Accueil
   

 

 

 

RECHERCHES
Rechercher un mot dans les articles:


Recherche avancée
• par mots
• par thèmes

ARCHIVES DE TOUS LES ARTICLES



AUTRES MENUS
ACCUEIL
ADRESSES
  • Adresses utiles
  • Bibliographie
  • Liens Internet
LE JOURNAL






Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
En dehors du grand intérêt pour vous de cette matière exceptionnelle, que vous soyez jeune parent, chercheur dans une université ou simplement intéressé par l'évolution des comportements humains, votre soutien par l'intermédiaire d'un abonnement nous est indispensable.
Pour les pays lointains et si vous ne désirez pas profiter de la version papier, un abonnement sous forme de pdf est accessible au même prix annuel de CHF 30. Il vous donne un accès complet aux archives
RETOUR

Deux éducations

I.

- Maman! Maman! Tu me dois deux francs. Je suis premier.

- Premier, voilà du nouveau, et en quoi, je te prie?

- En morale. Imagine-toi que ma composition sur les devoirs de l'enfant dans la famille et dans la société était la meilleure de toutes et que le maître m'en a félicité.

- Vraiment ? Et qu'avais-tu donc tant trouvé à dire sur ce sujet ?

- Oh ! de très belles choses, surtout je crois sur le respect et l'obéissance que l'on doit à ses parents. Enfin, c'était très bien.

- C'est égal: être premier en morale rien que pour avoir mis quelques phrases sur le papier il n'y a pas grand mérite, il me semble. J'aurais mieux aimé que ce fut en orthographe ou en calcul que tu eusses la meilleure place. Ton père aussi, je suis sûre. Premier en morale, ce n'est peut-être pas cela qui te servira le plus dans le commerce, j'en ai peur.

- C'est tout de même être premier, répliqua le petit garçon, non sans quelque amertume. Et tu m'a promis de me donner deux francs, tu sais Maman.

- Oui, oui, je le sais. C'est même une promesse qui m' a coûté assez cher pour que je m'en souvienne., Quand je pense qu' il a fallu que tu ailles te vanter de la chose à ton père ! comme si tu ne savais pas qu'il ne veut pas que tu aies de l'argent à dépenser à tort et à travers et que ça ferait encore une scène. Enfin je sais trop que je n'aurai ni trêve ni merci jusqu' à ce que tu aies ta pièce. Seulement tâche de tenir ta langue au chaud, si tu peux.

Et sa pièce donnée, d'assez mauvaise grâce d'ailleurs, Madame X retourne à ses travaux culinaires, tandis que Robert se met à ses devoirs d'école. Mais malgré sa pièce blanche son coeur n'est pas joyeux et il travaille sans entrain. Les paroles décourageantes de sa mère raisonnent à ses oreilles : "Ça sert à grand'chose, pense-t-il, d'être premier en morale pour être toujours grondé!" Tandis qu' en soupirant il se penche sur son cahier d'arithmétique, Madame X réapparait l'air pressé et important :

- Il faut que tu sortes tout de suite pour aller me chercher une livre de farine chez le boulanger.

- Une commission ! juste au moment où je suis en train de faire un problème si difficile. Laisse moi au moins le finir sans cela le ne pourrai plus m'y reconnaître ensuite.

- Un problème! La belle affaire! Tu le feras après souper. Crois-tu que je puisse attendre pour ma sauce blanche ? Ton père va rentrer, et le repas ne sera pas prêt.

- C'est toujours moi qui dois faire toutes les commissions. Pourquoi ne les fais-tu jamais toi-même ?

- Pourquoi, Monsieur l'impertinent ? Voyez-vous le malhonnête! Se permettre de parler ainsi à sa mère. C'est bien la peine d'être premier en morale pour répliquer ainsi! D'ailleurs, assez discuté comme cela.

Tout grommelant le pauvre Robert dut s'exécuter. Il ne tarda pas cependant à trouver quelque dédommagement à sa contrariété. D'abord un camarade avec lequel il s'arrêta un moment à causer des événements du jour et surtout de la fameuse composition de morale qui lui avait valu ses deux francs. Puis à la boulangerie-pâtisserie où il dut aller chercher la farine et où le camarade, séduit par le prestige de la pièce de quarante sous, crut devoir l'accompagner, ce fut de nouvelles tentations. Il y avait là des brioches si dorées, si parfumées, des éclairs au chocolat si bien bourrés de crème que Robert n'y résista pas et que, grâce à la collaboration empressée du camarade, la pièce de deux francs y passa à moitié. Ce fut un bon petit moment, il n'y a pas à dire, et Robert en oublia un instant les vicissitudes de l'existence, et l'ennui de faire "ces éternelles commissions".

Mais il fallut bientôt revenir à la réalité, rentrer à la maison. Hélas! de nouvelles gronderies y attendaient l'enfant. Qu'avait-il pu faire si longtemps dehors, alors qu'il savait qu'on attendait la farine pour la sauce blanche ? Et le père qui était déjà rentré ! C'était la faute de Robert si le souper n'était pas prêt.

Mais la soupe servie, Robert ne put la manger et le mystère des brioches et des éclairs au chocolat faillit être découvert. Pauvre Robert ! La petite collation à la pâtisserie fut sur le point de lui coûter cher. Comment s'en tira-t-il ? Par un mensonge, vous pensez bien.

