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Le métier
Le moment où il faut choisir la profession dans laquelle s'engage votre garçon est un des plus graves de votre vie; vous lui préparez une existence heureuse ou malheureuse suivant que vous choisissez bien ou mal ce qui convient à ses aptitudes et à ses goûts. Il n'est pas toujours facile de savoir quel métier il convient de choisir pour lui.
Il y a des garçons qui depuis des années ont fait eux-mêmes leur choix. Si votre enfant a une préférence, laissez-le suivre son idée à moins qu'elle ne vous paraisse tout à fait contraire à la raison. Mais il y en a d'autres qui n'ont jamais marqué aucune préférence et qui sont disposés à faire n'importe quoi.
Dans ce cas, si vous êtes embarrassés vous-mêmes, allez demander conseil à de bons ouvriers, à des patrons, à des personnes dont c'est la fonction d'étudier les qualités et les aptitudes des enfants.
Vous ne voudrez peut-être pas que votre garçon soit ouvrier; vous préférez qu'il soit employé dans un magasin.
Réfléchissez-bien. Il est plus facile à un ouvrier consciencieux de se faire une bonne situation qu'à un employé...
Ne soyez pas comme ces parents qui dédaignent le travail manuel et qui veulent faire de leur fils «un monsieur» sans en avoir les moyens... vous ne devez lui donner ce qu'on appelle «une profession libérale» que si c'est vraiment son goût et si ses qualités physiques et intellectuelles lui permettent d'espérer y réussir...
Quand vous mettrez votre fils en apprentissage, vous prendrez beaucoup de précautions dans le choix de son patron.
Ce n'est pas facile de bien choisir...
Vous aurez peut-être la tentation de placer votre enfant dans un atelier ou une usine où il recevra un salaire plus élevé que celui qu'on donne à un véritable apprenti...
Ne cédez pas à cette tentation. Dans ces usines, les enfants ne sont l'objet d'aucune attention particulière. Personne ne s'en occupe sinon pour exiger d'eux une certaine quantité de travail. On ne leur enseigne pas un métier; ils le devinent. Ceux qui sont intelligents, qui font attention à tout, qui ont une bonne nature, qui ont vraiment le désir de bien faire, finissent par acquérir une certaine habileté professionnelle, mais leur instruction sur la technique du métier ne se développe pas assez. Ceux qui n'ont pas de bons sentiments ou qui ont un caractère faible, ou dont les parents ne s'inquiètent pas, n'apprennent pas grand'chose. Ils grandissent sans devenir des ouvriers habiles. Bien qu'on les appelle «apprentis», ce sont des manoeuvres et la plupart resteront manoeuvres toute leur vie.
Faites donc des efforts pour que votre enfant apprenne bien réellement un métier. Ne dites pas quand vous vous privez un peu pour y arriver, que vous faites des sacrifices. Il peut gagner dès le premier jour comme «manoeuvre» ou «petit ouvrier» un salaire plus élevé que s'il était apprenti, mais au bout de peu de temps, son salaire ne s'élève plus; celui de l'apprenti au contraire montera sans cesse et dépassera bientôt celui du manoeuvre.
Et puis songez à la satisfaction que vous procurez à votre enfant. Devenu grand, il sera ouvrier de métier; il aura une instruction qui lui permettra de bien comprendre son travail et d'y porter beaucoup plus d'intérêt.
Il vous sera reconnaissant de ce que vous aurez fait pour lui et vous aurez vous-mêmes la joie d'avoir fait tout votre devoir.
Après avoir bien réfléchi, vous mettez votre fils en apprentissage. Demandez à son patron de signer avec vous un «contrat d'apprentissage». Acceptez de le signer si c'est lui qui vous le propose.
Beaucoup de pères de famille ont la crainte d'un contrat. Beaucoup de patrons n'en veulent pas. Les uns et les autres ont tort...(1)
Mettez-vous bien dans l'esprit que l'apprenti est, au début, une charge pour le patron. Votre enfant gaspillera beaucoup de matière, usera et détériorera beaucoup d'outillage, fera perdre beaucoup de temps à celui qui le dirige, avant de rapporter à son patron le moindre bénéfice...
