que la vie ne donne jamais sans douleur ni effort.

Reconnaissons cependant qu'un cercle nombreux peut présenter certains inconvénients; chaque enfant, par exemple, ne pourra pas être entouré de la vigilante sollicitude dont il aurait besoin pour le plein épanouissement de sa personnalité. Les individualités très fortes écraseront peut-être les natures plus effacées et timides. Mais que sont ces ombres auprès des bienfaits d'une éducation partagée avec d'autres?...

Cherchons aujourd'hui quelques-uns de ces bienfaits et demandons-nous quelles difficultés spéciales rencontre la mère chargée d'une nombreuse bande.

L'enfant est égoïste. Hélas! je crois qu'aucune mère n'échappe à cette douloureuse constatation. Ses premiers efforts éducatifs devront donc tendre à lutter contre cette tendance de la nature humaine et elle sera puissamment aidée dans cette tâche si le cercle des frères et des soeurs se fait nombreux. Rien ne corrige mieux l'égoïste que la présence d'un autre égoïste - rien, sinon l'exemple de la générosité que pourra lui donner celui qui grandit à ses côtés. Le renoncement des parents ou des amis n'a pas toujours d'heureux résultats pour l'éducation d'un jeune enfant; sa faiblesse le rend tellement dépendant des autres qu'il trouve tout naturel qu'on se sacrifie pour lui. «Tu es plus grand que moi, tu peux bien faire ceci, ou me donner cela!» - Mais quand il s'agit d'un petit comme lui, d'un autre lui-même, l'exemple est incomparablement plus efficace et pénètre dans la conscience plus profondément que les plus belles théories.

La phrase si souvent répétée: «Donne le bon exemple» est riche en enseignements profonds et il ne faut pas craindre de la dire fréquemment. Elle fait pénétrer petit à petit dans l'esprit de l'enfant la notion si importante de la solidarité humaine, il se rendra vaguement compte de la portée de ses actions, de ses paroles et même de ses pensées, et comprendra que tout ce qu'il fait a un contre-coup bon ou mauvais. Suivant son humeur il égaie ou assombrit ses compagnons de jeux; plus tard il influencera ses camarades d'études; nulle part il ne pourra se dépréoccuper des autres ni prétendre que ses actes le concernent lui seul. L'enfant qui a appris ainsi qu'il ne peut échapper à la loi de l'exemple et que - volontairement ou non - il agit sur les autres et leur appartient en quelque sorte, ne commencera-t-il pas déjà à être initié à sa noble tâche d'homme? Et où fera-t-il plus sûrement ces expériences qu'auprès de frères et de soeurs? La vie de famille n'est-elle pas la meilleure préparation à la vie sociale, précisément parce qu'elle oblige l'enfant à reconnaître qu'il n'est pas le centre du monde, mais seulement une parcelle d'un vaste organisme? - Il sera donc beaucoup plus aisé de lutter contre son égoïsme instinctif et de lui révéler la loi de la solidarité s'il doit partager avec beaucoup d'autres tout ce qu'amène l'existence commune sous le même toit.

Mais il ne suffit pas que l'enfant se rende compte du lien profond qui l'attache aux autres. Il doit aussi apprendre le respect de leur individualité et cela ne lui sera pas toujours aisé. En effet, il a de l'absolu un sens impérieux; il ignore la complexité des choses, il n'admet pas qu'il y ait plusieurs solutions pour le même problème et il exige que ce qui est bon et juste pour l'un, le soit aussi pour tous. Or, que de contrastes dans les natures appelées à se développer côte à côte! Les caractères, les tempéraments, les capacités, les santés peuvent varier dans la même famille d'une façon parfois déconcertante, et il est souvent malaisé de les harmoniser. Il me semble que c'est même une des plus grandes difficultés rencontrées par les parents que d'appliquer à chaque nature la méthode dont elle a besoin; à l'une il faudra beaucoup de douceur, à l'autre au contraire une grande fermeté et au travers de ces différents procédés, il importe de faire toujours sentir un esprit de justice et de bonté, sinon bien vite les enfants se plaindront de partialité!

