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Réflexions d'un ancien enfant difficile

Je crois qu'on fait généralement le tort à l'enfant difficile de l'assimiler de prime abord à l'enfant taré, amoindri, vicieux. Je ne soutiens point qu'il ne puisse pas l'être aussi, mais en règle générale, il est simplement l'enfant singulier, original, l'enfant fortement individualiste, ce qui ne veut pas dire, qu'il soit nécessairement compliqué. Au contraire!

Il n'est souvent que l'enfant spécialement doué, sensible, sensitif, vivant une vie intérieure très intense, laquelle se manifeste par des fermentations psychiques et intellectuelles fortement prononcées.

C'est ainsi qu'il peut être raisonneur, ronchonneur. Ce n'est souvent pas un défaut, car, cela peut être l'émanation du courage intellectuel ou moral gauchement affiché, ce qui est loin d'être le synonyme de l'arrogance. Cela peut être aussi une simple impuissance d'élocution trop souvent mal interprétée de l'éducateur, qui n'y voit que rébellion et entêtement.

Il y a aussi l'enfant curieux, dont la curiosité, pour être agaçante et gênante, n'est pas forcément malsaine. Mais elle est parfois si imprévue, si insistante, si baroque, qu'elle désarçonne l'éducateur et souvent l'offusque.

Il y a l'enfant possédé de la passion de l'équité. Pas commode pour un sou, ce type là! Mais la passion elle même est infiniment précieuse, même là où, faute de lumières suffisantes, elle se trompe d'objet et d'application. L'éducateur ne peut ni ne doit l'exterminer chez cet enfant, mais il peut la diriger en lui donnant l'occasion de s'exercer utilement. Car l'enfant épris d'équité manifeste toujours un caractère net, loyal et décidé; or, nous avons besoin de caractères.

Il y a l'enfant fantaisiste. La fantaisie dénote presque toujours un fort talent quelconque et parfois du génie. Il s'agit donc de l'accorder aux réalités de la vie, et non point de l'extirper, car, dans la plupart des cas, la fantaisie est ce qu'il y aura de plus précieux dans cet enfant.

Il y a l'enfant mélancolique, l'enfant rêveur, proche parent de l'enfant fantaisiste. C'est parce qu'il réfléchit ou qu'il songe qu'il s'étonne de tout, parce que sa vie intérieure est particulièrement intense, qu'il a la digestion intellectuelle et psychique laborieuse et lente. Il ne réalise qu'à bon escient; aussi, cet enfant-là passe-t-il, la plupart du temps, pour un cancre qui décourage ses pédagogues, comme il advint, par exemple, à Anatole France, l'enfant difficile par excellence.

Quoi qu'il en soit, l'enfant difficile est avant tout crédule et d'une surprenante naïveté. L'invraisemblable est souvent ce qui lui est le plus familier... Il vit une vie à lui, souvent presque impénétrable, en tout cas étrange, hors du cadre commun.

C'est pour cette raison, que tout ce qu'il dira ou fera, aura pour lui-même un autre sens que pour son entourage, et c'est pourquoi il aura toutes les chances d'être incompris et mai interprété. Nous avons le tort de juger ses actes et ses paroles d'après notre mentalité, nos expériences et notre vie, plus ou moins désabusée, d'adultes. De là ces froissements intimes de l'enfant qu'il ne pardonnera jamais, et qui se traduiront par une résistance active ou passive. Si cette résistance est active, - à la bonne heure, - alors tout n'est pas encore perdu, puisque l'éducateur peut en tirer de précieuses indications sur la mentalité spéciale du sujet, à laquelle il pourra s'adapter et sur laquelle il lui sera loisible de reprendre et d'exercer son emprise, à la condition toutefois qu'il le fasse d'une manière intelligente et, avant tout, bienveillante. Mais, malheur à lui et à l'enfant si la résistance devient passive. Alors l'enfant deviendra extérieurement sage, il se pliera à la discipline imposée, parce qu'il le faut bien, mais il méprisera celui qui la lui impose, il se sentira supérieur à lui et s'enlisera toujours davantage dans l'inextricable labyrinthe de sa vie intérieure propre, de plus en plus dévergondée. Il paraîtra apathique, quoique doué d'une grande sensibilité, mais il sera pervers d'esprit et d'âme, mais sa précocité intellectuelle et morale sera désormais insaisissable à l'éducateur.

Pour le pédagogue, le tout consiste à pénétrer chaque enfant individuellement, avant de vouloir le conduire ou l'influencer.

