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Mensonges*
La véracité a une importance capitale, fondamentale, toute autre mauvaise tendance est préférable à celle de la fausseté. Un enfant chez qui elle a été tolérée, risque beaucoup d'être un homme perdu. Dieu est lumière: (voir tant de paroles bibliques sur la véracité, sur les hommes droits.)
Il est d'autant plus nécessaire de fortifier la conscience de l'enfant sur ce point que le mensonge est plus répandu dans la vie sociale. Comment éveiller en nos enfants le besoin de pratiquer une entière franchise?
Avant de nous préoccuper du traitement des cas particuliers, rappelons-nous que ce traitement importe moins que l'atmosphère morale dans laquelle nous faisons vivre notre entourage, et nous, parents, vivons avant tout, nous mêmes, dans le vrai; n'admettons en nous aucun compromis avec le faux. Cela semble élémentaire, et cependant n'y a-t-il pas souvent un contraste regrettable entre la véracité exigée des enfants et tel accroc donné à la vérité par les parents, par politesse ou par intérêt?
Dans toute notre conduite montrons à nos enfants l'important ce que nous mettons à la véracité; revenons souvent sur ce sujet dans nos conversations, combattons chez eux l'esprit d'exagération auquel quelques-uns sont enclins.
On ne saurait trop insister, en éducation, sur le rôle du milieu moral que l'on crée autour des jeunes âmes: il faut qu'elles respirent le bien autour d'elles, et non pas seulement qu'elles y soient rendues attentives dans des cas particuliers: les vrais médecins ne traitent pas telle ou telle maladie de leurs clients, ils veillent aussi à la santé générale de ceux-ci, sachant que le succès du traitement spécial en dépend. - Notre éducation tout entière tendra donc à éveiller et à développer en l'enfant la confiance en nous; il faut qu'il se sente aimé et compris. Prenons garde de ne pas montrer une trop grande sévérité dans la répression des fautes de notre enfant, la frayeur pousse à la dissimulation. Se sentant aimé et compris, l'enfant n'aura pas peur de nous mettre au courant de sa vie intérieure et extérieure, il n'éprouvera aucune envie de nous tromper. Sachons aussi discerner les dispositions naturelles de nos enfants dès leur bas âge; pour cela, les observations des autres frères et soeurs peuvent nous être utiles et nous révéler, grâce à l'intimité de leur camaraderie, telle tendance que nous n'avions pas discernée, et, sans favoriser en eux le «rapportage», nous pouvons être éclairés par leurs propos. - Les caractères sont variés: il y a des natures à la fois fortes et franches; en voulant les adoucir, ne déprécions pas ce second trait; d'autres natures, plus sympathiques peut-être dans leur douceur, sont faibles, et par là, portées sinon à mentir, du moins à «économiser la vérité»; un garçon, conscient de cette faiblesse, s'accusait de «petits contours», le mot est juste. Rendons-les excessivement attentifs à cela. Ne nous laissons pas séduire par ce que ces natures ont de sensibilité, de grâce attrayante; et obligeons-les sans nous lasser à sortir de toute illusion et à se placer dans le vrai. Cette tendance, qui, tout en étant d'ordre moral, peut trouver ses racines dans une certaine tournure imprécise de l'esprit, ne saurait être indifférente à quiconque en comprend les dangereuses conséquences, aussi bien pour la carrière future d'un enfant dans le monde, que pour sa vie intérieure personnelle.
Allons plus loin: nous nous trouverons parfois, trop souvent, hélas! en face du mensonge positif. Que faire pour le bien de nos enfants? Prenons garde tout d'abord de constater avec sûreté: l'évidence apparente de la faute peut, surtout avec de jeunes enfants, ne pas correspondre à la réalité; tel mot, le nom de tel objet, n'a pas pour eux le même sens que pour nous; des exemples seraient trop longs à citer ici, mais celui qui écrit ces lignes a dû plus d'une fois constater que si les faits semblaient fournir la preuve d'un mensonge, l'enfant n'en avait cependant pas été réellement coupable. Avec quel regret nous découvririons après coup avoir été injustes! et quel froissement fâcheux pour la conscience de notre enfant!