Que de précieuses leçons dues à ce contact incessant de petites personnes souvent fort peu disposées à s'entendre... Bon gré mal gré, il faut vivre ensemble, partager les mêmes occupations, se courber sous la même discipline, et c'est ainsi qu'on en arrive à des concessions réciproques, à des ententes cordiales - voire même à des alliances offensives et défensives! Ceux qui observent des enfants jouant ensemble assistent à des scènes comiques ou touchantes, toujours instructives et qui sont, en raccourci, l'image des relations entre les hommes.

On dira peut-être que les enfants sont beaucoup plus sages quand ils sont seuls et que le contact avec d'autres accentue les mauvais penchants de leur caractère. En apparence on a raison, mais si la solitude empêche les défauts de se manifester, ils n'en existent pas moins virtuellement et ils apparaîtront une fois ou l'autre. Mieux vaut qu'ils deviennent visibles de bonne heure puisqu'alors on peut les combattre.

Un résultat de la vie de famille que je tiens à relever, c'est que, grâce à elle, garçons et filles apprennent que leur sexe ne vaut ni plus ni moins que l'autre. L'égalité dans la diversité: voila l'expérience qu'ils font et qui sera une précieuse sauvegarde contre les tentations et les préjuges que l'avenir leur réserve. L'influence des soeurs adoucit la brusquerie des frères et ceux-ci ont raison de la sensiblerie un peu mièvre des fillettes. Plus tard, au moment de l'adolescence, la sympathie unissant un frère à une soeur peut devenir un bien inappréciable, le rempart qui préservera leur pureté et permettra à leur jeunesse de garder sa flamme et son charme.

Mais il y a de nombreuses précautions à prendre pour que cette pénétration réciproque des sexes devienne bienfaisante et elle exige de la part des parents beaucoup de vigilance, de tact et de sagesse. Ces qualités sont rares, malheureusement, et nous connaissons toutes de ces intérieurs dans lesquels triomphe le principe de la force et où les frères sont préférés à leurs soeurs tout simplement parce qu'ils sont des garçons. Comment des mères peuvent-elles s'écrier: «Tu n'es qu'une fille!» pour reprocher à leur enfant un manque de courage ou une sensiblerie exagérée... Ne se rendent-elles pas compte que ce reproche se transforme en une insulte contre elles-mêmes?... Oh! ne tolérons aucune parole, aucun acte tendant à diminuer le respect dû par un sexe à l'autre. Ce n'est qu'à ce prix que la famille sera véritablement l'école de la pureté.

Jusqu'à présent nous avons surtout parlé des frottements et des leçons de la vie de famille; mais elle apporte encore autre chose et il y aurait long à dire sur les joies si douces, si profondes que connaissent ceux qui ont de nombreux frères et soeurs. Les grands se réjouissent de la présence des nouveaux-venus; leurs progrès, leurs gentillesses, les captivent et les ravissent, et grâce à eux ils connaissent tour à tour la fierté ou la tendresse. Les petits, eux, font d'autres expériences: ils jouissent de la force, de l'adresse et de la science des ainés, que leur faiblesse et leur ignorance transforment volontiers en prodiges. A côté des moments de disputes et de mécontentement - ils sont inévitables -, il y a les heures délicieuses où l'on fait de grandes parties de jeux, où l'on se raconte des histoires, où l'on vibre aux mêmes émotions et aux mêmes enthousiasmes, où l'on a chaud au coeur parce qu'on se sent entouré d'êtres qui nous aiment et que l'on aime.

Quelle gerbe précieuse de souvenirs remplit le coeur de ceux qui ont eu leur enfance enrichie de l'enfance d'êtres chéris... Et quand, plus tard, la vie se fait grave, quel bienfait que la présence sur notre sentier de frères et de soeurs qui s'associent aux circonstances de notre existence et prennent leur part du fardeau! Avec les années l'intimité ne fait que grandir, elle triomphe des distances, elle adoucit les épreuves, elle enrichit le coeur et l'âme jusqu'au seuil du tombeau.









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