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Trésors méconnus

Ce que dans son cabinet un banquier préfère c'est la caisse; ce que dans sa culotte le bébé aime le mieux, c'est la poche.

La poche ! c'est-à-dire un endroit bien à lui où il accumule ses petits trésors : morceaux de bois, noyaux de pêche, bouts de crayons, clous, boutons . . . n'importe quoi. C'est là que sa vie entière morale et physique, laisse une trace palpable de ses pensées et de ses actes. Tous ces petits riens ont été une cause de joie et d'intérêt, chacun d'eux lui a pris un instant de sa vie et représente un rêve. Ne le traitez pas de fou, le cher collectionneur, respectez ces débris, et si faire se peut ne les lui enlevez pas. C'est sa boîte au secret, cette poche, c'est le coffre où sont entassées toutes ses joies d'un jour.

Qui sait si le lendemain, à son réveil il ne cherchera pas avec des larmes ce petit morceau de bois que vous avez jeté au feu ? Songez que ce morceau de bois gros comme un tuyau de plume et long comme le doigt n'était pas pour lui un morceau de bois comme les autres, c'était - puisqu'il faut tout vous dire - un couteau à deux lames, un joli couteau coupant comme un damas, ou bien un merveilleux canif. A cet endroit où vous avez vu un noeud, se terminait le manche et la lame brillante couverte d'arabesques commençait à ce point-là. Mais ce n'est peut-être après tout ni un couteau ni un canif, c'est peut-être un pistolet, un vrai, comme celui de papa ; ou bien une canne et une ombrelle, à moins que ce ne soit une pipe et un fouet.

La réalité n'est point dans l'objet lui-même, elle est dans le rêve de son esprit, son imagination a travaillé, s'est exilée autour de ce morceau de bois, prenant prétexte du moindre détail, de la moindre rugosité de l'écorce pour pousser le rêve plus loin.

L'enfant n'est point dupe de lui-même. Ce qui l'amuse, ce à quoi il tient, c'est au travail de son cerveau, c'est à l'image créée par lui et qui lui apparaît au seul contact de l'objet matériel,

Toutes ces petites choses qui sont là dans sa poche sont autant de vilaines clefs qui ouvrent les tiroirs remplis de pierreries.

Visions, si vous voulez, mais visions qui le charment et qui emplissent sa vie. Laissez donc au cher enfant son fouillis, dans un coin fait pour lui. Qu'il entasse à son aise ses cordes cassées, ses balles décousues, les roulettes de ses voitures, ses chevaux éventrés et tout l'amas étrange des débris qu'il aime.

Ce qu'il préfère, ce n'est point le joujou neuf, serait-il d'or ou d'argent, - bébé est philosophe - c'est le joujou brisé, le joujou intime qui a vécu avec lui, le souffre-douleur qu'il a frappé, meurtri, qui s'est laissé ouvrir les flancs sans se plaindre, qui a écouté les confidences, qu'il a embrassé de ses deux lèvres roses en ses jours d'expansion et sur lequel ses chaudes larmes sont tombées, comme de grosses perles brillantes, à l'heure où il avait le coeur gros.

Si l'enfant peut à volonté se faire une arme superbe d'une allumette cassée, il peut avec la même facilité se faire un ami d'un morceau de carton, et il n'y manque pas.

En vérité, je le répète, sa vie tout entière est dans cette montagne de joujoux cassés. Son esprit y a laissé des rêves, et son coeur des affections. N'effarouchez pas le petit halluciné, par votre gros bon sens, qui est plus gros qu'il n'est bon; n'allez point lui dire, en regardant le bouton suspendu au bout d'un fil qu'il porte sans cesse à son oreille et examine avec attention, n'allez point lui dire :

- Qu'est-ce donc que tu as là, petit homme.
Il vous vous répondra, moitié honteux, moitié surpris.

- Mais c'est une montre de vrai, petite mère.
Il rougit d'être pris en flagrant délit de poésie.

- Une montre cela ? mais c'est un bouton lui répondrez-vous bien vite; car il faut se hâter de redresser les erreurs de l'enfance.

Mais, il le savait aussi bien que vous que ce bouton n'était pas une montre.

Vous avez réveillé le pauvre petit, vous avez coupé sa joie. Vous avez soufflé bravement sur un château de cartes qui ne vous gênait pas, vous avez écrasé de votre botte une petite bête à bon Dieu qui flânait délicieusement.

C'est une jolie expédition que vous avez faite là, ma chère dame ! Si on vous rendait la pareille ? Car enfin vous construisez aussi pas mal de châteaux de cartes, en Espagne ou ailleurs, et les vôtres sont aussi fragiles que les siens, mais à coup sûrs moins acceptables ; car vous croyez aux vôtres de toute la force de votre vieille logique et lui ne croit aux siens, comme il le dit, que pour faire semblant.

Cette imagination excessive qui enveloppe l'enfant dans une atmosphère particulière, veille, comme un bon ange, dans les rideaux de son lit, le suit partout, l'accompagne, le protège, écarte les ronces et chasse devant lui les dures réalités, comme on chasse une branche qui barre le chemin. Et, en effet, l'enfant n'a-t-il pas raison de suivre docilement la bonne fée et de se laisser aller au courant enchanté ? Il rêve parce que rien au monde ne lui est plus agréable et qu'il se tourne vers le plaisir comme une plante se tourne vers le soleil. Manque d'expérience direz-vous ?

Erreur, il a la sienne qui n'est point toujours la vôtre, il est vrai, mais qui en est une aussi. Il a celle des jouissances qu'il connaît, absolument comme vous et moi. Vous le trouvez inexpérimenté parce qu'il ne lit pas le journal, mais soyez sûr que lorsqu'il nous voit passer sans émotion devant un beau tas de sable, devant un toutou en peau de lapin ou un cheval en carton, il se dit : "Voilà des gens qui manquent prodigieusement d'expérience, il négligent une jouissance. Quels grands enfants que tous ces adultes !"

Constatons donc, pour nous résumer, que le bébé dans ses courses folles à travers le merveilleux, reste parfaitement logique et raisonnable.









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