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Correspondance
A la question parue dans notre dernier numéro, nous avons reçu plusieurs réponses. Nous regrettons de ne pouvoir, faute de place, les insérer toutes, et d'être obligées d'abréger celles que nous publions ci-dessous.
"Comment apprendre aux enfants la valeur de l'argent?"
I. En leur faisant voir de près, ou en leur montrant comment on peut secourir les pauvres. En leur expliquant que le papa doit travailler pour gagner de l'argent et acheter à sa famille de la nourriture, des vêtements, etc.
Est-ce bien de récompenser un travail bien fait ou un bon bulletin d'école par de l'argent? Oui, une fois que l'enfant a saisi tout le bien que l'on peut faire avec de l'argent.
Jusqu'à quel point, est-il moral de "payer" pour ainsi dire les enfants pour n'avoir accompli que leur devoir?
Paiement et récompense sont deux choses très différentes. Récompenser est presque synonyme d'encourager.
D'ailleurs ainsi en agit le Seigneur à notre égard; lorsque dans sa miséricorde Il nous récompense, n'est-ce pas à peu près toujours pour n'avoir accompli que notre devoir? De bons parents, plus que tout autres ne sont-ils pas tenus d'être "les imitateurs de Dieu" (Eph.5,1).
L'idée d'une tirelire est excellente, soit en faveur des missions, soit pour un cadeau à une personne aimée, ou en vue de s'acheter plus tard un objet utile, et d'apprendre ainsi à économiser.
Cependant il faut se garder de négliger l'autre côté de la question; il faut s'efforcer de faire comprendre aux enfants que "l'amour des richesses" est une offense envers Dieu, en leur expliquant, selon leur âge, 1 Tim. 6, 10. et d'autres passages sur ce sujet.
II. A l'égard de mes enfants j'ai toujours eu de la répugnance à la pensée de récompenser par de l'argent un effort de volonté pour accomplir simplement son devoir. Il me semblait que je rabaissais, dans leur esprit, le sens de ce mot devoir, que je lui ôtais son austérité, et leur inculquais l'idée fausse qu'une récompense suit toujours le bien que nous nous efforçons de faire. A ce taux-là qui ne voudrait pas faire son devoir?
Je conclurai donc qu'un bon carnet doit être récompensé par le plus tendre des baisers, par la joie que l'enfant lit sur la figure de ses parents, de temps en temps par un plaisir, mais que l'argent doit être complètement laissé de côté.
D'autre part il est bon que les enfants aient de l'argent et apprennent à s'en servir. Pour cela il me semble que le moyen le plus simple est de leur donner, régulièrement chaque semaine une petite somme qu'on augmente avec l'âge, et qui leur impose certaines obligations; celles, par exemple, de remplacer leurs crayons toujours finis, leurs plumes toujours cassées ou leurs gommes perpétuellement égarées, obligations qui grandiront en proportion de la somme reçue. Si pour avoir mal dépensé leurs sous ils sont privés d'objets qui leur sont nécessaires, si cela lotir cause un désagrément quelconque, ils apprendront plus par ce fait que par de longs discours de notre part.
Je n'oublie pas qu'il faut aussi apprendre à nos enfants à donner aux pauvres, à ceux qui souffrent, aux missions, à leurs parents et amis. Nous y arriverons sans trop de peine, si longtemps avant le moment où ils auront des sous dont ils pourront disposer, nous les rendons attentifs à ce qui se passe autour d'eux, aux choses pour lesquelles nous aimons à donner, au plaisir que peuvent faire les moindres cadeaux et même en les rendant actifs en quelque sorte en donnant pour eux, "en attendant que tu puisses le faire toi-même" leur dirons-nous.
III. Il ne m'a pas été difficile de résoudre la première de ces questions en entendant, parler d'une famille chez laquelle le système de payer les enfants sages est très en honneur.
Le père a établi un tarif répondant aux besoins de tous les cas. En regard de tous les genres de récompense ou de punitions qu'un enfant puisse mériter se trouve un prix. Chaque enfant a son carnet: le père tient sa comptabilité avec une exactitude des plus rigoureuses. Selon qu'il a été obéissant, bien noté, travailleur, l'enfant reçoit une petite somme, tandis que s'il est paresseux, menteur, obstiné, il paie à soit père un certain nombre de centimes. Aussi un de ses garçons disait-il un jour à un ami: "Je puis bien me payer cette sottise, elle ne me coûtera que dix sous !" A chacun d'établir son tarif suivant ses revenus !...
