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L'éducation en vue de la paix

Ces derniers mois ont vu de grandes choses. A Stockholm se sont assemblés des représentants de toutes les Eglises chrétiennes (sauf une, malheureusement: l'Eglise romaine); ils se sont réunis non pas comme dans certains conciles de jadis pour maudire des hérétiques, mais pour coordonner leur action dans un esprit de paix. C'était un spectacle surprenant, nous dit-on, que ce cortège où la somptuosité des chasubles, la sévérité des robes noires, la simplicité des petits vestons tout nus se mêlaient en un pêle-mêle fraternel. Mais plus étonnant encore à distance, pour l'oeil de la pensée, ce rapprochement d'ennemis on peut bien le dire héréditaires, dont les guerres de religion ont pendant des siècles fait couler des flots de sang et allumé des bûchers: luthériens et réformés, anglicans et non-conformistes, cette union des persécuteurs d'hier, représentants des diverses Eglises successivement établies, et des martyrs, minorités traquées: depuis les anabaptistes et les Quakers jusqu'aux salutistes.

Quelques semaines après, à Locarno, c'était une autre assemblée: des ennemis plus récents, avec des souvenirs tout frais, hélas! et combien poignants, marquaient eux aussi une volonté de paix.

Et, ces tous derniers jours enfin une prompte intervention de la Société des Nations a réussi à arrêter une guerre alors que le canon avait déjà commencé à tonner.

Ces grands événements ne sauraient laisser des éducateurs indifférents. Nous savons des classes d'école, des troupes d'Eclaireuses où l'on en a parlé à nos enfants. Nous en sommes heureux. Mais nous aussi, parents, autour de la table de famille, nous ferions bien de souligner pour nos petits la portée de ces faits si gros d'espoir pour l'avenir de la famille humaine. Et ce sera l'occasion peut-être de nous demander ce que nous-mêmes nous pouvons faire pour la paix.

C'est le propre des problèmes d'éducation qu'ils intéressent toujours la personnalité tout entière. Ils ont beau se poser en termes précis, paraître ne toucher qu'à un point spécial, à les regarder de plus près, ils impliquent une revision de toute notre manière d'agir.

Pour faire de nos enfants des hommes de paix, nous ne nous en tirerons pas avec quelques petites recettes techniques positives ou négatives: «Faites ceci» «Ne faites pas cela». Un instant de réflexion nous convainc en effet que nous ne pouvons y travailler sans lutter contre l'égoïsme, sans un effort pour développer le sentiment de la justice; en d'autres termes c'est toute l'éducation du coeur et de la raison qui se pose à propos de la paix.

Quoique ce sujet soit immense, abordons-le courageusement.

Il y a dans l'enfant des instincts de lutte. Ils sont anciens. Ils ont joué un rôle capital, semble-t-il, pour assurer la vie de l'homme à ses origines, pour permettre notamment la constitution de la famille humaine où le plus fort, le mâle adulte, défend et protège les plus faibles, la femme et l'enfant. Ces instincts de bataille revivent dans nos petits. On peut en réprimant ce qu'ils ont de dangereux (pour leur caractère aussi bien que pour leur corps... et pour leurs vêtements) leur montrer la signification de ce goût de la lutte qui doit, encore aujourd'hui, être chevaleresque, altruiste (on ne doit pas se battre contre de plus petits, ni pour se procurer des avantages à soi-même comme faisaient les seigneurs pillards de jadis, mais pour défendre les opprimés, comme les bons chevaliers du Roi Arthur). On peut aussi leur faire constater que l'homme s'est développé. Une grande force que l'homme des cavernes n'avait guère à sa disposition, la pensée, a grandi en lui. Il ne faut pas qu'il s'en serve pour opprimer autrui par la ruse. Mais au contraire pour trouver des moyens de dénouer les querelles: la volonté de paix et de droit est ingénieuse; la pensée est une force bien plus grande que la force brutale. Je sais une école, la Maison des Petits, où ces considérations, que vous pouvez appeler de la philosophie de l'histoire, sont présentées avec beaucoup de succès à des enfants de six et sept ans.

La force brutale qu'une partie de nous-même continue d'admirer instinctivement, n'est pas une belle chose. Nul ne l'a mieux compris dans le passé que les Chinois. En Chine, nous dit-on, on ne parle jamais de la violence; de même que nous ne raconterions jamais à la table de famille une agression sexuelle, par exemple, de même là-bas on n'y fait jamais mention d'un meurtre ou d'une rixe. Ces choses sont laides. Pendant des siècles, le plus grand peuple du monde a vécu sans guerre avec un idéal humain («Sous le ciel une seule famille», disait Confucius) qui ne sera pas dépassé.