Quand votre enfant est en apprentissage, vous n'êtes pas déchargé de vos obligations en ce qui concerne son travail. Vous avez pour devoir de vous assurer qu'il donne satisfaction à son patron et que son patron lui apprend bien réellement son métier.
L'apprentissage est une des périodes les plus importantes de la vie de l'enfant; c'est celle pendant laquelle se décide son avenir; toutes vos attentions, tous vos soins des années précédentes seraient presque sans résultat si vous cessiez de vous occuper de lui minutieusement.
L'atelier est un lieu qui a une grande influence sur la formation morale et professionnelle des jeunes gens.
Si vous avez placé votre enfant dans un atelier où il travaille sous la direction de son patron seul, vous avez beaucoup de chances pour qu'il n'ait sous les yeux que de bons exemples et pour qu'il apprenne bien son métier.
Mais s'il est dans l'atelier en contact avec plusieurs ouvriers, il risque de voir bien des choses, d'entendre bien des paroles qui sont pour sa moralité un véritable danger, et aussi de prendre de mauvaises habitudes professionnelles. C'est un mal qu'il est presque impossible d'empêcher quelle que soit la bonne volonté du patron.
Il y a des ouvriers qui n'ont pas le respect de l'enfant. Ils ne comprennent pas le mal qu'ils lui font quand ils tiennent en sa présence des propos qu'ils ne devraient jamais tenir nulle part, mais à plus forte raison devant un enfant, ou encore quand il lui rendent ses débuts difficiles par leur mauvaise volonté et leurs moqueries.
Ce mal serait irréparable si vous ne cherchiez à le connaître pour le combattre; et vous ne pouvez le combattre qu'en continuant à vous intéresser chaque soir à ce qu'a fait votre enfant dans la journée, comme vous avez dû le faire quand il allait à l'école.
Exigez que votre enfant rentre à la maison dès qu'il sort de l'atelier. La promenade dans les rues n'est pas indispensable à sa santé; elle n'est pas bonne pour sa tenue et ses manières...
Les cours professionnels ont une organisation qui ne dépend pas de vous. Ils ont lieu à des heures parfois tardives auxquelles il serait préférable que vos enfants soient près de vous, à la maison, mais il est difficile qu'il en soit autrement.
Envoyez donc votre enfant aux cours professionnels, mais renseignez-vous bien exactement sur les jours et les heures auxquels ils ont lieu. Ne le laissez partir de la maison qu'au moment convenable pour qu'il arrive à l'heure et exigez qu'il rentre sans s'attarder au dehors... Lorsqu'il est rentré à la maison, lorsqu'il a rendu les services que vous pouvez lui demander, parlez avec lui, soit en faisant un travail en commun, soit à la table de famille. Habituez-le à vous dire tout ce qu'il a remarqué, à vous expliquer tout ce qu'il a appris. Faites que sa journée vous soit connue comme si vous l'aviez suivi pas à pas...
Il faut craindre que votre enfant ne se décourage pendant les premiers temps se son apprentissage. Jusque-là il n'a travaillé manuellement que pour se distraire; ce travail a été amusant. Maintenant c'est un devoir. Il n'avait vu que le beau côté du métier qui lui a plu; maintenant il en voit les inconvénients, car tous les métiers ont les leurs.
Les débuts sont difficiles, encouragez-le. Donnez-lui de bons conseils pour qu'il se conduise à l'atelier de manière à gagner la sympathie de son patron ou des ouvriers auprès desquels il travaille.
Faites-lui bien comprendre que rien ne vient sans peine.
(1) A Genève, ailleurs sans doute, le contrat est obligatoire, mais il faut de la part des parents une grande vigilance pour que les clauses en soient exécutées aussi bien par les apprentis que par les patrons.
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