Des parents aimant leurs enfants avec intelligence n'emploiront certainement pas ce moyen. Un père doit et peut exiger obtenir tout de son enfant sans lui faire espérer une récompense, sans le menacer d'une punition. L'enfant doit obéir tout simplement parce qu'il le faut. Sa meilleure récompense est la joie qu'il procure à ses parents. Le seul moyen d'atteindre ce but est d'avoir pour nos enfants, et de leur inspirer, une profonde affection et une confiance absolue. Il faut leur faire sentir qu'on n'agit que dans leur intérêt moral, pour leur bien, et qu'ils comprendront eux-mêmes un jour ce qui peut leur paraître aujourd'hui injuste, même cruel, on tout au moins fort ennuyeux. Dieu n'agit-il pas lui-même ainsi à notre égard?...
Il est très sage d'apprendre de bonne heure aux enfants la valeur et l'utilité de l'argent. Pour cela il est avant tout nécessaire que l'enfant, très jeune, ait un peu d'argent entre les mains. On peut lui donner régulièrement tous les mois ou toutes les semaines une petite pension proportionnée à son âge et à ses besoins sans que cela ait aucun rapport avec ses bonnes ou ses mauvaises actions. Mais ce qui me parait de beaucoup préférable, c'est de lui faire gagner son argent par de petits travaux matériels, n'ayant rien de commun avec les devoirs obligatoires, travaux qu'on ne lui propose qu'à titre facultatif et pour lesquels en ne compte pas du tout sur lui, afin qu'il conserve son entière liberté d'action (tels que le jardinage ou autres occupations ménagères : faire son lit, cirer ses souliers.)
On doit aussi lui laisser une liberté absolue pour l'emploi de ses modestes rentes. On peut facilement lui donner une idée de la valeur de l'argent par de fréquents et intimes entretiens, dans lesquels la mère lui fait entrevoir ce que coûte de soucis et de labeur au père, la vie matérielle de sa petite nichée. On peut également l'amener à faire des emplettes utiles, ou bien encore lui montrer qu'avec une petite somme on peut procurer momentanément le nécessaire à une famille dans l'indigence. Il apprendra seul à pratiquer l'économie et l'épargne afin d'arriver à posséder la somme nécessaire pour acheter un objet longtemps convoité; il pensera aussi aux autres et connaîtra qu'il y a plus de joie à donner qu'à recevoir.
IV.Je trouve qu'il est absolument nécessaire que les enfants aient quelque argent à eux, afin qu'ils apprennent, non pas à l'aimer, mais à l'apprécier et aussi à le bien dépenser. Mais ici, tout le monde est à peu près d'accord. Par contre, plusieurs mères affirment énergiquement qu'on ne doit pas récompenser par de l'argent un bon carnet d'école. Eh bien je ne comprends pas pourquoi cela serait si mauvais . Pour moi, je donne à chacun de mes enfants dix centimes par semaine, lorsque leurs notes sont bonnes; il est vrai que c'est avec l'idée qu'ils aient aussi régulièrement que possible cette petite somme, mais je ne me suis pas aperçue que cela leur ait fait aucun mal. Quand on m'a signalé un danger possible dans cette manière de faire, je leur ai dit: "Que diriez-vous si je ne vous donnais plus d'argent pour vos bonnes notes?" Et ils ont répondu: "Oh! maman, ce n'est pas pour cette raison que nous aurions de mauvaises notes; ce qui nous ennuierait c'est de ne plus pouvoir donner pour nos esclaves." Avec cet argent ils donnent chaque semaine le sou pour la Société suisse de secours pour les esclaves libérés et les aînés ont en plus vingt centimes par mois pour l'Espoir. ( 1)
La semaine dernière deux de mes enfants ont gagné par extraordinaire, 0,75 centimes en allant au tir ramasser les douilles de cartouches. En rentrant l'un d'eux m'a offert 0, 50 centimes pour les dépenses du ménage et l'autre a mis de côté son gain pour acheter un cadeau d'anniversaire.
Une chose essentielle est que les enfants n'emploient pas leur argent à des choses inutiles. Beaucoup de mères trouvent bon de payer aux enfants les services qu'ils leur rendent, ceux du moins qui procurent une économie. Mais, mes enfants sont appelés à me rendre très souvent de tels services, trop souvent pour qu'il soit question de les rétribuer, vu que cela irait trop loin. Du reste jusqu'à présent ils l'ont fait volontairement et je craindrais qu'en payant un service quelconque, ils crussent faire quelque chose d'extraordinaire ou en dehors de ce qu'on pourrait appeler leur service raisonnable.
(1) Société de tempérance pour la jeunesse.
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