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Princes

Les deux enfants Viret qui faisaient partie de ma classe, Pierre et Louis, des jumeaux de 11 ans, ressemblaient, sans doute, à la plupart des enfants de leur âge; c'étaient des garçons vifs, malicieux, turbulents, aimant le jeu plus que le travail. Mais, à plus d'une reprise, je les avais entendus désignés par leurs camarades sous le sobriquet de «Princes»; leurs vêtements usés, leurs tabliers rapiécés et fanés, n'avaient certes rien de princier; leurs allures pas davantage! D'où pouvait donc leur venir ce surnom? C'est ce que je me demandais, à l'instant même où la porte de Mme Viret s'ouvrit pour livrer passage à mes deux élèves.

«Bonjour, Mlle Marie! Maman, voilà Mlle Marie qui vient te voir.» s'écrièrent-ils tous deux ensemble.

«Et où donc allez-vous si joyeusement, mes enfants?» demandai-je.

«Patiner, Mlle Marie, nous allons très loin, à Belle Fontaine, et nous y resterons toute l'après-midi jusqu'à six heures.»

Et mes deux garçons, impatients, s'élancèrent dans l'escalier, après avoir gentiment soulevé leur bonnet.

Sur l'invitation de Mme Viret, j'entrai dans la cuisine. C'était une femme jeune encore, à l'expression douce et bienveillante, dont le son de voix avait quelque chose de décidé qui commandait le respect. Ses vêtements, comme ceux de ses enfants, trahissaient un long usage mais la mise était si propre et si soignée que rien en elle n'inspirait la pitié.

«Il faudra que vous me révéliez votre secret, Mme Viret,» lui dis-je en entrant.
Comment faites-vous avec vos quatre garçons et votre petite fille, pour trouver le temps de soigner tous les vases à fleurs que je vois là sur cette planche, et de nourrir encore ces deux oiseaux?»

Mme Viret, qui repassait, posa son fer, m'invita à m'asseoir et sourit: «Mon secret est bien simple, Mlle Marie, j'ai plus de domestiques que vous ne le pensez. Je ne m'occupe jamais ni des vases, ni de la cage. C'est le domaine des jumeaux, et je compte entièrement sur eux pour nourrir les oiseaux et pour soigner les plantes. Comme vous le savez, mon mari est jardinier, et Pierre a hérité de ses goûts. C'est au moyen des quelques sous qu'il retire de ses boutures qu'il a acheté ces canaris, et c'est de la même façon qu'il les nourrit. J'avoue que, pour mon goût, ces vases prennent trop de place dans notre petit logement, et ces oiseaux font quelques fois un bruit assourdissant, mais ils ont fait passer tant de bonnes heures aux enfants que j'en prends mon parti. Ils ont employé bien des jeudis, l'été passé, à courir la campagne pour approvisionner leurs oiseaux, et cela leur vaut mieux que de rester dans la rue...»

«Quelle bonne idée! m'écriai-je. Mais, dites-moi, MmeViret, ne craigniez-vous jamais qu'il leur arrive malheur? A leur âge, ne pourraient-ils pas se perdre en chemin?»

«Je le crains quelquefois, Mlle Marie, mais, d'un autre côté, je suis sûre qu'ils se perdraient d'une façon bien plus grave si je les laissais jouer avec tous les gamins dans la rue. Et cependant il faut de l'exercice aux enfants, et, comme vous le savez, dans notre position, on ne peut pas les accompagner partout.»

«Vous avez peut-être raison, Mme Viret, lui dis-je. Si l'on ne peut accompagner les enfants, il faut leur laisser une certaine indépendance; mais ne risquez-vous pas de la payer un peu cher, cette indépendance?»

«Eh bien! c'est ce que craignais autrefois, moi aussi. Les premières années de mon mariage, j'ai suivi mon aîné comme il me serait impossible de suivre les autres maintenant. Mais, peu à peu, j'ai compris que ce n'était pas là mon devoir. Ce que je cherche plutôt maintenant, c'est d'obtenir des enfants une obéissance parfaite afin de pouvoir compter sur eux. Après tout, c'est là l'important. Je crois qu'il est bon de leur montrer de la confiance et de les traiter comme des êtres intelligents et responsables. D'ailleurs, il faut qu'ils apprennent à marcher seuls. Je ne pourrai pas les accompagner bien loin dans la vie.

(à suivre)









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