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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
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RETOURPapa va voter C'est jeudi soir. Près de la grille du jardin, les enfants attendent impatiemment papa, qui va rentrer. Le voilà enfin qui descend du tram. Bruyante, la petite bande s'élance à sa rencontre. - Papa, papa, nous avons un magnifique projet: une course à la Dent de Jaman, dimanche; on prendrait le premier train, de très bon matin. Puis, à Vevey, l'autre jusqu'aux Avants. Ensuite... - Pas cette semaine mes enfants. Dimanche, il faut que j'aille voter. - Oh papa! tu iras un autre jour. - Non, c'est la Dent de Jaman qui nous attendra; elle ne s'en ira pas. - Mais papa, si nous retardons, les narcisses seront passées. - Mes petits! soyons raisonnables! Pour le moment il faut renoncer à ce beau projet. Tristement, on se met en route pour la maison. Câline, Lina se suspend au bras de son père et lui propose: si tu envoyais Christian? Ne pourrait-il pas te remplacer? - Voilà une idée! envoyer le jardinier voter à ma place! - Cela ne se pourrait-il pas? - Christian ira voter pour son compte, ma fille. Et moi pour le mien. Lina soupire; il faudra donc vraiment renoncer à cette course. Et l'on s'était tant réjoui!... - Ecoutez, dit papa, en entrant à la maison, mangeons la soupe et je vous expliquerai quelque chose. Vous me direz ensuite vous-mêmes si vous pensez que nous devions aller en course dimanche ou rester ici. Silencieux, tous attendent, curieux de savoir ce que va dire papa. - Savez-vous que quand je vais voter, je fais un métier de roi, commence-t-il enfin. Les yeux enfantins, se détournent des assiettes, s'ouvrent très grands: un métier de roi? Comment? - Oui, de roi; il y a des pays où un roi ou un empereur gouverne absolument comme bon lui semble. Là personne n'est appelé à voter. Quand il y a un juge ou un magistrat à nommer, le roi le choisit et ordonne qu'on lui obéisse, sans s'inquiéter de savoir s'il plaît à ses subordonnés... Chez nous c'est le peuple qui est roi. Dans toutes les républiques les citoyens se gouvernent eux-mêmes. Quand on m'invite à aller voter, on me prie de prendre part au gouvernement. Ainsi dimanche si je n'allais pas aux votations, je ne ferais pas mon devoir de citoyen suisse. Si j'aimais mieux aller à la Dent de Jaman avec maman et vous, ce serait dire: que m'importe mon pays et ses affaires? Tout cela m'est bien égal. Trouvez-vous que ce serait la peine d'être Suisse, si je me laisse gouverner par Christian et les autres? - Papa, dit Lina, nous resterons volontiers à la maison, dimanche, puisque c'est pour cela. Malgré tout, la fillette regarde mélancoliquement par la fenêtre, du côté des hauteurs... - Eh bien écoutez, propose le père, vous allez voter. - Nous, voter? - Oui! Que ceux qui désirent que je ne parte pas dimanche pour la montagne, lèvent la main! - Moi, crient ensemble quatre voix claires. Non contents de prouver leur opinion en levant le bras, les enfants se dressent et s'agitent sur leur chaise, très fiers de leur rôle. Jusqu'à présent, les deux cadets ont écouté la conversation sans paraître la comprendre. Mais voici que petit Henri, qui n'a pas abaissé son bras, a regardé maman. Maman continue à tricoter; maman sans doute, veut aller à la Dent de Jaman. - Oh! soupire le bambin très déçu, oh, répète-t-il, il n'y a que maman qui... - Mais non, mais non, mon chéri explique-t-elle, vois-tu, je lève la main très haut avec vous. Seulement je n'y pensais pas; les mamans, les femmes, ajoute-t-elle en souriant, ne sont pas encore admises au vote. - Au fond, pourquoi pas? demande Maurice. - Moi le sais, dit Lina, d'un air entendu; les mamans votent pour le choix d'un pasteur. Comme elles vont au sermon, elles veulent avoir un bon prédicateur. Mais ce qui est du gouvernement ne les intéresse pas beaucoup; elles ne s'en mêlent pas. - Cependant, ma fille, dit papa, tout aussi bien que les hommes, les femmes doivent se soumettre aux lois de leur pays. Ne serait-il donc pas juste et naturel qu'on leur donnât le droit, comme à nous, de participer à la discussion de ces lois ou à l'élection d'un magistrat? - Eh bien, pourquoi ne le leur donne-t-on pas? - C'est parce qu'autrefois les femmes ne recevaient pas l'instruction qu'elles ont de nos jours. Elles ne réclamaient pas le droit de vote, ne se sentant pas capables de résoudre des questions de politique, parfois difficiles. Mais maintenant que les jeunes filles font autant d'études que les jeunes gens, il est compréhensible qu'elles réclament les mêmes droits qu'eux. - Ne penses-tu pas qu'on les leur accordera, papa? demande Robert. - Oui, je le pense, mais il faut du temps pour que cette idée soit admise par tout le monde.... |
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