Il peut aussi planer de l'incertitude sur la faute. Le mensonge n'est pas établi; notre esprit est dans un doute douloureux. Comment amener l'enfant à un aveu, s'il y a lieu, sans lui donner l'impression d'un soupçon? Par une question directe, calme, précise, sérieuse et affectueuse. Acceptons la réponse et tenons-nous y. Que l'enfant sente qu'on le croit. La confiance provoque la véracité. S'il a dit vrai, il sera heureux de voir qu'on a cru à sa parole, sinon sa conscience le troublera et le poussera à un aveu. Quant à nous, nous devons supposer le bien, mais si après cette réponse nous sommes douloureusement forcés de douter encore, gardons notre soupçon pour nous et ayons avec l'enfant une attitude naturelle. Prions d'abord, prions le Dieu qui est lumière, qui sonde les coeurs, qui remue les consciences, le Père Céleste dans la communion duquel les parents terrestres ont à agir toujours. Renseignons-nous, contrôlons, allons au fond de l'affaire: nous lui ferions le plus grand tort en laissant le coupable nous avoir menti: «Affaire de collège», emploi du temps ou de l'argent nous ne devons jamais sous prétexte de charité paternelle être dupes par paresse.
Lorsque la conviction de la culpabilité de l'enfant s'est imposée à nous par des preuves irréfragables, reprenons alors l'affaire en face, avec lui. Ne l'écrasons pas par le mépris ou par la violence; visons à sa conscience, et faisons tous nos efforts pour l'éveiller; que l'enfant comprenne, au sérieux de notre parole, qu'il s'agit de la base de sa vie morale; qu'il sente à la tendresse affligée de notre attitude que nous voulons son bien. Si le mensonge est prouvé, appliquons la plus forte punition; maintenons-la, même si la faute est avouée, tout en reconnaissant la valeur de cet aveu; la conscience de l'enfant la réclamera, et, s'il est donné avec sérieux, le châtiment ne le poussera pas à dissimuler une autre fois. Il faut l'infliger de telle sorte que l'enfant voie que nous nous sentons obligés d'agir ainsi.
Si nous avons à poursuivre le mensonge comme le pire ennemi de la vie morale de nos enfants, nous avons aussi à les garantir contre des soupçons qui reposeraient injustement sur eux. Si le cas s'en présentait, nous aurions le devoir de tout faire pour les disculper, et pour ne laisser à aucun prix peser sur eux une accusation qui ne pourrait que les déprimer et décourager leur effort vers le bien. Dans le cercle de famille nous n'admettons pas non plus les accusations de mensonge lancées à la légère par les frères et soeurs entre eux, ni l'épithète de «menteur» appliquée sans pitié, ni réflexion; nous leur ferons comprendre qu'un mensonge est chose trop grave et l'impression qu'il provoque trop douloureuse, pour qu'on traite légèrement ce qui s'y rapporte.
Adressons, en terminant, un mot aux parents affligés par les chutes de leurs enfants, et douloureusement anxieux en les voyant pactiser avec la fausseté. Il y a par rapport à ce péché-là comme par rapport à d'autres, des passes dans la vie de nos enfants, c'est-à-dire des périodes où ils semblent dominés par l'esprit de mensonge. Soyons vigilants pour les entourer, fidèles pour faire leur éducation, mais ne désespérons jamais: sous l'action de l'Esprit de Dieu telle disposition peut être vaincue avec son aide, le temps peut la faire disparaître, et tel enfant qui a donné de l'inquiétude à l'égard de la droiture, se montre ensuite animé d'une scrupuleuse véracité, Fidélité et courage!
* Ces pages ont été écrites en vue d'une causerie pour une réunion de mères.
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