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Princes (suite)

Il me semble, d'après ce que vous me dites, que vous élevez vos enfants simplement et sagement; d'où leur est donc venu ce surnom de princes que j'entends si souvent?»

Mme Viret rit de bon coeur.

«Le surnom n'est pas trop mérité, dit-elle, car, sur le conseil de mon mari, mon aîné vient de commencer un apprentissage de cordonnier. La profession est modeste, mais elle est sûre, et Georges évitera les dangers des grands ateliers en apprenant son métier chez un de nos amis. Mais le surnom est peut-être venu de ce que je n'aime pas que mes enfants jouent dans la rue et y fassent de mauvaises connaissances. Ils rencontrent leurs camarades à l'école, et j'en suis bien aise, car je ne voudrais pas les élever à part. Mais à l'école, c'est tout différent! Ils sont sous une certaine surveillance, tandis que dans la rue ils ne le sont pas, et le mal est si contagieux! Mes enfants ont essuyé bien des taquineries à ce sujet, les petits voisins se moquent souvent d'eux; mais lorsque, par exception, j'ai cédé aux instances de mes enfants et que je me suis un peu relâchée de mes principes, je l'ai toujours regretté. Voyez-vous, Mlle Marie, la rue est un poison pour les enfants, en suis toujours plus convaincue.»

«Mais alors dites-moi, Mme Viret, que faites-vous des enfants entre les heures de classe? Les gardez-vous à la maison? Comment les occupez-vous? Vous devez avoir là un secret précieux que peu de mères connaissent.»

Mme Viret sourit et sembla réfléchir un instant.

«Ce n'est pas sans peine que j'y suis arrivée, Mademoiselle, et je suis loin d'avoir trouvé tout le secret, comme vous dites. Je dois l'avouer, je ne m'y suis pas toujours bien prise; j'ai commis autrefois plus d'une erreur, j'ai fait plus d'une triste expérience. Mais ces dernières années, j'ai beaucoup réfléchi, j'ai essayé de plus d'un moyen et j'en suis venue à la conclusion que la première chose à faire c'est de s'arranger de telle sorte que l'enfant soit toujours occupé et n'ait jamais l'occasion ni le temps de s'ennuyer. Pour y arriver, j'ai donné à chacun des jumeaux et à Berthe, qui est un peu plus jeune, leur tâche journalière à accomplir. De cette façon, je suis moi-même moins chargée de travail, et eux sentent qu'ils me sont vraiment utiles.

«Et que leur faites-vous faire, Mme Viret? Que pouvez-vous obtenir de garçons étourdis tels que Pierre et Louis?»

«Je ne leur confierais pas la vaisselle à laver, mais il y a certaines choses qu'ils peuvent faire; dès qu'ils sont rentrés de l'école, Pierre coupe mon bois et Louis monte mon eau. Comme ils ont besoin d'air et d'exercice, je les envoie chercher le pain de l'autre côté de la ville et je m'arrange presque chaque jour à leur faire faire encore quelque autre commission. Lorsqu'ils rentrent, il est tout près de six heures, et ils n'ont que le temps de faire leurs tâches avant le retour du père. Quant à Berthe, rien n'est plus facile que de l'occuper, et je ne sais vraiment comment je me passerais d'elle! C'est elle qui sort tous les jours avec son petit frère, et, depuis cet hiver, je l'ai chargée de tout le soin de ses vêtements. Et si vous saviez, Mademoiselle quel amour-propre elle apporte à cette tâche! On dirait une vraie petite mère. - Toutefois, je dois bien le dire, cela n'a pas été sans peine, au début, que j'ai obtenu des enfants ces petits services réguliers; mais maintenant la chose n'est jamais discutée, et la maman et les enfants s'en trouvent très bien, je vous assure.»

Et les dimanches, Mme Viret? Dites-moi encore comment se passent vos après-midi du dimanche. Que faitesvous des enfants ce jour là?»

«Le dimanche? Nous sortons en famille. Mon mari et les enfants aiment la campagne et la marche. Je suis souvent un peu fatiguée, mais je les accompagne presque toujours. Je sais d'ailleurs que cette fatigue m'épargne bien des soucis. Puis je tâche autant que possible, ce jour-là, de procurer aux enfants un petit plaisir qui leur fasse oublier ceux des rues. Comme vous le savez, Mlle Marie le luxe n'est guère connu chez nous, ajouta-t-elle en souriant; mais le dimanche, nous nous en accordons un tout petit. J'emporte avec moi, à la promenade, des châtaignes rôties, ou quelques fruits, suivant la saison. Le plus souvent quelque camarade des enfants nous accompagne, ce qui ajoute encore à leur plaisir. Et nous rentrons le soir tout heureux, le père aussi bien que les enfants, frais et dispos pour recommencer le lundi matin le travail d'une nouvelle semaine.»

J'écoutais avec le plus vif intérêt tout ce que cette mère de famille me racontait. Mais, je le sentais, je n'étais pas arrivée au fond de son secret, il me restait encore quelque chose à apprendre.

«A vous entendre, tout cela paraît bien simple, Mme Viret, mais je pense que, comme toutes les mères, vous avez aussi vos difficultés, vos désappointements, vos heures de tristesse et de découragement?»

«Oh! pour ça, oui, Mlle Marie. Mes enfants sont loin d'être parfaits! Ils ont leurs mauvais moments et moi, j'ai mes jours de tristesse. Mais, comme le dit M. le pasteur, c'est le temps des semailles maintenant, celui de la récolte ne viendra que plus tard. Autrefois, je ne tenais guère compte de la conscience d'un enfant; aujourd'hui j'en ai mieux compris la valeur et je cherche avant tout à la réveiller et à l'éclairer. C'est ce que j'appelle ma semaille. Mais quant au résultat, Mlle Marie, c'est l'affaire de Dieu, non la mienne; c'est sur Lui que je, compte.»

Je savais, par quelques mots discrets de Mme Viret concernant son mari, qu'elle devait être seule à semer. Son mari, honnête travailleur et bon père de famille, ne partageait pas sa foi, et sa tâche en était rendue d'autant plus difficile.

«Mais votre mari n'exerce-t-il pas sur vos enfants une influence un peu différente de la vôtre? Vos enfants n'ont ils pas à souffrir de cette contradiction?»

«De contradiction, il n'y en a point, répondit-elle. Je lis tous les matins aux enfants les deux versets du Calendrier Biblique et mon mari les écoute toujours avec respect. Il va plus loin; lui qui ne prie pas a confiance dans mes prières, et si le petit Eugène oublie de faire la sienne en se couchant, c'est souvent son père qui le lui rappelle.»

«Nous parlions de secret tout à l'heure, Mme Viret, vous m'avez livré plusieurs des vôtres aujourd'hui, mais je crois que le plus précieux est encore le dernier: Vous priez pour vos enfants, vous priez avec vos enfants, vous comptez sur Dieu, et Dieu vous exauce et vous bénit; voilà ce qui m'explique tout.»

A ce moment, la pile de linge qui attendait Mme Viret frappa mes regards. Son temps était trop précieux pour la retenir plus longtemps. je pris congé d'elle, emportant avec moi le sentiment que, dans cette visite, j'avais reçu bien plus que je n'avais donné.









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