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Les « Entretiens sur l'éducation » est un mensuel publié sans interruption depuis plus de 100 ans.
Le site www.entretiens.ch vous offre la possibilité de consulter en ligne ces extraordinaires archives parcourant/ponctuant au jour le jour l'histoire de l'éducation familiale d'un bout à l'autre du XXème siècle.
La survie de la brochure mensuelle imprimée parallèlement à la distribution virtuelle à travers le site est le garant de la poursuite de cette aventure. La rédaction est assurée de façon bénévole par un groupe de parents passionnés par la réflexion et l'écriture autour du vécu familial. Les frais d'impression du journal et la gestion du site (100 000 pages demandées par mois??)....30.- par an (20€).
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L'Enfant et la Nature

Ce qui a rendu mon enfance si heureuse, ce qui en fit un paradis sur terre, c'est le génie bienfaisant qui planait sur mon frère, sur mes sœurs et sur moi. Ce génie, dont nous éprouvons encore chaque jour les bienfaits ce fut l'amour de notre mère, une âme d'élite qui passa sa vie à faire le bien et à le répandre autour d'elle. Restée veuve à 20 ans avec quatre enfants à élever et une fortune modeste, elle s'arma de foi et de courage et ce fut dès lors à genoux qu'elle passa une partie de sa vie. Le sillon qu'elle a tracé dans ce monde est resté lumineux pour beaucoup et ceux qui l'ont connue l'ont proclamée une sainte femme. Elle se plaisait au contact des humbles et des petits et fut pour les âmes fatiguées un médecin et un ange gardien. Sa mort fut un malheur pour beaucoup, car le nombre de ceux qu'elle entourait et consolait dans sa sollicitude vraiment chrétienne était considérable et sa mémoire est bénie dans le pays.

Elle s'appliqua dès notre plus bas âge à nous faire chercher le commerce avec la nature, étudier les œuvres de Dieu. De bonne heure, elle nous conduisit dans les bois, dans les champs, sur le bord des eaux, dans les marais et parmi les rochers. Elle nous enseignait là à lire dans le livre de la nature et nous rendait attentifs à une foule de choses qui passent inaperçues aux yeux du vulgaire.

Que d'heures délicieuses n'avons-nous pas vécues en face d'un beau tableau de la nature, devant un nid d'oiseaux, un banc de mousse, une fourmilière, un troupeau de vaches! De quel amour n'était elle pas animée pour la plus humble fleurette et que de choses ne découvrait-elle pas au fond des corolles que fréquentaient les abeilles? Il me souvient de ses transports de joie en face d'une fleur inconnue et il me semble que c'est d'hier que nous découvrions ensemble la fleur en filigramme du trèfle d'eau (Menyantes trifoliata).

Elle avait pour les arbres un respect qui tenait sans doute aux globules de sang celtique que nous, vieille race romano-helvétique, avons dans les veines, car elle ne pouvait en voir un bel exemplaire sans lui adresser son admiration. Cet amour pour les arbres la poussait à nous conduire fréquemment dans un bois charmant et tout plein de poésie qui se trouvait à une demi-heure de nous et où nous allions en pélerinage, car ce fut là que notre père fit sa dernière promenade et que, plein de vie et de santé, à 31 ans, et huit jours avant sa mort, il cueillit avec elle et nous son dernier bouquet de muguets. Ce bois si riche en souvenirs familiaux nous est sacré à tous et il restera notre tabernacle et notre sanctuaire, car c'est là qu'à l'école de notre mère, nous avons appris à aimer Dieu dans ses oeuvres et à trouver le bonheur.

Et quelle artiste fut notre mère! Il lui suffisait d'un vieux tronc moussu, d'un pan de mur recouvert par le lierre, d'une ruine ou d'une chaumière patinée par les siècles, d'un rocher rongé du soleil et animé par les fleurs, d'une échappée sur le lac pour jouir comme un enfant. Tout lui souriait et elle a trouvé la beauté dans tout ce qu'elle a rencontré dans la nature. Ces tableaux excitaient sa verve poétique comme si elle eût été Lamartine…

On me pardonnera d'en avoir parlé ici, - et il m'en a coûté, car il semble que ce soit une profanation que de proclamer publiquement certaines choses intimes - quand on saura que c'est elle qui a allumé en mon âme l'étincelle qui me pousse à écrire et qui me procure quelques satisfactions et des instants de bonheur. L'ombre de ma mère me protège encore et je sens qu'elle m'est en bénédiction. Mères qui me lisez, souvenez-vous qu'il vous appartient de rendre dans une grande mesure vos enfants heureux ou malheureux. De l'éducation que vous leur donnerez, vous la mère, dépendra une partie de leur avenir.

Notre mère a semé dans les cœurs de ses enfants une graine qui a germé abondamment et qui a produit cette soif de bonheur, qui les pousse vers les sommets et les excite à chercher leurs satisfactions dans le commerce avec la nature et son créateur.









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