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Appel aux Mères
La grande cloche de la fabrique s'est ébranlée, il est six heures. En foule tumultueuse et bruyante, l'essaim des jeunes ouvrières se précipite dans la rue; les unes, folâtres et rieuses, babillent joyeusement et s'éloignent par groupes en se donnant le bras; d'autres, à l'expression morne ou découragée, s'en vont lentement, silencieusement. Chacune aurait une histoire, souvent navrante, à raconter.
Je les revois défiler devant moi, les cheveux frisés, dans leur fraîche toilette du dimanche, une plume sur le chapeau, des fleurs sous l'aile relevée, le sourire aux lèvres: "Il faut bien s'amuser le dimanche quand on a peiné toute la semaine" et puis on a "une connaissance" qui vous invite à boire, à danser, qui vous promet le mariage plus tard "quand on gagnera davantage", et la jeune fille entraînée se perd sur la route large qui conduit aux abîmes. Qui la retient ? Qui s'inquiète d'elle ? N'a-t-elle pas de mère pour veiller sur elle ?
Mais ce n'est pas l'ouvrière seule qui se perd: voici la demoiselle de magasin, toujours correcte, toujours accorte, sa toilette est irréprochable; elle sert les pratiques avec un sourire, elle cause agréablement avec les voyageurs.
Et, le dimanche, elle ira sans doute à l'église, elle lira quelque livre sérieux, elle se consacrera à ses frères et soeurs cadets. Oh ! non, que diraient "ces autres dames" si elle allait au sermon ? D'ailleurs elle ne demeure pas dans sa famille; mademoiselle est en chambre, elle est sa propre maîtresse; où serrerait-elle ses colifichets dans l'humble chambre de ménage, encombrée d'enfants malpropres ? Le soir, elle va au théâtre, au café-concert et le galant jeune homme qui l'a invitée la reconduit à la maison.
- Dis, jeune fille étourdie, n'as-tu pas de mère? Ta mère ne t'a-t-elle pas enseigné autre chose ?
Mlle Bertha vient de se lever; il est midi; elle baîlle, elle s'étire. C'est qu'elle est rentrée à quatre heures du matin; elle va être maussade et désoeuvrée toute la journée parce qu'elle a trop dansé la veille. Du reste l'ennui la consume, elle ne sait pas comment tuer le temps. Elle peint, elle joue du piano, elle lit le roman du jour, elle fait de la tapisserie ou de la dentelle, mais rien ne l'amuse. Au fond, elle ne vit que pour soi, ne pense qu'à soi. Le dévouement, le sacrifice, l'amour du prochain sont des mots vides de sens pour elle. Bertha, n'as-tu point de mère, ta mère est-elle spectatrice inerte de ta vie oisive et inutile, ne t'a-t-elle pas montré un but plus élevé ?
Vous me direz que toutes nos filles ne sont pas élevées ainsi, qu'il y a encore dans toutes les classes des natures nobles, des caractères fortement trempés, des femmes de coeur, aimant le devoir, éprises de l'idéal. Oui, grâce à Dieu il y a des perles dans la fange, des diamants et des grains d'or dans la foule, mais le courant qui entraîne notre jeunesse, le trait commun à toutes les classes de la société, n'est-ce pas la soif du plaisir, le besoin d'indépendance, d'affranchissement de toute règle et de tout frein ? Si vous leur parlez de Dieu, de leur âme immortelle, de l'amour du prochain, du but de la vie, ils haussent les épaules: "Vous avez des idées bien surannées ! qui croit encore à ces choses ? nous sommes modernes, laissons toutes ces balivernes aux vieilles femmes !" Et ainsi s'élève une génération sans Dieu, occupée seulement des choses de la terre, le vide au coeur, l'âme desséchée.
A qui la faute?
"Malheur à moi ! J'ai été une mauvaise mère!" gémissait une dame de la bonne société à qui sa fille, brisée par les remords, venait de confesser qu'elle avait entretenu sous le toit paternel des relations coupables avec un étudiant qui était leur pensionnaire!
Et ce cri de condamnation, cette accusation humiliante, combien de mères pourraient les répéter !
Sans parler des mères dénaturées, des mères vicieuses qui incitent leur filles à la boisson ou à l'inconduite, combien n'y en a-t-il pas qui sont absolument indifférentes au développement moral de leurs enfants.
Elles s'alarment peut-être si l'enfant est malade, elles lui procurent des vêtements, de la nourriture; mais ne songent pas à arracher du jeune coeur les germes de l'égoïsme, de la vanité, de la paresse, de la sensualité. C'est trop de peine ! Quand ta conscience te reproche que tu n'as pas fait ton devoir de mère, tu te tranquillises en alléguant des excuses: "Ma petite était si colérique, on n'osait pas la contrarier", ou bien: "Quand elle sera plus grande, elle deviendra raisonnable", ou encore: "Je n'avais pas le temps de la corriger, et son père la gâtait."
Tu savais que c'était un dépôt sacré que Dieu t'avait confié, tu as vu le mal se développer dans ce jeune coeur et tu n'as rien fait pour le combattre; au contraire, tu as encore donné des armes à l'ennemi.
