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La nuit des Rois (Une histoire vraie)

A l'occasion des journées éducatives organisées à Genève par le Département de l'Instruction publique, Mmw Boschetti-Alberti, l'apôtre de l'Ecole Sereine au Tessin, a fait à l'Institut J. J. Rousseau une causerie sur son école d'Agno. Nous sommes heureux de pouvoir en donner un résumé fait par un des auditeurs.


L'école sereine; c'est le nom qu'au Tessin et en Italie nous donnons à ce que vous appelez ici l'école active, l'école fondée sur l'appel aux intérêts de l'enfant dans la liberté. Il y a onze ans que je travaille dans cet esprit. Dans bien des classes diverses j'ai éprouvé la vertu de cette méthode que je crois vraie et dont je vois tous les jours les fruits.

Une seule fois j'ai douté des principes sur lesquels j'ai fondé mon enseignement. C'était à Muzzano. A la rentrée d'automne on m'amena deux garçons terribles, les frères Milano. Ils étaient redoutés de tous. C'étaient les enfants d'un meurtrier qui avait commis un homicide, sous les yeux même de ses enfants. Dans l'école d'où ils sortaient ils avaient en pleine classe menacé le maître de lui trouer le ventre. Naturellement ils avaient été renvoyés.

Ces garçons étaient aussi sournois et fermés qu'on peut en imaginer. Ils grandissaient dans une atmosphère de haine. Leur mère avait neuf enfants à la charge de la petite commune depuis que le père était en prison. Et encore étaient-ce des étrangers: le père, d'origine italienne venait à peine de se faire naturaliser quand il avait commis son coup. Les grandes filles en service à la ville revenaient avec des chapeaux et des bas de soie qui faisaient aller les langues. Bref... personne ne voyait aucune raison de témoigner à une pareille engeance autre chose que de l'hostilité.

Et en classe, bien sûr, il en fut autrement. Et leur stupéfaction fut grande de s'entendre traiter poliment, doucement par la maîtresse, qui paraissait s'appliquer à ne pas leur manquer d'égards.

Je ne vous dirai pas les étapes de la transformation qui se fit en eux. Suffit que l'été suivant les frères m'apportaient des fruits tous les matins. Si bien qu'un de leurs camarades crut de son devoir d'intervenir: «Madame, me dit-il, ce qu'ils vous offrent, ils l'ont volé pour vous». Il me fallut donc me défendre contre leur générosité, et quand le jour suivant, ils me présentèrent une branche avec un joli mouchet de cerises, leur faire comprendre que, pour me faire plaisir, il fallait aller la restituer à son légitime propriétaire. «Non, non, Madame, prenez toujours; je m'arrangerai à lui en rapporter d'autres, et qui seront bien à moi». Mais l'après-midi il revint navré. Sa combinaison n'avait pas abouti: à un riche, «oui, Madame, à un riche» il avait demandé sept cerises, autant qu'en comptait le mouchet du matin, «et il me les a refusées, lui, un riche». Il était indigné. Il parvint d'ailleurs à tenir sa promesse en recueillant ses sept cerises à droite et à gauche.

Quand je quittai Muzzano, je reçus beaucoup de témoignages de regret. Les frères Milano, eux, ne me dirent pas un mot d'adieu. Le dernier jour, même, ils passèrent près de moi dans la rue, sans me saluer; ils ne me pardonnaient pas de les abandonner.

L'automne suivant, je faisais la classe dans le village voisin. Vint la Noël, le Nouvel-An. La Nuit des Rois il faisait vraiment froid. Je m'étais couchée en pensant avec sympathie aux chemineaux qui pouvaient errer sur les routes dans la nuit. Soudain sous mes fenêtres j'entends un chant, un de ces vieux chants traditionnels du pays, que j'encourage mes enfants à maintenir pour faire vivre, eux les jeunes, eux dont c'est la mission, les coutumes du temps passé. Je reconnais les voix. C'étaient les deux frères Milano qui de Muzzano avaient fait plusieurs kilomètres dans l'obscurité froide pour faire plaisir à leur maîtresse.

Maintenant ils sont ouvriers. Quand ils me rencontrent ils me saluent. Et je crois bien encore lire dans leurs yeux le même dévouement qui, pour m'offrir des fruits, les portait jadis à marauder.

«Etudie, étudie, tu resteras petit. Aime, aime, tu deviendras grand».









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