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Mon bonheur en ce monde

Mon bonheur en ce monde; souvenirs et croquis: c'est le titre d'un ouvrage paru tout récemment et consacré à la mémoire d'une peintre genevoise, Elisabeth de Stoutz. Des mains pieuses ont recueilli ces souvenirs, consignés par l'artiste en des cahiers intimes, en y joignant quelques fragments de lettres et en les enrichissant de nombreux et charmants croquis. Voici la phrase, bien digne de retenir l'attention, par laquelle s'ouvrent les cahiers: «L'événement le plus heureux de ma vie a été qu'en 1877 la position brillante de mes parents s'est écroulée et que j'ai dû, tout de suite, me trouver une occupation sérieuse». Elisabeth avait alors 23 ans. Elle entra à l'Ecole des Beaux-Arts et y commença des études approfondies, poursuivies avec une ardeur passionnée pendant des années sous la direction du maître Barthélémy Menn. La plus grande partie de sa vie s'est passée en Savoie, dans sa maison de campagne de Monthoux, où elle vivait au milieu des paysans qu'elle aimait et dont elle avait su gagner la confiance. Les enfants surtout étaient ses compagnons habituels et ses amis. Ils étaient tout fiers de lui servir de modèles et n'hésitaient pas au besoin à l'aider de leurs conseils! Voici quelques traits cueillis dans les cahiers:

«Mon petit Auguste, chaque matin, me crie par la fenêtre, d'une jolie voix encore tout ensommeillée: «Mamouzelle Zibeth, levez-vous je vous réveille, je vous vois pas», il ne me laisse pas tranquille avant d'avoir vu ma tête à la fenêtre. Souvent, il est là avec un bouquet et me dit gentiment: «C'est pour vous, je veux vous y donner»; alors décidément je secoue mon sommeil et lui descends par une ficelle un couvercle de boîte où, avec ses petites mains brunes et maladroites, il me met ses précieuses fleurs. Il ne les perd pas de vue avant leur arrivée à ma fenêtre. C'est un bien joli réveil, n'est-ce pas»?

«Mme X. avait donné dans la journée deux paires de souliers neufs aux petits voisins et le soir, en les couchant, la mère leur dit: «Il faut, dans votre Prière, remercier le bon Dieu de ce que la Dame est si bonne pour vous et lui demander de la faire devenir vieille». - «Oh pas vrai, M'man - il faut qu'elle vive longtemps, mais sans jamais venir vieille».

«...Je jouis des enfants de Monthoux, de ma liberté, plus que je ne peux dire! Le temps coule délicieusement. Jusqu'à aujourd'hui j'ai bien un peu travaillé... à des tas de projets pour cet été: une ronde d'enfants, une gardeuse de chèvres, dans un délicieux chemin, mon petit Auguste couché dans l'herbe, etc. etc. Je prends des mesures sur le terrain, sur, les enfants, leur recommande de ne pas trop grandir avant que je sois là pour «du bon». Ils me comblent de gentillesses et ont toujours quelque chose de joli à dire. Aujourd'hui à 5 heures, nous étions au Vivier tous ensemble. Ils faisaient des jeux au beau soleil. C'était délicieux pour eux et pour moi de les voir avec mon album. Et pourtant je commence à trouver que ce serait bien agréable d'avoir mon café, qu'on se dispute le plaisir d'aller me chercher. Je me sens un peu défaillante. Jeanne, lisant dans mon coeur, me dit doucement: «Faut me dessiner, Mademoiselle, c'est ce qui vous ôtera le mieux la faim». J'ai suivi son sage conseil, mais 5 minutes plus tard m'arrive un énorme pot de café, bien bourré de pain noir, qui fait mes délices».

A propos d'une petite gamine qui avait bien de la peine à se tenir tranquille pendant qu'on la dessinait, Elisabeth écrit:

«Quand je voulais lui faire un plaisir, je le lui décrivais d'avance et par petites étapes, étant toute contente de tenir son attention en éveil. Un jour elle me dit: «Eh bien! vous ne savez pas, Mademoiselle, vous avez eu une rude bonne idée de me dire ça longtemps avant de me le donner, parce que le moment le plus beau, c'est quand on attend. Moi j'aime surtout attendre... mais alors il faut être sûr qu'on l'aura, tout à fait sûr, comme avec vous, Mademoisselle».

Voici une lettre écrite par une petite amie:

Ma chère Mézelle, merci Mézelle. Ma maman est contente des tabliers que vous nous avez donné... Je vais tous les jours chez Josette, pour vous attendre et vous ne venez jamais. Tous les jeudis et tous les dimanches, vous n'êtes pas venue. Je vous ai, attendue, Mézelle, longtemps, longtemps; ç'aurait été bien pour dessiner, le ciel était très beau et la montagne violette, comme ça va bien qu'elle soit. J'avais mis mon tablier que vous aimez, Mézelle, pour vous faire bien envie. Bonjour Mézelle.
Marie J.

«Auguste a bon coeur et ne se laisse pas facilement dérouter. Hier il avait dans sa main une belle branche garnie de cerises. «Je veux la porter à la Tante (une vieille de 80 ans en pension chez eux). Sa soeur lui dit: «Eh bien, tu es rudement bête, pour ce qu'elle t'en saura gré!» - Ah! d'abord, ça ne te regarde pas et tant pis pour toi si tu as mauvais coeur. Moi je veux donner mes cerises à la Tante parce que ça me fait plaisir à moi tu entends».

Après ce qui précède on ne sera pas surpris qu'un des petits modèles, devenue mère de famille, se reportant à ces souvenirs, vieux de 25 ans, ait pu dire: «Oh! Mézelle vous vous souvenez comme c'était beau, et comme on était heureux? On aimait tous à se faire plaisir... Ah! comme on était gentils les uns avec les autres, bien meilleurs qu'à présent et aussi bien plus heureux! Ah! les bons moments qu'on passait là! ça fait du bien quand on y pense, mais ça fait pleurer aussi!».

Elisabeth de Stoutz était une âme de croyante comme le montreront les fragments suivants glanés dans ses notes.

«Je ne partage pas l'avis de ceux qui pensent que la force divine est diminuée si elle ne nous vient pas directement de Dieu. Il m'est doux, au contraire, de devoir de certains progrès à l'un ou l'autre des amis rencontrés sur cette terre, et pour ceux d'entre eux qui m'ont devancée dans l'Au-dèlà, je suis convaincue que leurs personnalités lumineses continuent à m'éclairer et à me fortifier».

«Ce n'est pas à nous à tracer notre plan de vie, mais c'est à nous à faire valoir nos dons».

«La solidarité humaine est telle que les luttes acharnées des uns encouragent et élèvent les autres».

«Quand les caractères se heurtent, c'est en se retrempant dans la vie intérieure que l'on peut y remédier; l'harmonie finit par s'établir et c'est un devoir d'en être reconnaissant».

«Heureusement que Dieu ne nous juge pas d'après le résultat, mais d'après l'effort».

La fin d'Elisabeth de Stoutz fut bien assombrie par la guerre. C'est pour se soustraire à cette hantise qu'elle s'était mise à rédiger ses souvenirs. Malheureusement elle ne put achever ce travail. Le 7 mai 1917, nous disent ses biographes, elle entra dans ce qu'elle considérait depuis longtemps comme la Vraie Vie.









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