Pourquoi lui as-tu acheté cette robe de velours ? Pourquoi as-tu permis au voisines de lui répéter qu'elle était mignonne, pourquoi le lui as-tu dit toi-même ? N'était-ce pas la rendre vaine ? Et quand elle repoussait son assiette de soupe ou de légume au lieu de l'obliger à manger ce qui était sain pour elle, pourquoi lui as-tu donné une friandise ? N'était-ce pas la rendre gourmande? Au lieu de soumettre sa petite volonté n'as-tu pas ri de ses caprices, n'as-tu pas encouragé son obstination ?
Tu ne lui as jamais appris à haïr le mensonge; tu n'as pas craint d'affirmer en sa présence des choses que tu savais n'être pas vraies. Tu n'as pas fait taire tes voisines quand elles ont raconté devant ta petite des histoires scandaleuses: tu n'as pas gardé le coeur de ton enfant et tu t'étonnes que cette jeune plante qui a poussé dans un air vicié ait contracté le germe de vice? Oh! pourquoi n'as-tu pas veillé quand elle était petite? Pourquoi n'as-tu pas surveillé ses relations avec les enfants de la rue ? Ne savais-tu pas à quelle heure elle devait rentrer de l'école ? et tu aurais pu la garder pure et tu aurais pu lui faire aimer la maison et le travail et maintenant qu'est-elle devenue ?
Tu as dormi pendant que ta fille se perdait. Réveille-toi, mère, avant qu'il soit trop tard.
Peut-être as-tu manqué d'amour? Tu étais toujours trop occupée pour t'intéresser aux jeux de ta fillette. Quand elle accourait confiante te priant de lui faire une robe pour sa
poupée, tu lui répondais brusquement: "Ah bien oui ! j'ai le temps de m'amuser à cela!" et un nuage passait sur la petite figure anxieuse. Elle jetait sa poupée et songeait tristement: "Maman n'a pas le temps!"
Combien de fois tenue éveillée dans son petit lit par le souvenir d'une mauvaise action, d'un chagrin enfantin, n'aurait-elle pas aimé te confier le poids qui l'oppressait, mais elle se répétait mentalement: "Maman n'a pas le temps de m'écouter", et cette jeune plante qui se serait ouverte au soleil de l'amour, s'est repliée sur elle-même, et toi qui aurais pu être pour elle une amie, sa meilleure amie, tu as élevé toi-même la barrière qui sépare vos deux vies maintenant. La jeune fille ne te communique rien de ses sentiments, de ses désirs, elle vit dans un autre monde que toi, froide et réservée, elle ne se préoccupe pas davantage de ce qui te concerne que tu ne t'inquiétais jadis de ses chagrins d'enfants; "tu récoltes ce que tu as semé!"
Une autre mère me dira: "J'ai aimé mon enfant, je ne lui ai jamais rien refusé, je m'ôtais les morceaux de la bouche pour les lui donner, je me privais d'une robe neuve pour l'habiller proprement et voilà toute la reconnaissance que j'ai rencontré: à présent que je suis âgée et fatiguée, elle ne songe pas même à me soulager, elle ne pense qu'à s'amuser, à courir, à dépenser tout ce qu'elle gagne pour des colifichets!"
Hélas! le "manque d'amour ou l'amour trop indulgent" qui n' a jamais le courage de dire un "non" décidé, aboutissent au même résultat , à la banqueroute de l'éducation.
Pauvre mère! n'as-tu pas senti que tes propres forces ne suffisaient pas à cette tâche? N'as-tu jamais poussé vers Dieu le cri de la femme cananéenne : "Seigneur, Fils de David, aie pitié de moi !"
Vois-tu, c'est la vraie cause de tes malheurs, tu n'as jamais prié sérieusement pour ton enfant, tu n'as pas prié avec elle, tu ne lui as pas même appris à joindre ses petites mains et à balbutier une prière alors qu'elle t'obéissait encore; et parce que tu n'as pas prié pour ton enfant, tu as ignoré la puissance qui sauve de la mort.
0 ! si tu avais connu la force mystérieuse de l'intercession, tu aurais enveloppé ta fille d'un réseau invisible, tu l'aurais retenue sur la pente glissante. Crois-moi, si dans cette nuit fatale où le tentateur a séduit ton enfant, tu avais été à genoux, en prière, intercédant pour elle, ta fille ne serait pas tombée.
Combien est pauvre le foyer d'où jamais ne s'élève la prière d'une mère! Année perdues, efforts perdus que ceux qui ont été faits sans Dieu. Et puis tu as péché peut-être par l'exemple. Tu voulais voir ta fille pieuse, modeste, travailleuse, économe. Lui as-tu donné l'exemple de toutes ces vertus? Ah ! l'exemple, il est plus efficace que des flots de paroles Quels observateurs que les enfants, et quels juges quand ils grandissent!
N'ont-ils pas vu que tu étais infidèle dans les petites choses, qu'au lieu de vaquer avec zèle aux travaux du ménage, tu perdais ton temps en commérages; n'ont-ils pas été repoussés par le désordre, la malpropreté, le manque de confort et de paix au foyer domestique ? Et ils ont choisi la rue pour leurs ébats et ont préféré la compagnie des mauvais sujets à celle de leurs parents.
0 mère, mère coupable mais repentante, humilie-toi au pied de la croix ! Là se trouve le pardon pour les péchés, les négligences des mères. Retourne à celui qui sauve et alors ta fille aussi pourra être sauvée.
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