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Souvenir d’hôpital
Conduire son enfant à l’hôpital est toujours ressenti comme une déchirure, parfois comme une injustice. Les parents réagissent dans ce cas selon leur personnalité, laissant apparaître plus ou moins leur angoisse. Mais là n’est pas mon propos; j’aimerais plutôt essayer de comprendre comment un enfant, le mien en particulier, a pu assumer cette difficile épreuve.
Agé de 5 mois, il est entré en pédiatrie. Attaché sur le dos, des poids au bout des jambes, l’immobilité lui a été imposée du jour au lendemain... et pour des mois. Pas un cri. Le silence. Il dormait paisiblement, mangeait avec appétit et détournait calmement la tête lorsque je lui disais quotidiennement: "Maintenant, maman doit partir".
Apparemment, mon fils prenait très bien ce que d’autres enfants supportaient si mal: certains pleuraient beaucoup, d’autres refusaient de manger ou de boire.
Rassurée, mais troublée par le silence de mon enfant, les mois se sont écoulés. Peut-être est-il vraiment né ce jour de printemps, où, enfin sorti de l’hôpital (mais toujours immobilisé par des plâtres) il a vu les feuilles bouger sous le soleil. Ses yeux se sont enfin animés, comme s'il sortait enfin d’un long sommeil!
A partir de ce jour, nos relations ont changé: au cours des années qui ont suivi (les mois d’hôpital et les opérations alternant avec les séjours à la maison entravés par les plâtres) une complicité merveilleuse s’est établie entre nous, mieux qu’une complicité, un véritable "transfert d’énergie". L’enfant prenait, s’épanouissait, et comme un "zombie", j’avais toutes les peines à me ressourcer afin d’être suffisamment en forme pour donner.
Nos après-midis d’hôpital passaient maintenant à toute vitesse, nous avions tant de choses à faire (jeux aimantés, peinture avec les doigts, collages, livres, bonbonnailles à sucer, etc.) Avec les années, les enfants apprenaient entre eux la solidarité: les jouets passaient d’un lit à l’autre et les amitiés se renforçaient.
Aujourd’hui, mon grand adolescent garde un bon souvenir de l’hôpital: "C’était chic, j’avais plein de visites, je recevais beaucoup de cadeaux, et avec les infirmières, on riait bien. Non, je n’ai jamais eu mal, mais il y a une chose que j’ai détesté, vraiment détesté, c’est le sirop qu’il fallait boire avant les opérations; c’était dégoûtant et amer!"
Après 4 ans d’hôpital, plusieurs opérations et des plâtres à la maison, son souvenir s’est catalysé sur ce sirop qui annonçait confusément à l’enfant l’inconnu que représente une opération ainsi que l’angoisse, notre angoisse! son angoisse?
Reste la question: que s’est-il passé pendant ces premiers mois d’hospitalisation vécus dans le silence ou plutôt dans l’absence? Je pense que dans la difficulté, chaque enfant utilise ses propres ressources. Pour certains bébés, c’était la révolte (je hurle, je ne mange pas, je n’accepte pas), pour mon enfant ce fut peut-être la fuite dans l’imaginaire. A l’usage cette façon de réagir m’a quelquefois causé des perplexités. Pas à lui.
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