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Un beau «compte» de Noël

Il était une fois quelque part dans les Rues Basses de Genève, à la fin des années soixante, une petite bijouterie gérée depuis 15 ans par un homme qui avait traversé beaucoup de pays et d’événements politiques au cours de sa longue vie.

A ses côtés, garnissant l’unique vitrine avec des objets de valeur, voici sa dévouée Marguerite gantée de flanelle blanche. Comme tous les matins depuis l’ouverture de la précieuse boutique, elle pose soigneusement les bijoux qui ont sagement passé la nuit au coffre, assurance oblige. C’est que dans cette vitrine donnant sur la rue du tram, seuls quelques ornements de moindre valeur ainsi que tous les petits supports indiquant le prix de vente des joyaux restent en place durant la fermeture du magasin.

Avec une régularité bien singulière, voilà le monsieur qui, se rendant probablement à son travail, s’arrête dans un rituel immuable devant ladite vitrine et observe une bague pendant de longues minutes. C’est toujours la même, celle qui arbore un joli rubis, modeste par sa taille mais splendide par la qualité de sa couleur: «sang de pigeon». Ce corindon est entouré de deux brillants d’un demi-carat, en forme de trapèze et son prix est indiqué sur le support juste devant l’objet: 6’400 Francs.

Un matin, après une brève hésitation et un regard furtif sur sa montre, le monsieur ose rentrer, demande à voir la bague et questionne Marguerite sur la qualité du rubis, des brillants et leurs poids respectifs.

- Elle est bien trop chère pour mes finances, marmonne-t-il désolé en tendant la bague en retour avant de lâcher dans un soupir:

- Mais c’est vraiment à mes yeux la plus belle...

Marguerite, en bonne vendeuse, confirme l’excellent choix du monsieur, propose néanmoins d’autres modèles, d’autres pierres moins onéreuses, mais apparemment aucune bague ne semble posséder le charme de la première.

La bague retourne donc à sa place sur son écrin, rejoignant ses consoeurs les repoussées moins coûteuses mais aussi moins attrayantes, et durant les semaines suivantes, à chaque ouverture du magasin, Marguerite, amusée, apercevra de l’autre côté de la vitre son fidèle visiteur. Il semble lorgner avec soulagement la belle parure rouge qui, ouf, n’est toujours pas vendue.

Or, un matin, alors que comme à son habitude l’habile employée installait la collection de bijoux sur le tapis de velours noir, distraite elle se trompa de support et le fameux rubis ne coûta plus que 2’900 Francs. Ce même jour, lorsque le monsieur s’approcha de la vitrine, il eut tôt fait de s’apercevoir du changement et cette fois poussa la porte sans la moindre hésitation:

- J’achète votre rubis au prix indiqué, annonça-t-il en sortant prestement son chéquier de sa veste.

Etonnée par cette surprenante entrée en matière, Marguerite attrapa les clés et se dirigea en souriant vers la vitrine, se réjouissant que son client transi se soit enfin décidé. Mais en voyant la somme indiquée au pied de la bague, elle comprit et blêmit.

- Oh mon Dieu, je suis désolée, mais j’ai interverti par mégarde ces deux bagues, le prix n’est donc pas de...

Elle n’eut pas le temps de terminer sa phrase, le monsieur l’interrompit sèchement:

- Ce n’est pas mon problème, d’après la loi, vous devez la vendre au prix indiqué.

- Mais Monsieur, vous êtes passé devant si souvent, vous êtes même rentré une fois pour la voir de plus près, vous le savez bien que ce n’est pas son prix, que je me suis trompée, implora Marguerite dans un pâle sourire, ne pouvant croire que son assidu visiteur, si sympathique de prime abord, persistait dans sa terrible résolution.

- Veux pas le savoir, vous devez me la vendre à ce prix, sinon je porte plainte à la police!

Les explications du patron de la bijouterie venu à la rescousse, invoquant l’erreur humaine et le regrettable moment d’inattention ne servirent à rien, le déconcertant personnage resta intraitable.

Les arguments étaient à présent épuisés et l’individu figé à cheval sur son bon droit, quitta le magasin de plus en plus déterminé à aller jusqu’au bout s’il le fallait, laissant derrière lui une Marguerite toute fanée.

A telle enseigne que l’histoire fut portée devant les tribunaux. Et le jour du verdict, le juge déclara:

- Monsieur, dans cette affaire, la loi vous donne raison. Mais je tiens à vous dire, et c’est le concitoyen et non le juge qui vous parle, que j’ai honte de l’attitude déloyale dont vous faites preuve. A votre place, je ne serais pas fier d’une acquisition obtenue en de telles circonstances.

En face, un haussement d’épaules désabusé fut renvoyé en guise de réponse.

Bien des années passèrent et cet incident était depuis longtemps oublié quand un soir d’hiver, juste avant la fermeture de la boutique, un monsieur très maigre entra et demanda à voir le responsable des lieux. L’individu avait du mal à marcher et dut rapidement s’asseoir. Au bout de ses doigts tremblants, un papier s’agitait tel un fanion, et lorsque le vieux gérant se pencha vers son client de la dernière heure, celui-ci lui tendit le document en expliquant:

- Si vous saviez Monsieur comme je suis heureux de vous voir. Nous sommes à la veille de Noël et je me sais atteint d’une maladie incurable. Un jour, il y a bien longtemps, j’ai profité d’une méprise pour acheter une bague à vil prix. Mais je ne veux pas manquer le Paradis pour quelques malheureux milliers de francs. Voyez-vous, confia-t-il encore, toute ma vie j’ai volé mon patron et aujourd’hui je le regrette amèrement car j’ai appris qu’il était décédé. Mais là aussi j’ai essayé de rattraper mes tricheries en dédommageant ses fils. Alors voilà, je suis fier de clôturer mes comptes en vous remettant ce chèque de 3’500 Francs. A présent, je peux m’en aller en paix.

Ce soir-là, le vieux gérant ferma sa bijouterie et rentra chez lui tout ému. Bouleversé, il nous raconta cette véridique histoire. Ce faisant, mon père venait de nous faire cadeau d’un magnifique conte de Noël, qu’à l’instar de ces épiques récits bibliques, je n’oublierai jamais.









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