A l'effort de la pensée pour autrui correspond naturellement une lutte contre toutes les tendances égoïstes qui l'entravent. Tout ce que nous ferons pour habituer les enfants à la vie simple et pour leur en donner le goût, pour leur apprendre à se servir eux-mêmes et à réduire leurs besoins sera dans l'intérêt de la paix, en diminuant les occasions d'envie et d'agression. Diogène le Cynique et saint François le Poverello, si différentes que soient leurs inspirations, furent dans leur dénuement volontaire deux grands hommes de paix.

La culture du sentiment de la justice est une grande tâche. Les premières étapes sont celles de la première éducation morale. L'idée de justice se dégage surtout au moment où l'enfant, vers dix ou douze ans, s'élève à l'idée de la loi égale pour tous. L'instinct social manifesté dans les jeux y aide beaucoup. C'est le moment où l'enfant comprend qu'un vrai jeu a des règles et que ces règles doivent être maintenues envers et contre tous. La parabole souvent reprise du jeu de la vie, où «nul n'est couronné s'il n'a combattu suivant les règles» trouve alors accès dans l'imagination de l'enfant.

La force de la pensée au service d'autrui sous l'inspiration d'un idéal de justice... c'est très grand et c'est parfaitement accessible à l'enfant. Mais il faudra peiner beaucoup pour que les traditions (qui sont, comme les instincts, une canalisation de forces sur les lignes du passé) n'empêchent pas le plein épanouissement de cette grande idée.

Le patriotisme pose ici des problèmes nombreux et parfois difficiles. La patrie que l'on sert, les concitoyens, les compatriotes auxquels l'on se sent uni par une solidarité vivante, c'est un admirable mobile dans la lutte contre l'égoïsme. Mais présentons-le comme tel, comme un moyen, partant comme une étape; non comme un but, comme un absolu. On a dit que la Patrie était le Dieu de beaucoup de nos contemporains. Pour les enfants du Père Céleste, de qui toute patrie tire son nom, il ne saurait en être ainsi. La famille humaine est plus vaste que celle du pays natal. Elle n'est pas moins réelle. Il faut que nos enfants non seulement le sachent, mais qu'ils le sentent.

Et d'abord présentons-leur le patriotisme non pas dans ses gestes extérieurs: le salut au drapeau ou l'hymne national, mais dans sa réalité concrète. En Suisse, par exemple, l'intérêt sympathique pour ceux qui parlent une autre langue (dialectes harmonieux ou rudes que nous n'entendons pas, mais dont nous devrions être curieux) ou qui adorent Dieu suivant une tradition différente; l'action bonne surtout en faveur des confédérés lointains ou prochains: dons d'argent ou travail volontaire (parlons-leur de la belle équipe qui a besogné pour réparer la catastrophe de Someo et dont Mlle Monastier vient d'écrire l'histoire en un livre très attrayant). Nous avons la chance que notre Confédération suisse nous est comme une leçon de choses toute proche de ce que pourrait être une confédération humaine.

Cette famille humaine, elle, n'a pas encore de symboles qui parlent aux yeux et aux oreilles. (La carte géographique bleu-marin qui sert d'emblème aux associations pour la Société des Nations, et l'hymne de Zamenhof d'une inspiration si haute, marquent que le besoin s'en fait sentir). Mais qu'est-ce que le Notre Père sinon la prière de la famille humaine? L'éducation religieuse d'aujourd'hui (telle que les Unions Cadettes la font connaître en ce moment même par leur exposition) a, grâce aux Missions par exemple, révélé les moyens de rendre réelle et concrète l'unité des peuples et des races. (Un camp international qui a groupé cet été à Vaumarcus les jeunes garçons de 19 pays différents vaudrait d'être raconté ici). Les Eclaireurs, la Croix-Rouge de la Jeunesse travaillent dans le même sens. Il n'est pas difficile grâce à ces organisations, surtout si l'on s'est donné la peine d'apprendre l'esperanto, de trouver à nos enfants un ou plusieurs correspondants de leur âge dans les pays les plus inconnus.

Et après avoir étendu leurs regards sur les plus vastes horizons, nous ne manquerons pas au logis même de leur enseigner en souriant quelques bons adages pacifiques de nos pères sur ce qu'il faut savoir éviter «Qui répond appond» et sur ce qu'il faut apprendre à faire «Der Gscheitere git na» (Le plus malin cède).









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