C'est pénible, très pénible! Pour arriver, je ne vois guère que trois moyens. Le premier, l'essentiel, c'est l'affection cordiale, mais discrète de tous les instants. C'est aussi la plus difficile, car il y a des types d'enfants qui énerveraient un mollusque. Le second moyen, qui découle du premier, c'est la patience. Il faut savoir attendre. Rien ne vient d'un coup. Il faut le temps pour tout, et l'insuccès, même réitéré ne doit point décourager l'éducateur. L'enfant même le plus difficile, ne résistera pas, à la longue, aux efforts bienveillants, toujours renouvelés. Laisser venir; mieux vaut ne rien faire du tout que fausser un rouage ou casser un ressort! Le troisième moyen est le tact.

L'enfant difficile, - non - l'enfant tout court, demande en premier lieu la compréhension sympathique. Nous avons tous reçu des giffles qui nous ont stimulé et subi des regards que nous ne pardonnons pas, parce qu'ils nous ont avilis. Si l'enfant se sent vraiment compris, il s'accommodera facilement d'une vie rude et même dure et à cette condition-là, mais seulement à cette condition, son âme en sera trempée, son esprit aiguisé, son corps fortifié.

Donnons un exemple: Un enfant vous fera un récit manifestement contraire à la vérité. Dites-lui qu'il est un menteur, punissez-le, grondez-le, et vous vous le serez aliéné pour toujours. Car, il est possible qu'il ait peuplé son imagination d'êtres fictifs, qui lui sont plus proches, plus familiers, plus réels que la réalité même. Et pourtant, instinctivement, il s'en défie. Il vous aura menti à titre d'expérience, de contrôle. Vous n'avez pas compris la question brûlante d'angoisse qui était enveloppée dans son mensonge, vous l'avez rabroué. Eh bien! Il tentera l'expérience une autre fois, bien des fois encore peut-être. Il vous mentira encore, et si vous finissez par comprendre, vous arriverez à le guérir, sinon, ou s'il ne renouvelle pas l'expérience la partie est perdue, vous ne trouverez plus le moyen de l'équilibrer.

Or, établir l'équilibre, voilà le but essentiel à poursuivre dans l'éducation de l'enfant difficile. Pour y réussir, il est important de le convaincre qu'il ne diffère guère de ses camarades. Combattez en lui la vanité de se croire un être singulier, un cas spécial, et si vous arrivez à l'en convaincre, votre tâche envers lui sera accomplie ou presque.
Pour y suffire, il faut observer le sujet d'une manière aussi pénétrante que faire se peut, mais non point l'épier. Quoi qu'il fasse, ne jamais marquer trop de surprise, ni s'en laisser conter. Envisager même ses élucubrations les plus fantastiques et les plus désordonnées comme quelque chose, qui, à la rigueur, était à prévoir, à quoi l'on pouvait s'attendre, qui ne vous étonne pas outre mesure, et vous verrez qu'il s'en lassera et finira par rentrer dans le rang.

Respectez la pudeur de l'âme, surtout lorsqu'elle est dévoyée, car c'est alors qu'elle est le plus sensible. Observez sans cesse, oui; mais non point d'une surveillance indiscrète. Une âme ne s'ouvre pas par effraction.

Accordez à l'enfant autant de liberté qu'il est humainement possible de lui concéder, car il se cherche lui même, tout comme vous le cherchez aussi, et tout deux, vous ne vous trouverez point, s'il y a contrainte. Car ne l'oublions jamais: en tout état de cause, louange doit entraîner, donc aller au devant de l'effort du sujet. La louange est, «la sage femme du bien naissant».

Le blâme par contre, peut être, un stimulant extraordinaire. Mais pour être efficace, il ne suffit pas qu'il soit justifié en soi, il faut encore, qu'il parte d'une autorité que l'enfant a délibérément acceptée et reconnue. Autrement il découragera.

Or, il faut encourager, et pour cela il faut posséder la confiance illimitée et presque aveugle de l'enfant. Une fois sa confiance vraiment acquise, l'enfant difficile est affectueux, dévoué et maniable. De ce moment-là, il ne sera peut-être pas, l'enfant sage mais à coup sûr l'enfant bon, l'enfant éduquable, sinon l'enfant éduqué pour la vie commune et plus encore pour cette vie supérieure à laquelle nous tendons tous et qui, des deux vies, est la plus importante.









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