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Véracité
Nous aimons à trouver chez nos amis, chez nos employés, chez tous ceux avec qui nous sommes en rapports, la droiture, la sincérité, la franchise. Nous voulons la trouver à plus forte raison, chez nos enfants. Nous ne pouvons, tant nous y tenons, nous décider à admettre qu'ils sont menteurs.
Nous ne saurions prendre trop de précautions, ni les prendre trop tôt, pour faire vivre nos enfants dans un milieu de vérité et de sincérité.
L'habitude de la véracité ou du mensonge se prend dès la plus tendre enfance, avant même que la parole sorte claire et nette: un petit enfant peut mentir par gestes ou en balbutiant trois ou quatre syllabes. Je citerai un exemple: Une mère quand son enfant tombait, avait la coutume, assez peu judicieuse, d'apaiser ses cris en lui donnant des bonbons. La petite à peine âgée de quatorze mois imagine de se coucher doucement par terre, puis de crier: «Maman, Mimi tombée; Mimi fait bien mal: donne bonbon maman!» La mère racontait la chose avec une admiration, un ravissement... que je ne partageais point.
A très peu d'exceptions près, les enfants sont menteurs par l'imprudence, par la faute de ceux qui les ont élevés, parents, bonnes ou maîtres.
Pour conserver à l'enfant sa candeur, pour combattre son penchant à la ruse, deux choses sont indispensables, la prudence et le bon exemple.
Je ne suis pas pour cette éducation préventive qui consiste à écarter de l'enfant toute occasion de chute, et empêche la force morale de se développer et de s'exercer. Mais il ne faut pas non plus exposer à de trop fortes luttes la jeune conscience.
Les enfants mentent par crainte, par intérêt, par vanité.
Autrefois, il y a bien longtemps, une sévérité exagérée provoquait le mensonge et la dissimulation. L'enfant, qui savait que pour la moindre faute, il serait fouetté, enfermé dans le coin sombre, au pain et à l'eau, attaché au pied du lit, etc., était entraîné par la crainte à nier, à cacher ses méfaits. Aujourd'hui on ne pèche plus par excès de sévérité; le pendule qui oscillait vers la droite, se porte maintenant à gauche. L'excès d'indulgence a donné naissance à un principe qu'il m'est impossible d'admettre d'une manière absolue, c'est de ne jamais punir une faute avouée. Qu'on se représente où mènerait ce principe, pris à la lettre, qu'on se figure un enfant à qui toutes les sottises imaginables seraient permises, pourvu qu'il les racontât! Mais sans aller jusque là, on peut, on doit se montrer plus indulgent envers celui qui confesse franchement qu'envers celui qui nie ou cache.
N'allez pas non plus provoquer le mensonge par des questions intempestives ou maladroites... Sachez interroger convenablement. Que vos questions ne soient pas faites avec cet oeil sévère, cette voix dure, cette intonation menaçante, qui provoquent la crainte et refoulent au fond du coeur l'aveu qui tremblait sur les lèvres.
Abstenez-vous de ces maladroites questions suggestives, qui semblent faites pour inviter à la dénégation. Gardez-vous de dire: «Ce n'est pas toi qui a fait cela, n'est-ce pas» Pour répondre: «C'est bien moi» il faudrait à votre enfant une droiture et un héroïsme peu ordinaires.
Je parle surtout du premier âge, de l'âge où se forment les habitudes, où l'enfant reçoit passivement les impressions du monde extérieur, et se les approprie bien plus qu'il ne peut réagir contre elles. Plus tard, quand la conscience sera éveillée, active, la coutume bien établie, vous pourrez lire dans le coeur de votre enfant comme dans un livre ouvert; son oui sera oui, et son non, non. Mais pour en venir là, guerre à mort contre la ruse, dès qu'elle se montre. Que vos enfants n'obtiennent jamais rien de vous par insinuation et par détour. Les tournures diplomatiques qu'ils emploient sont parfois très plaisantes. Il faut avoir le courage de n'en jamais rire devant eux, encore moins faut-il les raconter en leur présence.
Ne prêtons pas une attention trop grande à leurs récits. Naturellement, les enfants sont vaniteux, et nous les y aidons; ils aiment à jouer un rôle, à occuper de leur petite personne, et cette disposition les entraîne presque irrésistiblement à exagérer, à inventer.
Quelque sages, quelque minutieuses que soient nos précautions, elles seront complètement inutiles si nous ne sommes pas véridiques nous mêmes, si nous mentons à nos enfants, si nous les faisons mentir.
On l'a répété à satiété, on ne le répétera jamais trop: sans l'exemple, les préceptes ne servent à rien, absolument à rien.
Si, avec nos enfants et devant eux, nous nous jouons de la vérité, de quel front exigerons-nous qu'il la respectent?
Le plus souvent, les enfants mentent parce qu'ils ont entendu mentir. On ne leur épargne pas cette leçon. Que de fois leurs parents, qui devraient être l'image parlante de la vérité s'exposent à être pris par eux en flagrant délit de mensonge!
On sait comment les enfants terribles les punissent, comment ils rectifient les assertions inexactes de leurs parents et les mettent à l'affront devant les étrangers. Que l'on nous permette d'ajouter notre ligne à l'histoire des enfants terribles: «Je suis entrée chez un pâtissier, disait une dame, j'y ai mangé un petit gâteau. Je l'ai trouvé si bon que, oui vraiment, j'ai honte de l'avouer, j'en ai mangé un second. Tu en as mentu maman! s'écrie une fillette de deux à trois ans; tu en as manzé quatre!» Qu'elle serait longue la liste de ces mensonges soi-disant véniels?
Nous ne parlerons pas des contradictions que nos enfants peuvent si fréquemment apercevoir entre nos principes et notre conduite; nous ne dirons pas combien de fois ils nous entendent parler d'une façon et nous voient agir d'une autre, parler en patriotes et craindre d'aller aux élections, nous dire attachés à notre Eglise et ne rien faire pour la soutenir et la défendre, déplorer notre pauvreté et ne nous refuser aucune fantaisie.
Souvent nos enfants nous entendent exprimer à des connaissances ou à des amis de la maison des compliments ou des approbations dont ils savent que nous ne pensons pas le plus petit mot, appuyer par nos paroles des opinions que nous ne partageons point, mais que nous n'avons pas le courage de combattre.
Si nous n'aimons la vérité qu'imparfaitement, nos enfants nous surprendront toujours, une fois ou l'autre à faillir, disons donc toujours la vérité.
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