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Coin des enfants
et des mères.
- On l'appelait Larkie, d'un mot anglais qui signifie: «l'alouette», parce qu'il apportait la joie partout où il allait. Un jour, Larkie et ses camarades causaient avec animation devant l'école, pendant la récréation.
«Regarde, cela peut-il «aller» comme cadeau de Noël? demande le petit Pierre, montrant une boîte à ouvrages qu'il venait de terminer en classe. Je l'ai faite pour ma mère!»
- «Pourquoi pas, c'est joli», répond, Larkie après l'avoir examinée.
- «Moi, reprend Jacques, je donne à la mienne une de ces «choses» en dentelle pour le cou! Il y en a des quantités chez Jones, elles ne coûtent qu'un franc cinquante et elles sont très bien. Et toi, Larkie, qu'est-ce que tu donnes à la tienne?»
- Oh! s'exclame Willy, Larkie a une mère comme on n'en rencontre pas deux! Vous auriez dû nous voir hier soir chez elle! Nous faisions des caramels dans sa cuisine. Quand tout a été fini, quel désordre, miséricorde! Eh bien, elle ne s'est pas fâchée, elle a ri seulement et ne nous a pas même obligés à nettoyer et à remettre en ordre.
N'avais-je pas raison de dire qu'elle est «chic»!
- «Oui ma mère est «chic», répète Larkie, mais elle ne se soucie pas de recevoir des présents à Noël, aussi je ne lui en fais jamais. Quant à moi, ajoute-t-il avec enthousiasme, je désire une quantité ces choses: une canne, des patins, un album de timbres, etc., etc.»
«Oh! tu ne penses qu'à toi », interrompt Willy.
«On peut avoir une paire de patins pour 10 fr. poursuit Larkie, sans prêter attention à la critique de son compagnon - j'ai justement économisé 10 fr., et je vais les acheter!»
- «La cloche sonne, venez, rentrons», crie Pierre.
Les enfants étaient à peine à leurs places, que la maîtresse arrive avec un calendrier terminé la veille par Larkie.
«C'est du très bon ouvrage, mon garçon, suffisamment réussi pour être offert à votre mère à Noël!»
- «Oh! elle n'en a pas besoin, reprend Larkie, elle ne se soucie pas de ces choses. Elle n'a jamais désiré un cadeau de Noël».
- «Elle y est peut-être moins indifférente que vous ne le pensez? On ne sait pas toujours ce que désirent les mamans. Je vous engage à le lui offrir quand même!»
Ce conseil ne plut pas à Larkie. Aussitôt que Mademoiselle eut tourné le dos, il jeta le calendrier sur un pupitre près du sien et se remit à songer à ses 10 fr. d'économie et à sa paire de patins.
Pourtant, un peu plus tard, rentrant à la maison et trouvant sa mère seule, ses deux soeurs étant sorties, il s'assit auprès d'elle.
Après un moment de silence pendant lequel les propos de l'institutrice lui revinrent à l'esprit: «Mère, fit-il, si un homme riche entrait ici maintenant et te demandait quel cadeau tu désirerais recevoir pour Noël, que lui répondrais-tu?»
Elle sourit: «Je ne sais trop
je crois que je lui parlerais d'habits neufs pour toi».
Larkie regarda sa mère avec étonnement. «Mais n'y a-t-il pas une chose que tu désirerais pour toi-même? N'as-tu jamais rien désiré, même quand tu étais petite fille?»
- «Voyons
Oui, je me souviens que j'eus grande envie d'une poupée! Mais nous n'avions pas de cadeaux à Noël; nous étions pauvres et ma mère ne pensait guère à ça.»
- «Ne mettiez-vous pas vos souliers dans la cheminée, au moins?»
- «Oui, pour faire croire aux autres enfants que nous recevions des présents comme eux et nous nous les remplissions les uns aux autres des produits de la ferme: poires, pommes, carottes, pommes de terre, etc., etc !»
- «Oh! Mère! - et la voix de Larkie tremblait: «était-ce tout ce que vous receviez?»
- «Mais oui, et cela ne nous peinait pas parce que nous y étions habitués. Pourtant, comme je désirais vivement cette poupée, j'avais prié pour l'avoir et je m'attendais à en trouver une!»
- «Et il n'y en avait pas?»
- «Non, mon chéri. Mais il y a longtemps de cela, ne prends pas un air si désappointé. Ce fut vite oublié».
Larkie était un bon petit garçon plein d'affection pour sa mère, mais, habitué à la voir s'effacer continuellement, toujours préoccupée de satisfaire ses moindres désirs, il en était arrivé à ne penser qu'à lui, oubliant les autres.
Ce jour-là, Larkie regarda sa mère comme il ne l'avait jamais fait: en personne qui pouvait avoir des désirs et des déceptions. Il y songea longtemps et, à mesure que s'approchaient les fêtes de Noël, la pensée de cette petite fille qui avait prié pour avoir une poupée et qui cependant ne l'avait pas eue, lui revint souvent à l'esprit.