Il alla se coucher mécontent de lui et de tout. Si les gâteaux lui pesaient sur l'estomac, toutes les fautes de la soirée lui pesaient bien aussi un peu sur la conscience et il n'était plus fier du tout.

Premier en morale!

II.

- Maman! Maman! Tu vas être contente. Je suis premier.

- Premier ? je te félicite. Et en quoi, mon garçon ?

- En morale. C'est pour cette composition, tu sais bien, que nous avons faite la semaine dernière sur les devoirs de l'enfant dans la famille et la société, et c'est moi qui ai eu la meilleure.

- C'est très bien et ton père sera content, je suis sûre. Seulement voilà: être premier en morale, c'est quelque chose de grave, tu comprends, connaître si bien ses devoirs c'est presque s'engager à n'y plus manquer.

- Oh ! Maman, c'est si difficile quelquefois d'obéir.

- Plus difficile en pratique qu'en théorie alors car si je me rappelle bien tu avais trouvé de très belles choses à dire sur les devoirs de l'obéissance si faciles et si doux pour l'enfant qui aime ses parents ? Je cite textuellement je crois ?

- Tu te moques de moi, Maman ?

- Mais non, mon enfant, seulement je tiens à te faire remarquer combien il est plus facile de bien dire que de bien faire.

- Tu es pourtant contente que je sois premier et que j'aie fait une bonne composition ?

- Certainement et je veux te faire plaisir aussi. Voyons, si nous invitions ton ami Jacques à venir passer le jeudi chez nous, avec tes cousins, serais-tu content?

- Oui, mais . . .

- Mais tu as quelque chose de mieux à me proposer, je crois. Eh ! bien, dis-le seulement.

- Voilà: c'est que j'aimerais mieux un peu d'argent. C'est la fête de papa dans huit jours, tu sais, et je n'ai pas assez pour lui acheter ce que je voudrais.

- Quoi donc, mon enfant ?

- Un si joli portefeuille rouge que j' ai vu à la grande papeterie près de l'école. Celui de papa est si usé, tu sais. Seulement cela coûte deux francs et je n'ai que 50 centimes. Et puis il y a aussi mon compas que j'ai perdu et qu'il faut que je remplace.

- Eh bien ! voici deux francs pour tes achats. Es-tu content?

- Oui, maman, merci.

Sa pièce donnée Madame Y sort de la chambre pour aller s'occuper des préparatifs du souper, tandis que Frédéric se met à ses devoirs tout content et plein de courage.

Sa mère est satisfaite, il a en poche de quoi acheter un joli cadeau à son père, comment ne serait-il pas heureux et fier ?

Un moment après, Madame Y entr'ouvre la porte et entre doucement.

- As-tu bientôt achevé tes devoirs ? Où en es-tu maintenant ?

- Oh ! Maman, j'ai un problème si difficile. Jamais je n'arriverai à le comprendre!

- Voyons un peu.

Madame Y a oublié beaucoup de règles d'arithmétique, mais à défaut de mémoire elle a assez d'intelligence et de bon sens pour pénétrer avec son garçon le sens de l'énigme. Du reste, Frédéric, encouragé par la présence de sa mère y met du sien et s'en tire à peu près tout seul.

Au bout d'un moment solution et opérations soigneusement copiées, Frédéric se lève tout joyeux.

- Fini ! J'ai fini mes devoirs.

- Tant mieux. J'ai justement une commission à te donner à faire. Ton père va rentrer du magasin. Le souper est prêt, mais j'ai peur qu'il n'y ait pas assez de pain.

- J'y vais, maman. Et je pourrai acheter en même temps le portefeuille et mon compas ?

- Attends jusqu'à demain pour le portefeuille, j'irai l'acheter avec toi.

- Alors, j'achète seulement le compas ?

- Oui, va.

Est-il besoin de dire que sur son chemin, Frédéric trouva à peu près les mêmes aventures et les mêmes tentations que Robert? Qu'il rencontra un ami auquel il fit part aussi de sa nouvelle fortune, et qui l'accompagna jusque chez le papetier et le boulanger. A la boulangerie-pâtisserie, ce furent aussi les mêmes excellentes brioches parfumées, les mêmes éclairs au chocolat si bien bourrés de crème, mais c'est à peine, si Frédéric eut un regard de convoitise vers les gâteaux: l'idée d'écorner son petit trésor, de ne plus avoir suffisament d'argent pour le portefeuille, c'en était assez pour l'empêcher de succomber à la gourmandise. Et puis il avait appris à tout dire à sa mère et il savait bien qu'elle n'aimait pas le voir manger des gâteux si peu de temps avant le souper.

Le camarade en fut donc pour ses frais de politesse et Frédéric rentra chez lui avec un appétit qui lui permit de faire honneur au repas. Il y fut accueilli par un sourire et un merci de sa mère, par la voix amicale de son père, qui venait de rentrer et ce soir là il s'endormit heureux.









www.entretiens.ch fait partie du réseau « NETOPERA - culture - société - éducation sur Internet » et pour la photographie PhotOpera - Uneparjour || DEI - Défense des Enfants - International
ROUSSEAU 13: pour allumer les lumières - 300 de Rousseau  ROUSSEAU 13: les IMPOSTURES - 300 de Rousseau - portraits déviés PHOTOGRAPHIE:Nicolas Faure - photographe d'une Suisse moderne - Le visage est une fiction - photographie de l'image brute - Laurent Sandoz - comédien et acteur professionnel - Genève