Lorsque le samedi avant Noël, il se rendit chez le marchand pour acheter ses patins, l'image de cette poupée se plaça de nouveau entre lui et l'objet de sa convoitise. Il fatigua le commis par ses hésitations, essayant plusieurs paires de patins, sortant deux pièces de 5 francs, puis les remettant dans sa poche, quittant enfin le magasin sans avoir rien acheté, en disant qu'il reviendrait une autre fois.
Dans la vitrine du magasin d'en face, les cols dont Jacques avait parlé étaient exposés. Il y entra
seulement pour en savoir le prix! «Celui-ci est d'1 fr. 25, dit la vendeuse, celui-là de 2 fr. 50. En voici un de 5 fr. S'il est pour votre mère, je vous conseille de le prendre, les autres sont moins fins. Voyez comme il va bien! ajouta-t-elle en le mettant autour de son cou.
- Est-ce l'amabilité de la jeune fille, ou le souvenir de la poupée, ou quelque autre intuition qui en furent cause, le fait est que Larkie tira de sa poche ses 5 francs, les posa sur le comptoir et partit avec son cadeau gentiment enveloppé. Il souriait de plaisir tout en se disant néanmoins que sûrement sa bonne mère aurait préféré qu'il dépensât cet argent pour lui.
- Le lundi, en entrant à l'école, il dit à sa maîtresse:
«Mademoiselle, je voudrais faire un album. J'en dessinerai la couverture, je copierai dedans quelques chose: Une jolie poésie sur une mère et son fils, si vous voulez bien la choisir.»!
- «Oui, certainement, j'ai justement votre affaire. C'est comme cadeau de Noël à votre mère, n'est-ce pas?
- «Oh! je sais qu'elle n'y tient pas, mais je le lui donnerai si elle a l'air d'en avoir envie.
La maîtresse fut sur le point de dire quelques mots d'encouragement à Larkie, mais elle eut la sagesse de s'en abstenir.
Le matin de Noël arriva. La mère de Larkie était triste: elle n'avait pu acheter tout ce dont ses enfants avaient envie et, en pensant à leur désappointement, elle redoutait de les voir s'approcher de leurs souliers, bien qu'elle les eût remplis de petits paquets. Il y avait autre chose encore. Ses enfants commençaient à lui apparaître un peu - oh! rien qu'un peu - égoïstes!
Larkie, lui, au contraire s'était levé avec la joie de Noël dans le coeur. Il descendit l'escalier trois marches à la fois, criant à tous ceux qu'il rencontrait: «Joyeux Noël». Il ne regarda pas même son soulier. Que lui importaient ses cadeaux, maintenant qu'il avait un secret à lui tout seul.
- «Joyeux Noël, Maman», dit-il gaîment en entrant dans la salle à manger.
- «Oh Larkie»
et cette voix trahissait une anxiété, «je te le souhaite joyeux aussi, mais je crains bien que tu sois déçu, car je n'ai pu acheter tout ce que tu désirais!»
- «Qu'est-ce que cela fait», dit l'enfant avec un accent qui d'emblée soulagea le coeur de sa mère d'un gros poids
«je n'ai besoin de rien ou de presque rien!».
- Aperçevant ses soeurs: «Joyeux Noël», répète-t-il. «Déjeunons avant de regarder nos souliers, voulez-vous»?
- «Qu'est-ce que cela?», dit soudain la mère en découvrant deux petits paquets sous son assiette?
Les fillettes se regardaient tout étonnées, mais les yeux brillants de Larkie laissaient deviner son secret.
Ses doigts à elle, tremblaient, il fallut lui aider à dénouer les «faveurs». «Quel ravissant col de dentelles!» Larkie, dit-elle presque avec un ton de reproche: «tu n'as pas dépensé ton argent pour moi?»
- «Si, et je vais dépenser tout mon argent pour toi dorénavant». Maintenant, ouvre l'autre paquet.»
C'était l'album. Sur la couverture était dessinée une fillette à genoux, devant un lit, les mains jointes. Des arabesques bleues et or l'entouraient. Cet album était dédié à la mère de Larkie et contenait une petite poésie exprimant la reconnaissance, le dévouement, le profond amour d'un enfant. Elle en eut les larmes aux yeux. Etant veuve depuis longtemps, elle avait dû s'habituer à porter seule tous les fardeaux. Et la pensée ne lui était jamais venue que quelqu'un pût en prendre une part. Et voici que son fils se montrait à elle sous un jour nouveau: aimant, généreux et capable de comprendre peu à peu ses difficultés, de partager ses soucis. Etait-ce étrange que l'émotion la gagnât?
Larkie ne comprenait pas. - « Allons, Maman! ne pleure pas», dit-il tendrement. «Je savais bien que tu n'avais pas besoin de cadeau, mais j'ai voulu te faire celui-ci pour compenser ta tristesse d'autrefois, quand on ne t'avait pas donné la poupée que tu désirais tellement tu sais, quand tu étais petite fille!»
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